Night Fest Metal (Arlon) : le black metal, mais dans une ambiance familiale
Coralie et Clément de Cronos ASBL
Punkach' renégat hellénophile.
Le Horns Up tour des festivals d'été s'est achevé dans l'ombre d'une caverne en Allemagne ; voici donc la saison des événements de l'automne, en salle et généralement plus intimistes. Cette année, nous avons l'occasion de pousser à nouveau jusqu'à Arlon, la petite ville frontière des confins orientaux de la Belgique. L'occasion de retrouver le Night Fest Metal, que nous avions découvert en 2019. Un événement comme il n'y en a plus beaucoup en Belgique francophone, il faut bien le dire, et qui livre sa treizième édition, déjà. On en a profité pour échanger quelque peu avec Coralie et Clément, qui sont dans les coulisses du festival au sein de Cronos ASBL. Parce qu'il n'y a pas que les grosses structures qui méritent qu'on parle d'elles.
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Tout d’abord, comme présenteriez-vous votre festival à notre lectorat, qui est majoritairement français et donc pas forcément familier du paysage belge ?
Le NFM, c’est un petit festival à taille humaine axé principalement sur le black metal, et qui a lieu dans L’Entrepôt, à Arlon, dans le sud-est de la Région wallonne, à deux pas de la frontière luxembourgeoise. C'est une ville située à un endroit stratégique, aux frontières de différents départements, ce qui nous permet de toucher un public plus vaste. Notre partenariat avec l’Entrepôt est très précieux : il nous permet de programmer des groupes d’une certaine ampleur, ce qui ne serait pas possible autrement. Le NFM est également un festival organisé en coproduction avec l'association du Durbuy Rock Festival (qui organise également La Guerre des Gaules ainsi que le Golden Age Rock Festival). C’est vraiment cette alliance tripartite qui nous permet aujourd’hui de réaliser de belles programmations sur Arlon et de proposer ce type d’événements au public.
Arlon, c'est une ville un peu particulière : en Belgique, c'est aussi loin qu'on puisse aller sans traverser une frontière, par rapport à une bonne partie du reste du pays. Or le Belge est plutôt casanier, c’est souvent difficile de le convaincre de faire trois heures de route ou de train. Cela peut être un handicap pour un festival, bien que de l'autre côté, vous êtes donc à deux pas du Grand Duché et de l'est de la France (Metz est à une bonne heure), et l’Allemagne n’est pas loin.
Il est vrai que le festival se déroule à l’extrémité du pays et qu’il est difficile pour un événement de notre taille de faire en sorte que les gens aient l’envie de bouger, d'autant plus que la région flamande est bien fournie en événements. Mais la proximité avec les pays limitrophes nous permet de tirer notre épingle du jeu. Et puis avec les années, nous avons su fidéliser notre public et il n'est pas rare de voir les mêmes têtes d'édition en édition. Certaines personnes viennent même de Paris, ou même encore de Suisse, ce qui fait toujours plaisir à voir.
Outre la position stratégique de l’Entrepôt aux trois frontières, son infrastructure particulière fait aussi son intérêt : elle permet de proposer une ambiance familiale et intimiste incomparable dans un environnement professionnel équipé, adapté et responsable. C’est la seule salle au sud de la Belgique de cette taille-là (250 personnes), sur un territoire qui compte de nombreuses structures où les jauges sont plus importantes comme la Rockhal à Luxembourg (6.000 places) ou encore l’Autre Canal à Nancy (1.200 places) — et c’est plutôt un atout, car le public est demandeur de cette atmosphère familiale, de partage et d’échange. Et nous leur en sommes tellement reconnaissants ; rien ne serait possible sans la présence du public à nos events, ne l’oublions pas.
C’est déjà votre treizième édition, c’est une belle longévité pour un festival, surtout en Wallonie. Le metal, surtout extrême, a encore du mal à trouver sa place dans le sud du pays, surtout par rapport à la Flandre. À l’heure actuelle, il reste quoi, dans notre région, dans les styles extrêmes ? Le Massdeath (qui fait donc plutôt du death) et le Durbuy Rock (éclectique, mais essentiellement du hardcore). Si je ne m’abuse, vous êtes les derniers sur un créneau plutôt black metal. C’était un choix délibéré dès le départ ? Cela reflète les goûts de l'équipe ?
