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mercredi 21 août 2024

Alcatraz Open Air 2024 | Jour 1

- Courtrai

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

L'Alcatraz Festival s'est imposé ces dernières années au sein du paysage des festivals européens comme l'une des valeurs sûres du « subtop » : pas encore le Hellfest ou le Graspop, mais un concurrent sérieux avec sa propre personnalité, que ce soit dans l'esthétique ou dans l'affiche. Initialement très orienté heavy et thrash, l'Alcatraz se tournait aux alentours du milieu des années 2010 vers des noms plus grand public et passait à deux jours.

C'est dans ces eaux-là que vos serviteurs (aka la team belge de Horns Up) y feront un tour, pour la première fois : voir Behemoth, Venom, Trivium, Death DTA, Moonspell ou encore Queensrÿche à 45 minutes de chez nous sans devoir se farcir un Graspop, c'était séduisant. Le hasard a voulu que privilégiant parfois d'aller voir ailleurs si l'herbe y était plus verte (en Tchéquie ou en Bretagne, au hasard...), ou pas forcément convaincus par l'affiche, il ait fallu attendre 2024 pour qu'on retrouve le Lange Munt de Courtrai.

Et avant notre récit, place à un constat : quelle évolution ! Là où en 2015, l'Alcatraz n'en était qu'aux balbutiements de son identité encore un peu « cheap », la prison post-apocalyptique met désormais à l'amende beaucoup de festivals de même taille. Et même son grand frère le Graspop, qui a toujours clairement manqué d'une identité visuelle forte. Quatre scènes, des cadors à la pelle, une organisation au poil sur laquelle on reviendra au fil du report : les portes du pénitencier s'ouvrent...

*

9 août - Jour 1

Groupes évoqués : Dudsekop | Eclipse | The Casualties | Cro-Mags | Beast in Black | Paradise Lost | Saxon | Amon Amarth | Cradle of Filth |

 

Dudsekop
The Swamp

Malice : Je débarque dans l'enceinte de l'Alcatraz sous la seule alerte intempérie du week-end, et heureusement, mon premier concert du jour se déroule sous tente. Direction « The Swamp », le marais, deuxième plus grande scène du festival et qui accueille grosso modo les concerts de metal extrême. C'est tôt pour du black metal, mais Dudsekop profite de la pluie et du côté régional de l'étape pour attirer du monde. Il faut dire que c'est une curiosité : composé de membres issus de la scène hardcore locale (comme souvent en Flandre : rappelons que la Church of Ra, c'est Courtrai...), Dudsekop balance un black metal entre tradition et modernité chanté en dialecte d'Ypres.

Tradition, pour ce tremolo picking tout droit venu de Norvège et ce côté parfois brut de décoffrage qui évoque Darkthrone ; modernité pour ces passages plus teintés post. Énormément de personnalité, un chant à deux voix très réussi (« Corbiaar »), une vraie présence sur scène : j'ai vu bien pire sur des festivals spécialisés black, et bien plus tard sur l'affiche. À suivre.

 

Eclipse
Prison Stage

Malice : Après avoir assisté au début de set très carré de Skeletal Remains, je migre vers la scène principale pour le premier plaisir sucré d'un week-end qui en compte quelques uns : les Suédois d'Eclipse (oui, les bonbons viendront souvent de Suède). En 2023, j'avais pris mon pied au Motocultor devant Royal Republic et son rock (suédois...) dansant au possible ; par moments, ce sera rebelote ici. Eclipse est tout de même plus du côté hard FM de la Force, et manque clairement d'un petit quelque chose malgré ses 25 ans de carrière. Mais malgré la voix un peu faiblarde d'Erik Mårtensson, on ne boude pas son plaisir, surtout quand Eclipse peut enchaîner des tubes comme « Falling to my Knees », « Runaways » ou l'infernal « Viva la Victoria » qui est probablement restée en tête de tout le monde jusqu'au dernier jour du festival. Putain qu'ils sont forts ces Suédois.

