Non.
Il semble presque absurde de chroniquer le nouvel album d'Alcest sur un média metal tant le groupe nous prouve, à nouveau avec Les Chants de l'aurore, à quel point il ne s'intéresse pas aux étiquettes. Le projet de Neige, qui sort cette année son septième album, continue de protéger sa bulle d'onirisme que rien ne saurait percer. Si les sorties d'Alcest parlent de leur propre rêve, aux couleurs et aux formes cotonneuses et singulières, le groupe a eu le temps de se parer d'une montagne de fans qui se sont, à leur tour, approprié les émotions des morceaux. Ici, la dimension émotionnelle du projet est toujours aussi palpable, si ce n'est encore plus présente qu'auparavant.
Les Chants de l'aurore est-il le pendant ensoleillé de Spiritual Instinct ? Si le précédent, daté de 2019, renvoyait une aura très nocturne, il y a dans ce nouvel opus une approche radicalement opposée (et apaisée ?). La proposition de Yoann Lossel pour la pochette, artiste époustouflant qui nous sert ici sa vision personnelle de Spirit of the Plains de Sydney Long (1897) en dit long. Ayant une véritable fascination pour la pochette d'Ecailles de Lune (2010), celle-ci a également la force surnaturelle nécessaire pour représenter et compléter ce qu'est l'entité Alcest.
Cette lumière se ressent bien sûr au fil des sept titres. Si l'âme black metal qui suit le groupe, de plus ou moins près depuis ses débuts, n'est jamais bien loin, on s'en détache à nouveau beaucoup sur cet album. Un équilibre se forme : si les hurlements ne sont pas absents et qu'ils répondent parfois à des riffs plus obscurs, tout cela est largement contrebalancé par ce qui a toujours fait l'aura de chaleur du projet. Des arpèges, du chant clair et des atmosphères éthérées mais aussi, cette fois, du piano qui a une belle place en fin de tracklist.
Il est possible que je projette complètement ma propre compréhension de l'album, à un instant précis de ma vie, mais j'y ressens une confrontation constante entre adolescence et âge adulte comme un noyau central autour duquel gravitent les fameux chants de l'aurore. Si les compositions, la production et la construction de l'opus forment un album absolument mature et adulte... Il est difficile de croire qu'Alcest cherche réellement à s'engouffrer dans cette faille piégée. L'indice est pour moi le chant de Neige, tant dans ses lignes vocales, ses intonations que son texte, qui n'avait pas été si pur, brut et sincère depuis quelques albums. Là où il était parfois noyé dans l'instrumentation ou dans une reverb, un peu moins au premier plan, ici le choix de mieux entendre les paroles en français, le timbre et les aspérités ou les irrégularités de son chant sont un parti pris assumé. A la première écoute, un peu déroutant, cela finit par devenir l'une des forces de cet album.
Comme je l'évoquais dans ma chronique de l'album précédent, il est toujours difficile de chroniquer rapidement après sa sortie un album et c'est encore davantage le cas pour Alcest. Si ma réaction émotionnelle est toujours immédiate lors de la première écoute, ramenant immédiatement en raz-de-marée la nostalgie de 15 ans d'écoutes de ce groupe, il faut ensuite un sacré temps de digestion. Avec le recul, tous les albums d'Alcest sont devenus au fil du temps, pour moi et à leur manière, des piliers sécurisants et je sais déjà que Les Chants de l'aurore le deviendra aussi. La naïveté touchante de « Komorebi », « L'Envol » et « Flamme Jumelle », les éclats de « Améthyste », la force tempétueuse de « L'enfant de la lune (月の子) », tout comme l'innocence de « Réminiscence » et le solennel et résigné « L'Adieu »... Chaque étape a son lot d'émois qui ne passeront pas inaperçus. Où va Alcest avec ce nouvel opus ? Peu importe puisque c'est la parenthèse, hors du temps, qui compte ici.
1. Komorebi
2. L'Envol
3. Améthyste
4. Flamme Jumelle
5. Réminiscence
6. L'Enfant de la Lune (月の子)
7. L'Adieu