Lamb of God + Kreator + Municipal Waste @Paris
Olympia - Paris
Avocat le jour, rédacteur sur Horns Up la nuit et photographe à mes heures perdues.
Cela a été rappelé bien des fois au cours de cette soirée : ce co-plateau Kreator x Lamb of God aurait dû investir l’Olympia il y a 3 ans. Une des dernières dates pré-Covid qui n’avait pas encore bénéficié de report, et qui, au fil des reprogrammations, a muté. Power Trip étant initialement prévu en tant que première partie, le tragique décès de Riley Gale (chant) en a décidé autrement. Remplacés par Thy Art is Murder et Gatecreeper, c’est finalement à Municipal Waste que reviendra la charge d’ouvrir cette soirée où le public s’est déplacé en masse.
Avant de revenir sur la prestation des thrashers de Virginie, un mot sur le plateau : Kreator nous a habitués, au cours de ses tournées européennes récentes, à partir en prestigieuse compagnie dans le but d’investir des salles qu’ils auraient peut-être du mal à remplir seuls : Morbid Angel x Nile x Fueled by Fire pour la promo de Phantom Antichrist en 2012, Arch Enemy x Sodom x Vader en 2014 et Bloodbath x Hatebreed x Dimmu Borgir (excusez du peu !) en 2018. Ce State of Unrest Tour prolonge donc cette volonté de proposer un plateau metal de prestige faisant une passerelle entre différentes époques et esthétiques dans le but de toucher le plus grand nombre.
Municipal Waste
Di Sab : Habituellement, je croise Tony Foresta et sa bande aux aurores, sur une Mainstage clissonnaise. Pour ma première de Municipal Waste en salle, quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’appris que le groupe investirait l’Olympia à 18h30. Nous sommes toutes et tous conscients que les concerts à Paris doivent finir tôt pour permettre à toutes et tous de bénéficier des transports en commun, mais une ouverture des portes à 17h pour un premier set à 18h30 en semaine…nous frisons l’absurde. C’est fort logiquement devant une foule très clairsemée que Municipal débuta un set pas exempt de tous reproches.
Là où Kreator et Lamb of God ont bénéficié d’un son globalement optimal (Olympia oblige), ici ce ne fut pas le cas, du moins en fosse. L’omniprésence des basses a fortement atténué la dimension incisive qu’on a le droit d’attendre d’un concert de crossover tout en contribuant à rendre le tout un peu brouillon. Malgré l’horaire, et comme d’habitude, le groupe donne de sa personne et investit bien l’espace qui lui est alloué. Leur bonne humeur et leur envie de bien faire est communicative, ce qui, malgré l’imprécision du son, rend le moment plutôt agréable. Pour ma part, j’ai totalement laissé tomber le groupe après The Fatal Feast que j’avais déjà écouté que d’une oreille. Je ne maîtrise donc pas la moitié de la setlist malgré une écoute distraite du dernier en date (Electrified Brain) la semaine dernière qui m’a confirmé que le groupe, à l’instar de son public, tourne en rond avec entrain, joie et conviction.
Aucune prise de risques, l’impression de n’avoir jamais décroché du groupe et de les retrouver 10 ans après là où on les a laissés. Forcément, je m’ambiance sur les trop rares vieux titres (3 de The Art of Partying auxquels il convient d’ajouter « Thrashin’ of the Christ » et « Mind Eraser ») tout en écoutant poliment les plus récents. A la fin d’un « Born to Party » toujours aussi fédérateur, difficile de tirer un bilan non contrasté de la prestation du groupe : ce n’était pas nul, ce n’était pas bien. On aurait préféré Power Trip, on préfère à Thy Art is Murder*. On a déjà pris plus de plaisir devant Municipal Waste par le passé mais ceux-ci n’ont pas démérité. Ni mémorable, ni gênant.
*NDLR : le co-auteur de cet article est tombé de sa chaise en lisant cette dernière partie de phrase.