 

The Casualties
Helldorado

Matthias : Arrivé plus tard que mon compère d’évasion, je débarque tout juste pour le deuxième morceau de The Casualties. J’ai beau connaître le groupe et ses principaux tubes depuis l’adolescence, c’est la première fois que je vois les New-Yorkais sur scène. Déjà, première bonne surprise ; alors qu’il est encore tôt un vendredi, ils ont su attirer une foule respectable sous l’Helldorado, la deuxième scène sous chapiteau en termes de taille.

La seconde, ça sera à quel point l’ambiance se révèle familiale. Entre deux appels à l’insurrection, David Rodriguez prend soin de s’assurer que tout le monde passe un bon moment. Et puis de temps en temps, il saute dans la fosse pour le constater par lui-même. Les punks enchaînent leurs hymnes, tous plus simplistes les uns que les autres - « 1312 », « We Are All We Have » - et le moins qu'on puisse dire c'est que c'est communicatif. On chante tout ce qu'on connait des paroles tandis que le groupe fait monter sur scène un p'tit bout de 10 ans, peut-être, à l'impeccable crête verte. Le punk dans ce qu'il a de plus positif et convivial, et un concert qui se termine sur un superbe  « Unknown Soldier », drapeau noir brandi, qui met tout le monde d'accord. 

 

 

Cro-Mags
Helldorado

Matthias : Même philosophie mais style différent avec le groupe de Harley Flanagan. Le vétéran new-yorkais nous balance une setlist qui alterne allègrement entre les débuts du groupe - « We Gotta Know », encore très punk - et des mandales plus modernes comme « No One's Victim ». Le chanteur, bâti comme un humvee et à peu près aussi inarrêtable une fois lancé, profite de « World Peace » pour rappeler le sort des victimes des différents conflits armés en cours. Déontologie punk oblige, un concert de Cro-Mags s'accompagne aussi de quelques moments de réflexion sur l'actualité.

Dans la fosse toutefois, ça n'est ni l'heure de la réflexion, ni encore moins celle de la paix mondiale ; tout ce que l'Alcatraz compte de gros bourrins et autres moulineurs s'échange des amabilités et des newtons avec passion. Et j'y fais acte de présence, mais un concert de Cro-Mags, c'est vraiment très sportif - d'autant plus sous une toile noire en plein été. Mais bon, on est là pour en profiter, et c'est d'ailleurs ce que nous rappellera Harley Flanagan entre « Down But Not Out » et « These Streets » : la vie est courte et guère facile, et tout ce qu'on peut faire, c'est tâcher de l'apprécier. Ce n'est pas un message pessimiste, bien au contraire. Le chanteur a eu une vie mouvementée, mais il est revenu de très loin, sans baisser les bras. Le personnage résume bien la mentalité punk hardcore et mérite qu'on s'attarde sur son histoire. Mais pour l'heure, on réfléchit à ça en faisant l'inventaire de ses vertèbres un peu à l'écart, et en buvant beaucoup d'eau. 

 

 

Beast in Black
Prison Stage

Malice : Après avoir désespérément tenté de trouver le moindre intérêt à la musique de Fen, mais en être ressorti persuadé que le black atmo' anglais était juste chiant (aïe, Winterfylleth ne s'est pas baissé à temps pour éviter la balle perdue), direction Beast in Black. 'Fallait se mouiller la nuque, et autant dire que j'ai frôlé l'hydrocution. 

Bon, moment confession : moi, j'aime bien Beast in Black. C'est objectivement infernal, mais c'est mon genre d'enfer. Je savais ce que je venais chercher à ce concert, et en un sens, j'ai eu ce que j'attendais : une succession de tubes complètement kitsch que j'ai scandés comme tous les dégénérés qui m'entouraient (« Die by the Blade », « Sweet True Lies » et globalement tout ce qui sort de From Hell With Love). Mais franchement, parfois, wallah même moi j'trouve qu'ils abusent. Trop de samples, trop de pose, une espèce de bouillie sonore qui noie parfois dans le mix les – réelles – qualités de certains titres... et surtout, le pauvre Yannis Papadopoulos, piégé dans son propre personnage. Car Papadopoulos est un vrai très bon vocaliste, que les connaisseurs ont déjà pu entendre sur l'éponyme de Warrior Path et le premier album de Sacred Outcry. Un gars capable de bien plus de finesse que le pastiche vocal de Noora Louhimo (Battle Beast) qu'il est forcé d'incarner ici. Quand il prend la parole (c'est-à-dire souvent, quand même...), on entend d'ailleurs qu'il a l'organe complètement niqué par cette pression permanente qu'il inflige à ses cordes vocales. On espère pour lui que ça tiendra sur la longueur. Mais Beast in Black, de son côté, ne prévoit pas de devenir moins débile, comme le prouve « Power of the Beast », nouveau single consternant qui pompe allègrement... Cascada. Oui, oui, c'est de l'eurobeat. Et je ne ferai pas semblant de ne pas trouver ça un peu fun... 

