Grand Magus de retour cinq ans plus tard : JB (chant/guitare) nous parle de "Sunraven" !
JB
L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.
Il aura fallu attendre cinq ans pour que Grand Magus nous offre enfin le successeur de Wolf God (2019) ! Cinq longues années entrecoupées par l'inévitable "pause COVID", qui n'ont pas aidé le groupe à continuer ce qui aurait dû être une ascension irrésistible vers les sommets. Deux albums un peu tièdes ont aussi joué un rôle, mais Sunraven et ses 35 minutes d'album-concept basé sur la célèbre saga de Beowulf doivent relancer la machine. Pour l'occasion, je me suis entretenu avec Janne "JB" Christofferson, charismatique vocaliste et tête pensante du combo suédois !
Salut JB ! Tout d'abord, comment vas-tu ?
Je vais très bien, merci ! Disons que je donne beaucoup d'interviews, je suis un peu fatigué, mais ça va (rires).
Grand Magus a retrouvé la scène récemment avec quelques concerts, notamment au Brutal Assault où vous avez joué « Skybound », un nouveau titre, pour la première fois en live. Quelle a été la réception du public ?
Hé bien, ils ont eu l'air d'aimer. C'était vraiment fun d'enfin jouer une nouvelle chanson, et elle a eu l'air de marcher assez bien. Bien sûr, il faut toujours quelques concerts pour te mettre une chanson, je dirais, "dans le système". Mais ça a l'air de fonctionner. Il faut dire que cet album a été enregistré en conditions de live, ce qui donne toujours un meilleur feeling quand vient le moment de jouer ces titres sur scène.
J'allais justement dire que Sunraven paraît taillé pour le live : c'est très direct, avec beaucoup de riffs, des morceaux assez courts... C'était l'idée ?
Tout ce que nous faisons est spontané, pas vraiment réfléchi. Nous n'avons pas énormément de morceaux vraiment longs dans notre carrière, c'est toujours 4 minutes, environ... C'est le genre de chansons que je préfère, personnellement. Je peux apprécier des titres plus longs mais ce vers quoi je reviens le plus, ce sont des choses au final assez directes.
C'est quelque chose que tu gardes de l'époque où tu étais dans Spiritual Beggars ou quand tu faisais des morceaux stoners, des riffs directs, des titres efficaces ?
Hum... en réalité, c'est un peu l'inverse, car nos débuts n'étaient pas que stoner, ils étaient aussi doom. Je dirais que c'est justement l'influence d'un Judas Priest et du heavy des 80s qui amène cette recherche de l'accroche, sans vouloir te contredire. Nos débuts avaient des morceaux qui duraient une éternité. Mais ce qui est très clair, c'est que je n'aime pas un album trop long : 40 minutes, c'est ce avec quoi j'ai grandi, et Sunraven fait 35 minutes. Nous voulons faire des albums, pas juste une collection de titres, c'est un package, et si le package est trop long, tu te retrouves avec du vide dedans.
Je te comprends. L'album que j'ai le plus écouté dans ma vie est peut-être le Reign in Blood de Slayer : il dure juste moins d'une demi-heure, et j'avais une demi-heure pour me préparer avant d'aller à l'école à l'époque. Je savais que quand le riff de « Raining Blood » commençait, je devais plus ou moins sortir de la salle de bains (rires).
C'est parfait, oui ! C'est un bon exemple, tu ne veux pas trois morceaux de plus sur Reign in Blood. L'album est parfait comme ça.
Sunraven est le premier album de Grand Magus depuis cinq ans. C'est très long, surtout pour revenir avec un album de 35 minutes (rires). Comment expliquer cette longue attente ?
Dans ma tête, ça n'a pris que trois ans, pas cinq, car deux de ces cinq années ont disparu, globalement. Pour tout le monde. Je sais que beaucoup de groupes ont travaillé pendant le COVID, mais pas nous. Nous nous sommes rapidement dits que c'était l'occasion de prendre un break car c'était impossible de fonctionner dans ces conditions. Puis, en 2022, nous nous sommes retrouvés, avons donné des concerts et l'inspiration est revenue. Nous avons alors consacré 2023 à l'écriture et l'enregistrement de cet album. Donc pour moi, le temps entre ces deux albums n'a pas été si long, en un sens... Nous sommes un groupe qui a besoin d'un public live pour exister, sans ça, ce n'était pas la peine d'essayer.