Il est vrai que l’offre black metal est limitée en Wallonie. On peut citer tout de même le Metal Méan qui proposait de belles choses dans la région et qui, malheureusement, a terminé sa belle aventure en 2022 (NDLR : on y était d'ailleurs, en 2021 et en 2022). Le Durbuy Rock, que tu as cité propose également quelques bons groupes de black metal chaque année.
Effectivement, notre programmation est plutôt black metal, mais il faut savoir que dans ses premières années, le NFM était plutôt orienté death. C’est après une pause de six ans (de 2011 à 2017) que nous sommes revenus avec une programmation essentiellement black metal qui reflétait les goûts de l’équipe au moment de la reprise, ce qui est d'ailleurs toujours d'actualité. Bien entendu, nous restons toujours ouverts aux autres genres : l’affiche de cette année reflète bien cela à nos yeux, notamment avec Arkona qui s’ancre plus dans un style pagan/folk, mais aussi Hellripper qui tend plus vers le speed thrash.
Je pense qu’il est aussi important de garder en tête qu’une association est constituée de membres qui évoluent musicalement au fur et à mesure des années. Nous sommes très attachés à proposer des affiches qui correspondent au public, mais qui nous semblent cohérentes avec nos goûts musicaux, lorsque cela est possible.
Parlons de l’édition de cette année. Avec d’abord une question qui n’est pas agréable, mais qu'on ne peut pas éviter. Votre tête d’affiche, Arkona, est un groupe russe. Dans la situation géopolitique actuelle, n’avez-vous pas eu peur que ça soit mal perçu par une partie du public ? Ou même de subir des pressions : j’ai cru comprendre qu’il y avait une communauté ukrainienne assez active dans la région, avant même l’invasion du pays par l'armée russe l'année dernière.
C’est vrai que cette question semble inévitable. Il est vrai que dans la situation actuelle, il y a toujours la peur de l’opinion du public concernant le choix de la programmation, mais nous avons par le passé programmé plusieurs groupes ukrainiens. Notre optique première restant avant tout la musique extrême. Il n'est jamais facile de répondre à ce genre de questions car nous savons qu’elles peuvent vite être sujettes à polémique et ce n’est pas ce que nous recherchons. Nous prônons le respect de chacun avant toute chose et nous espérons que cela se reflète dans nos différents événements. Jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons eu aucun commentaire sur le sujet, à notre connaissance.
Mais au-delà de l'enjeu politique, de l’aveu même de Masha, la chanteuse d’Arkona que nous avons interviewée récemment, aucune tournée internationale ne pouvait être vraiment garantie dans le contexte actuel. Est-ce que ce risque d’annulation n’était pas une grosse prise de risque, pour vous ?
Tu as raison, nous y avons bien pensé et nous croisons les doigts pour que cela ne se produise pas à quinze jours du festival. Il est vrai que c’est une prise de risque certaine à faire venir des groupes russes, ou même ukrainiens, dans le contexte actuel, mais c'est vrai aussi pour n'importe quel autre groupe venant de plus ou moins loin. Les problèmes possibles sont légion, surtout ces dernières années avec le problème du Covid, à titre d’exemple. Nous avons connu de grandes difficultés à reprogrammer les shows qui étaient initialement prévus durant le confinement et qui ont été annulés... mais que serait la programmation sans une part d'imprévu ?
Pour rassurer les personnes qui auraient peur d'une annulation de la tournée d'Arkona et Bathuska, tous les voyants sont au vert à l'heure d'écrire ces lignes.
Le groupe ukrainien 1914 à Arlon en 2019 (Copyright : Matth B.)
Justement, parlons de Batushka. C'est un nom intéressant à avoir en haut d'une affiche, mais vous n'avez évidemment pas pu rater la polémique entre Krzysztof Drabikowski et Bartłomiej Krysiuk, qui nous a valu deux groupes rivaux qui portent le même nom. Celui qui jouera chez vous, c’est le “vrai” selon la justice, et c’est celui qui a pu signer sur le label Napalm Records. Mais beaucoup de fans de la première heure considèrent que c’est l’autre qui est légitime. J’admets que c’est très compliqué, mais en tant qu’organisation de concerts, quelle serait votre position sur la question ?
Nous n’avons pas forcément de position sur la question. Concernant cette polémique du "vrai" et du "faux" Batushka, nous laissons libre à chacun d'avoir son avis sur le sujet, nous ne pouvons qu'inviter les gens à venir voir le groupe en live pour se forger leur propre idée.