Setlist : 

Bladerunner
Hardcore
The Fifth Angel
Born Again
Sweet True Lies
Power of the Beast
Die by the Blade
Beast in Black
Blind & Frozen 
Cry Out for a Hero
One Night in Tokyo
End of the World

Paradise Lost
The Swamp

Malice : Je me suis mis assez tard à écouter réellement Paradise Lost, et je réussis donc à les voir pour la première fois (sauf une fois, au cha...euh, de loin au Brutal Assault) à cet Alcatraz Festival. Et je pense être plutôt bien tombé : dès l'entame sur le splendide et culte « Enchantment », l'un des trois titres de Draconian Times au programme, c'est la classe, tout simplement. Très vite, c'est le karaoké, puisque Paradise Lost décide de jouer  « One Second » et « Say Just Words » en tout début de concert. Quand dès la moitié du set, des titres comme « As I Die » et « Pity the Sadness » ont déjà été balancés (et très bien balancés, avec un Nick Holmes impérial), on se dit que les Anglais grillent peut-être un peu vite leurs cartouches.

C'est sans compter sur la deuxième (euh...troisième ? Quatrième ? On a perdu le compte, mais Varulven vous fait un topo par ici) partie de carrière de Paradise Lost qui vient à la rescousse : « Faith Divides Us – Death Unites Us », titre emblématique de la renaissance du groupe dans les années 2010, relance la machine, comme l'immense et devenu classique « No Hope in Sight ». Certains regretteront la présence de « Smalltown Boy », cover de Bronski Beat issue de Symbol Of Life, en guise d'unique rareté de la setlist, mais le kiff de hurler « run away, turn away, run away, turn away, run awaaaaaayyyyyy » dans cette journée déjà riche en plaisirs coupables est le plus fort. Seul choix douteux : finir sur « Ghosts », titre du dernier album Obsidian, loin d'être le meilleur moment du soir. Dans l'ensemble toutefois, le job est fait et bien fait. Maintenant, on veut une tournée pour les 25 ans du mal-aimé Host

Saxon
Prison Stage

Matthias : Je n'ai pas vu Saxon depuis dix ans tout pile, à l'occasion d'un défunt festival en terre wallonne. Me revoici donc à attendre les Anglais, encore un peu plus blanchis sous le harnois, dans la poussière de la plaine flamande. Et dès le premier morceau, c'est la révélation : Saxon était un très bon groupe de live il y a dix ans, mais il a su encore bonifier, jusqu'à un point absolument renversant. Bill Byford débarque sur scène, digne comme un vieux lion sous sa crinière blanche, et met le feu au pénitencier avec « Hell, Fire and Damnation », comme ça, sans en avoir l'air. Personnellement, c'est « Sacrifice » qui me cloue sur place, mais tout est absolument parfait. Le vieux professeur anglais nous fait la leçon sur sa propre carrière, d'un album à l'autre, et nous, on boit ses paroles - ou plutôt sa voix, parfaite, à 73 ans, il faut le rappeler.

C'est d'une justesse proverbiale, tant sur des vieilles machines à la « Strong Arm of the Law » que sur les compositions du dernier album - peut-on dire que « Madame Guillotine » est, en live, à perdre la tête ? Non, vraiment, aucun superlatif n'est trop fort pour Saxon, et si Bill Byford, flegmatique comme il se doit, occupe le centre de la scène, le reste du groupe n'est pas en reste. Mention spéciale pour Brian Tatler, vraisemblablement sorti de son dolmen en invoquant les mânes de Diamond Head pour rajouter une touche d'électricité à un show déjà parfait. Et les vieux Anglais, taquins, nous flattent tout en s'amusant ; Byford demande qu'on lui prête un battle jacket, qu'il enfile pour « Denim and Leather », ce qui suffit à mettre des étoiles dans les yeux d'un Batave des premiers rangs. L'histoire ne retiendra pas son nom toutefois, car Byford l'a vraisemblablement mal compris quand il a dédicacé la jaquette - whathever - ça s'encadre quand même.