As-tu pensé que cela pouvait être la fin de Grand Magus ?
Beaucoup de choses me sont passées par la tête. C'était le premier événement mondial de cette ampleur depuis la Seconde Guerre Mondiale, personne ne savait vraiment ce qui se passerait... Je me suis dit : peut-être que c'est fini, pas juste pour Grand Magus ou la musique, mais pour tout. Le ballet, l'opéra, tout ça... Personne n'en savait rien ! C'était quand même extrême, tu ne pouvais par moments plus sortir de chez toi. Alors oui, peut-être que ce n'était pas juste la fin de Grand Magus... Peut-être aussi que les concerts resteraient dans ce format de « distance sociale », avec des fans qui doivent rester éloignés les uns des autres ou assis... Et après avoir joué en tant que groupe dans des grands festivals ou des clubs bondés et suants, je ne pouvais pas imaginer me contenter d'une telle parodie. Je préférais abandonner et garder de bons souvenirs. Voilà, en gros, ce qui me passait par la tête. Mais progressivement, heureusement, les choses sont revenues à la normale et là, bien sûr, j'ai ressenti l'envie de m'y remettre.
Parlons de Sunraven et de son concept, car il s'agit de votre premier vrai concept-album. Il est basé sur la saga de Beowulf. Peux-tu nous dire comment cette idée est venue ?
C'est une idée qui est arrivée très tard. Nous avions écrit toutes les chansons sauf le texte et le chant et quand j'ai commencé à travailler là-dessus, je crois que c'est précisément sur la chanson « The Black Lake » que j'ai eu la sensation que ça me rappelait le combat entre Beowulf et la mère de Grendel au fond d'un lac sombre. Je me suis alors dit que toute l'histoire de Beowulf pourrait être utilisée comme toile de fond de l'album. C'est une saga que je porte en moi depuis que je suis gamin ; ça a toujours été une véritable inspiration pour moi, de bien des façons. Ca colle très bien aux textes que nous faisons habituellement, et ça a été intéressant de voir comment construire l'album, l'ordre des morceaux. C'était assez spontané.
Ce qui est surprenant est de commencer l'album par « Skybound », c'est-à-dire par la fin : la mort de Beowulf !
Exactement, oui. L'idée n'était pas nécessairement de respecter l'ordre chronologique mot pour mot. C'est sa mort mais aussi un nouveau départ. Je voulais explorer des thèmes, des sujets au sein de cette histoire, aussi avec ma façon de l'analyser.
Mon seul contact avec l'histoire de Beowulf est cet assez mauvais film du début des années 2000, en motion capture, avec Angelina Jolie...
Oh, oui, c'est vieux, ça (rires).
Quel a été ton premier contact avec cette saga ?
Hé bien, tout d'abord, mon père me lisait des histoires, pas seulement Beowulf mais la mythologie nordique en général. Je me rappelle d'un livre illustré, pas une bande dessinée mais une saga avec des illustrations, et il y avait cette superbe illustration de Beowulf affrontant la mère de Grendel qui l'attirait au fond du lac... Ca m'a obsédé ! J'ai demandé à mes parents de m'acheter d'autres livres avec ce genre d'illustrations. Plus tard, j'ai acheté une traduction suédoise de la saga de Beowulf par Björn Collinder (linguiste suédois qui a notamment traduit le Kalevala, l'Edda poétique ou encore des oeuvres de Shakespeare en suédois, nda). On peut dire que j'étais à fond dedans depuis un moment.
On peut donc dire que tu boucles la boucle, puisque le nouvel album est basé sur cette saga de Beowulf, mais que c'est via cette saga que tu as découvert tous ces thèmes dans lesquels baigne Grand Magus depuis longtemps...
Oui, exactement, c'est une bonne façon de présenter les choses.
Vu la longueur de l'album et le fait que c'est un album-concept, peut-être que cela facilite les choses pour le jouer en entier pour de futurs concerts en tête d'affiche... ?