Il y a quelques années, vous aviez eu quelques soucis avec une certaine frange de votre public, pas nombreuse mais difficile à ignorer, et qui pour faire simple avait eu du mal à comprendre quand c’était pertinent de partir en mosh pit ou pas - et ce sans faire beaucoup attention au reste du public, voire aux groupes. Cette année, vous avez quelques bons groupes pour bouger (Perkölatör, Hellripper) mais aussi d’autres beaucoup plus atmosphériques (Houle, Batushka, Arkona sur les derniers albums). Vous n’avez pas peur que ce souci se reproduise ? Je vois d'ailleurs que vous avez mis l'accent sur la bienveillance et la sécurité sur votre événement officiel.
Il est vrai qu'il y avait eu quelques problèmes mineurs une année concernant ce sujet. Nous n'avons pas d'a priori, et nous avons confiance envers notre public pour faire en sorte que la journée soit une réussite. Nous ferons ce qu'il faut s'il y avait quelques problèmes que ce soit. Certains groupes amèneront plus le public à bouger et on s'en réjouit d'avance, dans le respect de chacun bien évidemment.
L’équipe de l’Entrepôt et Cronos ASBL sont très vigilants quant au bon déroulement de nos concerts ainsi qu’à la sécurité des personnes qui y participent. Nous sommes soucieux de créer une safe-place afin que tout le monde puisse se sentir bien. Et ça concerne également une autre catégorie de choses survenant en concerts : des jeunes femmes s’étaient plaintes du comportement d’une personne ayant des gestes déplacés envers elles. Nous avons fait en sorte de régler le problème car il n’y a pas de place pour cela au sein de nos événements et de l’Entrepôt. À chaque événement, nous travaillons avec Vigicore, un service de sécurité agréé, afin de garantir la sécurité. On en profite pour rappeler au public qu’il est important de prévenir le staff s’il est témoin ou victime de violence ou de toute forme d’agression ou de discrimination. Les membres de l’équipe ou service de sécurité n'ont malheureusement pas vue sur tout ce qui se passe, donc il est nécessaire que chacun et chacune joue son rôle pour venir à bout de ce genre de problématique.
Sujet plus léger, mais très important aussi : le boire et le manger. J’ai souvenir que le bar de l’Entrepôt offrait un choix de bières régionales assez conséquent. Et c’était bienvenu alors que de nombreux festivals de metal en Belgique se contentent encore de pils industrielle dans des gobelets en plastique. On peut encore s’attendre à un aussi bon accueil cette année ? Et quid des options concernant la nourriture (food trucks, options végétariennes, etc) ?
Comme toujours L'Entrepôt offre un assez large choix de bières. L'Orval est toujours disponible ainsi que la Lupulus pour ne citer que celles-ci. Concernant la restauration, nous proposons des croque-monsieur affectueusement appelés Croque-Cronos mais aussi des paninis tomate mozza végétariens afin que tout le monde puisse se restaurer entre deux concerts.
Les Ecossais de Saor en 2019 (Copyright : Matth B.)
Déjà treize éditions, et dernièrement, vous avez fait sold out sur sold out : c’était le cas lors des trois derniers festivals, si je ne me trompe pas. Face à ce succès, avez-vous des perspectives d’évolution pour le festival ? Le faire passer sur deux jours ? Est-ce que ça serait quelque chose de négociable, avec la salle ou avec la ville ?
Il est vrai que les dernières éditions du festival avaient bien marché, et nous en espérons autant à l'avenir. Pour l'instant aucune évolution dans le format ou la taille n'est prévue, la formule actuelle nous convient bien et fonctionne bien, à taille humaine et conviviale.
Mais nous ne nous limitons pas au Night Fest : nous accueillons Regarde Les Hommes Tomber, accompagné de Conjurer le 28 octobre à l'Entrepôt également, peu après le festival. Pour ce qui est de l'année 2024, nous aurons la seconde édition de notre second festival, le CRONOS SPRING FEST qui se déroulera le 27 avril 2024. On espère pouvoir annoncer les premiers noms durant le NFM de cette année, dans tous les cas ils seront annoncés très prochainement. Nous nous attelons à proposer des affiches attractives pour notre public et nous sommes ravis de pouvoir continuer à organiser des concerts.
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Rendez-vous donc le 7 octobre prochain à L'Entrepôt, pour une journée de concerts plutôt variés et une Lupulus au fût.