Setlist :
Demoralizer
Breathe Grease
The Thrashin' of the Christ
Mind Eraser
Poison the Preacher
Grave Dive
You're Cut Off
Sadistic Magician
Slime and Punishment
Headbanger Face Rip
High Speed Steel
Wave of Death
Born to Party
Kreator
Di Sab : Tous deux avons vu Kreator au Motocultor Festival et au Hellfest il y a un peu plus de six mois. A la sortie desdits concerts, nous étions partagés entre la satisfaction d’être face à un groupe hyper professionnel donnant des prestations extrêmement bien ficelées et la déception induite par une setlist résolument new school ne mettant pas assez en valeur les anciens titres.
En 2018, Tom Angelripper de Sodom a donné une interview dans laquelle ils justifiaient leurs changements de line up par l’impératif de rester compétitif, de faire plus, de donner plus aux fans. Cette vision très orientée business peut légitimement rebuter cependant, il est difficile de nier, surtout en ces temps où les problèmes économiques induits par les tournées sont verbalisés, que les concerts sont une industrie, une économie et donc un marché. Même si Kreator ne l’évoque pas, à la vue de leurs concerts, il apparaît que c’est un état d’esprit qui est leur. Difficile de ne pas ressentir et admirer le travail effectué par le groupe en amont afin de rendre une copie digne d’intérêt : changements de backdrops, scène avec des montées de part et d’autres du kit de batterie, acteurs, pyrotechnies, lâcher de confettis sur la foule. Malgré des lights un peu timorées, le rendu visuel reste impressionnant.
En parallèle, les Allemands réussissent à distiller ce petit quelque chose en plus qui contribue à nous donner l’illusion d’une expérience unique : un t-shirt exclusif pour le concert de Paris, le featuring de Sofia Portanet sur Midnight Sun et un speech en français de la part de Frédéric Leclerc. Ces petits ajouts contribuent à apporter une chaleur qui manque à la plupart des shows-spectacles (AC/DC, Alice Cooper pour ne citer qu’eux). Musicalement, quiconque a vu Kreator a pu constater la fiabilité du groupe et la solidité de son interprétation. La voix de Petrozza peut agacer (surtout pendant les speechs) mais peu de chanteurs de sa génération ont encore son coffre.
Mais toutes ces bonnes choses sont encore une fois ombragées par une setlist bien trop centrée sur les efforts récents. J’ai le sentiment que les tournées avec Arch Enemy, Soilwork et consorts ont contribué au rajeunissement du public de Kreator et que celui-ci est friand des nouveaux hymnes des Allemands et de leur nouvelle direction artistique où les titres mid-tempo et les mélodies prennent une place plus importantes. Difficile de nier les dimensions fédératrices des « Phantom Antichrist » ou des « Strongest of the Strong » mais forcément, la place prépondérante donnée aux titres de moins de 10 ans nous empêchent de profiter des anciens titres qui étaient indéboulonnables jusqu’alors.
Pas de « Tormentor » pour cette fois, pas d’« Endless Pain », personne « Under the Guillotine »... dont acte. Les fans ne semblent pas se formaliser et la très très bonne réception des nouveaux titres nous laisse à penser que les choix opérés par Kreator, que nous déplorons, ne sont pas mauvais. Sans rancune !
Setlist :
Hate Über Alles
Hail to the Hordes
Awakening of the Gods (intro)
Enemy of God
Phobia
Midnight Sun
Satan Is Real
Hordes of Chaos (A Necrologue for the Elite)
666 - World Divided
Phantom Antichrist
Strongest of the Strong
Flag of Hate
The Patriarch
Violent Revolution
Pleasure to Kill
Lamb of God
Michaël : Une fois le backdrop à l’effigie du dernier opus - Omens - accroché en fond de scène de l’Olympia, il n’y a plus de doute : le concert de Lamb of God attendu depuis tant d'années aura enfin lieu. Difficile de cacher notre enthousiasme après autant d’attente et, surtout, un dernier album globalement bien fichu comme nous l’a si bien dit l’Avocat du Diable (c’est-à-dire moi-même).
Lorsque les premières notes d’introduction de l’excellente « Memento Mori » résonnent, on sait que l’on est en lice pour un championnat de rodéo dont on ne sortira pas sans s’être fait piétiner. Le premier mouvement de batterie nous décolle la plèvre ; le rouleau compresseur Lamb of God est bel et bien en marche.