Ehm... Je n'y ai jamais vraiment pensé, mais c'est une assez bonne idée. Ce serait cool. Peut-être, on verra (rires).
Le terme « Sunraven » n'est par contre par présent dans la saga, c'est quelque chose que tu as amené toi-même ?
Oui, c'est une de mes idées. Mais bien sûr, le corbeau (raven, nda) est un concept nordique très commun. Odin est représenté par un corbeau, mais il y a aussi des versions de Thor ailées qui rappellent le corbeau. Qui plus est, je suis un peu ornithologue dans l'âme et j'ai toujours adoré les corbeaux. Ils m'ont toujours semblé apprécier le soleil, être un peu attiré par sa lumière, d'où mon idée de « sunraven ».
Dans le même ordre d'idée, l'artwork de cet album est absolument magnifique. Il s'agit à nouveau d'une oeuvre d'Anthony Roberts avec qui vous collaborez depuis Triumph & Power...
Oui, c'est aussi lui qui a fait Sword Songs et Wolf God. C'est toujours difficile pour moi de dire que c'est le plus beau de notre carrière, mais Anthony Roberts comprend ce que nous voulons, il capte notre univers et comment représenter notre musique.
Si je ne me trompe pas, Grand Magus fête ses 25 ans cette année... C'est un sacré cap ! Y a-t-il quelque chose de prévu ?
Initialement, rien, nous n'y avions pas pensé... Mais on nous en parle à chaque interview, donc forcément (rires). J'imagine que nous devrions faire quelque chose.
Votre line-up est assez stable. Bon, il ne s'agit que d'un trio, mais deux des membres d'origine sont toujours là et le troisième membre est en place depuis 12 ans. Quel est le secret ?
Le secret est de trouver les bonnes personnes, c'est ce qui fait le groupe. J'imagine aussi que nous avons eu un peu de chance. C'est très important pour n'importe quel groupe, mais bien sûr, pour un trio... Il faut une compréhension parfaite de comment travailler ensemble, de ce qui fonctionne. Il faut l'accepter et apprécier la façon dont les choses se passent.
Enfin, parlons des tournées à venir et notamment d'un point que j'ai déjà remarqué. Quand je pense à Grand Magus musicalement, les noms qui me viennent, ce sont des groupes récents comme Eternal Champion, Visigoth, ou des anciens comme Manowar, Medieval Steel... Mais vous ne tournez jamais avec ce genre de groupes. Je te soupçonne pourtant d'aimer ce style de musique, mais vous n'êtes jamais aux festivals spécialisés heavy traditionnel. Y a-t-il une raison à cela ?
Je ne sais pas trop (il hésite). Je connais Eternal Champion, Visigoth, je trouve que ce sont vraiment de supers groupes. Mais la mise en pratique des tournées, des festivals où tu joues, ça dépend de tellement de choses, du timing... J'imagine que les choses se passent comme elles se passent (rires). Mais de manière générale, plus tôt dans notre carrière, nous avons déjà joué tellement de festivals, et au fur et à mesure, tu varies. Je n'ai pas vraiment d'explication.
Car par exemple, votre prochaine tournée sera en première partie d'Opeth... Tu me parlais des morceaux un peu trop longs à ton goût. Là, on est en plein dedans (rires). Les publics sont peut-être un peu différents...
On verra, peut-être que ce sera un désastre (rires). Il y a au moins un point commun, c'est que 100% de nos musiques respectives, c'est nous, à chaque seconde. Chaque note que tu entends d'Opeth, c'est eux, et c'est la même chose chez nous, il n'y a aucune triche. J'espère que leur public peut apprécier ça chez nous, même si les gars d'Opeth sont probablement plus doués que nous avec leurs instruments (rires). C'est une forme différente de composition, c'est sûr. Mais j'adore Opeth, ils sont brillants.
Je crois que le point commun est que ce sont deux super groupes, c'est certain. Merci de ton temps pour cette interview, JB !
Merci à toi, à la prochaine.
Merci à Nuclear Blast et à Valérie pour l'opportunité d'interviewer JB. Sunraven sort le 18 octobre prochain sur Nuclear Blast : retrouvez-en très vite la chronique sur Horns Up !