"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Cela faisait cinq ans que nous n’avions pas eu de nouvelles des Italiens allumés de Fleshgod Apocalypse, maîtres (ou seuls représentants) du brutal death baroque – bon à part une cover discutable d’Eiffel 65 mais oublions-là… Le covid est passé par là et de l’eau a coulé sous les ponts, bien que le groupe restait sur un Veleno tout à fait bonnard, peut-être ce qu’il a fait de mieux depuis Agony (2011)… de plus digeste en tout cas. Après le capharnaüm de Labyrinth (2013), qui s’était à peine dilué dans King (2016), cela faisait du bien de voir une formation revenir, au-delà de son côté sympho toujours présent, dans l’efficacité la plus pure (« Fury », « Sugar », « Worship and Forget »…), recadrée autour de Francesco Paoli qui avait repris les vocaux, les guitares, la batterie, presque tout. Cinq ans plus tard, il reprend même aussi la basse (!) mais laisse les fûts au batteur qui monte, Eugene Ryabchenko (qu’on a vu sur les planches avec Belphegor, Decapitated ou encore Vital Remains). Par ricochet, Fleshgod Apocalype accueille un nouveau guitariste lead, Fabio Bartoletti (passé par Hideous Divinity) et par autre ricochet, Paolo Rossi ayant mis les voiles, le groupe a décidé de confier l’intégralité des vocaux « clairs » à la chanteuse soprano Veronica Bordacchini qui les accompagnait depuis 2011. Le tableau baroque est de nouveau posé, voyons maintenant si Fleshgod Apocalypse va capitaliser sur le plus « sobre » Veleno… ou retomber dans ses travers.
Après la (trop longue) intro classique « Ode to Art (De’ Sepolcri) », Opera démarre sur les chapeaux de roue avec « I Can Never Die » où, c’est sûr, on constate que les Italiens ne se sont pas assagis. Les blasts sont toujours aussi apocalyptiques, les guitares envoient de la mortadelle tranchée et les orchestrations suivent tant bien que mal le mouvement effréné. Le changement principal intervient donc au niveau des vocaux, puisque Veronica Bordacchini sera très présente pour accompagner les growls de Francesco Paoli – moins rauques qu’à son habitude et même par rapport à Veleno mais ça fonctionne toujours – avec pour commencer des envolées limite heavy assez surprenantes. Mine de rien, cela va permettre à Fleshgod Apocalypse de se renouveler un tantinet. Mais à part ça, pas grand-chose ne bouge au final. Mieux (ou pire, c’est selon), Opera est un album qui va beaucoup plus bourrer que son prédécesseur et se placer entre celui-ci et King. Oubliés les morceaux plus travaillés et aérés de Veleno comme « Monnalisa » ou « The Day We’ll Be Gone », ici Fleshgod Apocalypse dépote à nouveau du début à la fin, avec des morceaux restant relativement courts (cinq minutes trente maximum). Même si « Pendulum » (un peu sabré par les breaks à chant féminin car avouons-le, les chants « clairs » de Veronica Bordacchini ne fonctionnent pas toujours) ou « At War With My Soul » sont un peu plus lourds, de même que le final « Till Death Do Us Part » sera forcément un peu plus posé, Opera est quand même un album très blastant et expéditif, bref le Fleshgod Apocalypse qu’on aime… ou qu’on déteste.
Alors même si Veleno était finalement plus varié et donc plus réussi, Opera demeure tout de même plus digeste et accrocheur que Labyrinth et King… mais Agony reste toujours intouchable. Ce sixième album des Italiens est donc avant tout une collection de nouveaux morceaux dans leur style unique qui leur est si cher et qu’ils sont presque les seuls à maîtriser à leur petit niveau. La chasse aux tubes ou aux morceaux de référence pour leur discographie est donc lancée, et si « I Can Never Die » constituait déjà un départ satisfaisant, on se délectera du bien speed mais aussi mélodique et donc entraînant « Bloodclock », de l’excellent et très inspiré « Morphine Waltz » (qui se permet même de rappeler un « The Agony » avec les orchestrations de haut vol), du plus rythmé et également bien épique (avec des compos plus originales en sus) « Matricide 8.21 » ou encore du classique mais très efficace « Per Aspera Ad Astra ». Un beau tableau n’est-ce pas ? Oui mais… cet art a quand même un fort air de déjà-vu. Si avec un nom comme Opera, on s’attendait à quelque chose de très ambitieux, on risque fort d’être déçu. Fleshgod Apocalypse ne sort aucunement de sa zone de confort, ce qui est certes compliqué vu son art qui déborde déjà assez comme ça, mais là c’est juste un « nouvel album de Fleshgod Apocalypse », comme s’il voulait juste montrer qu’il existe toujours et regarnir sa base de données pour ses setlists de concert. C’est un syndrome connu et les Italiens n’y échappent hélas pas. Opera est vite digéré, ce qui est un comble pour un groupe jugé aussi indigeste et bordélique il y a encore peu, et Veleno était une charnière plus marquante dans sa carrière que cet album certes bon et efficace, mais qui fait juste bien le travail, finitions comprises, mais on est quand même à l’usine. 2-3 tubes, une légère variation de ton avec la « nouvelle » chanteuse mais pour un résultat discutable (à mon humble avis), une outro-titre inutile et emballez c’est pesé on se revoit lors de notre prochaine escapade dans l’Italie la plus baroque et la plus sanglante.
Tracklist de Opera :
1. Ode to Art (De' Sepolcri) (2:18)
2. I Can Never Die (4:30)
3. Pendulum (3:58)
4. Bloodclock (5:14)
5. At War with My Soul (5:06)
6. Morphine Waltz (3:36)
7. Matricide 8.21 (5:35)
8. Per Aspera Ad Astra (4:48)
9. Till Death Do Us Part (5:31)
10. Opera (2:44)