Sur scène, le décorum est assez minimaliste. Une batterie largement surélevée, quelques tapis, quelques repose-pieds pour que Randy puisse s’y vautrer et faire voyager ses dreads. Ce caractère minimaliste - très plaisant s’agissant de la scène - se retrouvera malheureusement également dans les lights du soir, assez pauvres (et pénibles pour les photographes). En somme, quelques strobos sur le backdrop, et des ambiances monochromes tout le long. Une petite déception à ce titre car il eut été possible de fournir bien plus de variation et d’originalité sans faire perdre à la prestation son côté monolithique.
Car monolithique, le son l’a bien été. Malgré un Randy parfois un peu sous-mixé, Lamb of God n’a pas failli à sa réputation de groupe moins fin en live que sur studio, avec des riffs lourds appliqués sans anesthésie générale sur un public parisien prêt à en découdre tout du long. Du mouvement, de la sueur et une dynamique de concert assez folle, malgré des organismes certainement déjà éprouvés par plus d’une heure de Kreator.
Comme toujours, Mark Morton, Willie Adler et John Campbell ne sont pas les plus expressifs sur scène. Les riffs parlent d’eux-mêmes. Seul Randy Blythe ne cesse de parcourir la scène de gauche à droite en sautant tant qu’il le peut. Sûrement des relents de son début de carrière, jamais très loin de la scène hardcore. Et si, du reste, je regrette toujours le départ du talentueux Chris Adler, difficile de contester qu’Art Cruz lui succède avec brio.
La communication de Randy est sobre, posée et efficace. Il n’en fait jamais trop entre les morceaux et ses remerciements répétés envers le public revêtent bien l’habit d’une sincérité manifeste. Même s’il est habité pendant des titres aux paroles rarement positives et joyeuses, il manie avec brio tous les outils pour être un frontman respecté en 2023 : un peu de discussion avec le public entre les morceaux et des invitations à s’égosiller sur les titres les plus fédérateurs du groupe, « Redneck », « Laid to Rest » et « Now You’ve Got Something To Die For » en tête. Une prestation pleine.
Le point le plus notable est certainement la setlist du soir. Pour rappel, le groupe a sorti récemment un album ; et pourtant le groupe ne jouera que la très remuante « Ditch » et le pétard mouillé « Omens ». Deux titres pour une tournée de promotion c’est peu, mais cela permet aussi d’assurer une certaine cohérence à la setlist et de faire la part belle aux titres les plus massifs du groupe. On aurait résolument préféré une « Gomorrah » à « Omens » qui a confirmé tout ce que je peux en penser, à savoir un titre très sympathique mais qui ne mérite pas de prendre 5 minutes à une setlist où chaque seconde est comptée.
Car pour le reste, le groupe a mis le paquet. Au-delà des grandes classiques « Redneck », « Walk With me In Hell », « Laid to Rest » et « Now You’ve Got Something To Die For », le groupe nous aura offert un trio de haut vol issu de As the Palaces Burn : « 11th hour », « Ruin » et « Vigil ». Clairement un point fort de la soirée, même si j’ai cru percevoir ici ou là quelques pains de l’ami - pourtant talentueux - Art Cruz sur les passages les plus alambiqués de « Ruin ».
On regrettera très certainement que le groupe ne joue pas plus de titre de Wrath, que j’aime beaucoup et qui est trop souvent boudé en live, mais cette setlist aux allures de best-of des singles n’est pas pour me déplaire après autant de temps sans voir le groupe sur scène. Et puis merde, pouvoir profiter de « Contractor », « Omerta » et « 512 », c’est du bonheur.
Et c'est après plus d'une heure quinze de live que les Américains vont quitter la scène de l'Olympia, après avoir savamment labouré le public. Une confirmation de plus, s'il en était encore besoin, que le groupe a beau sortir des albums régulièrement dénigrés, il n'en demeure pas moins une excellente machine sur scène, que rien ne semble pouvoir gripper.
De toute évidence, on a hâte de les revoir.
Setlist :
Memento Mori
Ruin
Walk With Me in Hell
Resurrection Man
Ditch
Now You've Got Something to Die For
Contractor
Omerta
Omens
11th Hour
512
Vigil
Laid to Rest
Redneck
Nos remerciements à Nuclear Blast (et Valérie), Kreator, Lamb of God et Live Nation pour la soirée, l'invitation et le pass photo.