"Les vrais savent, les vrais font".
Déjà près de 18 ans que Derrick Green est le "nouveau" chanteur de Sepultura et que Kisser et Xisto tentent de maintenir le navire à flot. A l'heure où les frères Cavalera fêtent ensemble et sur scène l'anniversaire de "Roots", Sepultura continue d'arpenter le chemin avec les réussites et les échecs que l'on lui connaît. Leur dernier album "The Mediator Between the Head and Hands Must Be the Heart" m'ayant particulièrement séduit, je piaffais d'impatience en attendant la suite. Et là, ô surprise, alors que je m'attendais à un "The Vatican" bis repetita, Sepultura choisit d'opérer un virage à 180 degrés en proposant un album très différent de son grand frère. Audacieuse démarche qui paye... car par dessus le marché c'est une réussite !
Il m'a fallu pas mal d'écoutes pour ingérer correctement ce nouvel album des Brésiliens. Riche et complexe, il renferme des chansons longues et tarabiscotées qui ne se contentent pas de tourner autour du riff principal. "Machine Messiah" propose le travail d'un Sepultura sérieux, appliqué et inspiré, préférant le crescendo d'un morceau à tiroirs plutôt que la déferlante d'un brûlot Metal/Hardcore.
Au cours de son histoire, Sepultura a montré un amour et un intérêt certain pour les titres allant droit au but sans faire de détail. Ce sont d'ailleurs les chansons comme "Refuse/Resist", "Troops of Doom" ou "Arise" qui squattent toujours leur set list en concert. Néanmoins, le groupe a toujours su proposer dans ses albums des titres instrumentaux, des passages acoustiques, des harmonisations guitaristiques et des plans solos raffinés (rappelez vous d'un morceau comme "Inquisition Symphony sur "Schizophrenia" ou le tapping final sur toutes les cordes de Kisser à la fin du solo de "Dead Embrionic Cells" !). C'est aujourd'hui cette facette qu'ils choisissent de nous proposer, avec pour ne rien gâcher, de sacrés morceaux à la clé !
"Machine Messiah" ouvre donc le bal avec une introduction arpégée et une montée en puissance annonçant la couleur de l'album à venir. Avec sa mélodie sombre et inquiétante, on se remémore l'introduction de "Beneath the Remains" mais la similitude est de courte durée. Dès l'entrée de la guitare électrique et de la section rythmique on rentre dans un univers épico/mélancolique assez inhabituel pour du Sep'. La voix de Derrick est posée, le son est massif et imposant et les troupes prennent le temps de s'échauffer sur ses singulières six premières minutes. Ça tire un poil en longueur mais Sepultura annonce la couleur : "On va se faire plaisir... et tant pis si ça ne vous plaît pas !"
Et presque malicieusement, le quatuor attaque ensuite avec "I Am the Enemy", titre rapide et agressif qui défouraille sans somation. Sepultura s'amuse d'ailleurs à rappeler tout ce qui fait son identité au travers de l'introduction percussive de "Phantom Self", l'instrumental "Iceberg Dances" où le groovy "Resistant Parasites". En plus de la guitare en son clair, Derrick Green modère ses grognements et on trouve plusieurs interventions d'orgue Hammond, qui si elles surprennent au départ s'insèrent bien au propos belliqueux du groupe.
Il faut dire qu'avec les prestations de Eloy Casagrande, Green et surtout Andréas Kisser, le boulot est quasi fait ! Kisser justement, qu'il est assez incroyable de retrouver à ce niveau de créativité tant il semble lui avoir poussé de nouvelles ailes metalliques. Solos véloces et inspirés, riffs solides, on retrouve le barbu tel qu'on l'avait laissé il y a... piouff, longtemps ! Sa prestation sur cet album est si étonnante qu'on se demande ce qu'il l'a motivé à tant sortir la machine à dérouiller.
Le plaisir musical qui alimente cet album se fait sentir à de nombreux moments, dans la violence d'un "Vandals Nest" (le groupe n'avait proposé une telle boucherie depuis longtemps) ou l'audace et la lourdeur d'un "Cyber God".
Album concept narrant l'arrivée d'un messie robotique, le prophète à puces affirme que l'homme est une création des machines (et après tout pourquoi pas ?). Je retrouve cette thématique dans la clarté et la découpe chirurgicale de la prod', la froideur de certaines rythmiques et aussi malheureusement cette caisse claire au son de merde qui me sort par les trous de nez.
Quelques longueurs se sont sentir ici et là, deux morceaux sont un peu en dessous des autres, mais au fil des écoutes "Machine Messiah" s'avère un album addictif, très surprenant et vraiment encourageant pour la suite de la carrière de Sepultura. Qui aurait cru que le groupe reviendrait à ce niveau ? Après l'encourageant "The Mediator...", le combo aurait pu choisir de capitaliser sur cet élan positif où continuer à enfoncer le clou du mélange Metal/Percussion comme sur leur récent DVD où ils réarrangent plusieurs de leurs titres avec les Tambours du Bronx pour un concert exceptionnel au Brésil.
A la place, ils ont choisi de partir dans une direction totalement opposée en se mettant en danger mais en faisant plaisir en laissant leur inspiration les amener là où elle voulait. Sepultura n'est certes plus la notoriété et l'éclat de l'époque de "Roots", mais artistiquement, ils continuent d'avancer et méritent rien que pour ça le plus grand respect.
Track List :
1 - Machine Messiah
2 - I am the enemy
3 - The Phantom self
4 - Altea
5 - Iceberg Dance
6 -Sworn Oath
7 - Resistant parasites
8 - Silent violent
9 - Vandals Nest
10 - Cyber God