Franchement, je pourrais vous citer chaque morceau et argumenter pourquoi il était exceptionnel, mais il y a encore un festival à traiter. Bref, Saxon reste une machine de guerre et a livré ce qui sera parmi les meilleurs concerts de ce week-end, si pas le meilleur. 

Setlist : 

Hell, Fire & Damnation
Motorcycle Man
Sacrifice
Power & the Glory
Madame Guillotine
Heavy Metal Thunder
Strong Arm of the Law
1066
And the Bands Played On
Denim & Leather 
747 (Strangers in the Night)
Wheels of Steel
Crusader
Princess of the Night

Amon Amarth
Prison Scene

Matthias : Après un petit passage devant Madball - la programmation de ce vendredi était décidément très bourrine et très new-yorkaise - retour devant la grande scène pour un concert qui, au t-shirtomêtre, est très attendu par facilement les deux tiers de la population de ce festival carcéral. Bon, allez, je ne vais pas prétendre que je n'étais pas curieux de ce que nous réservaient les vikings de Tumba, d'autant que je trouve que leur dernier album a relevé la barre d'un (petit) cran, et puis visuellement, j'ose espérer un bon spectacle. Sur ce point, les deux grands guerriers gonflables érigés sur scène me laissent dire que je ne serai pas déçu.

Johan Hegg et ses comparses entament les hostilités sur un «Raven's Flight » somme toute correct. Mais Amon Amarth me surprend agréablement dès le morceau suivant ; les Suédois jouent pendant une heure et demie, et ils ont eu la bonne idée de commencer par de plus anciens morceaux. Comprendre : de BONS morceaux, et pas juste « Gardians of Asgaard » ! Après un « Pursuit of Vikings » de bon augure, l'enchaînement « Deceiver of the Gods » - « As Loke Falls » ne me laisse quand même pas indifférent, mais aussi songeur, à repenser à l'étrange chemin parcouru par un groupe qui atteignait un tel niveau d'épique… il y a déjà plus de 10 ans, et qui depuis, semble privilégier le sentier de la facilité. Bon, on passera sur la présence d'un Loki de carnaval sur scène, que Johan envoie bouler d'un coup de manchette, preuve qu'il s'identifie un peu trop à Thor en personne, selon moi.

Petit point noir, au passage : sa voix porte peu, mais je ne sais pas si c'est là un souci technique ou s'il est en petite forme. Mais bref, nos chers vikings enchaînent sur « Heidrun », chanson à boire efficace et sans doute morceau le plus réussi sur The Great Heathen Army, en grande partie parce que les chèvres sont cools. Je me contente finalement d'un demi-concert, n'abusons pas, mais si Amon Amarth peut énerver (ces types en armure juste là pour agiter des drapeaux…), le groupe a certainement sa place tout en haut de l'affiche d'un festival qui se veut tout-public et bon enfant. À voir, une fois, par nostalgie et se rappeler qu'on en a un t-shirt quelque part dans l'armoire. 

Setlist :

Raven's Flight
Guardians of Asgaard
The Pursuit of Vikings
Deceiver of the Gods
As Loke Falls
Tattered Banners & Bloody Flags
Heidrun
War of the Gods
Put Your Back into the Oar
The Way of Vikings
Under the Northern Star
First Kill
Shield Wall
Raise Your Horns
Crack the Sky
Twilight of the Thunder God
 

 

Cradle of Filth
The Swamp

Malice : J'ai parlé plus haut de plaisirs coupables, et la première journée se terminera sur Cradle Of Filth. Que puis-je dire ? La bande à Dani Filth a bercé mon adolescence et forgé une partie de mes goûts. Et l'un dans l'autre, je vais passer un moment assez correct, passé le pénible « Existential Terror » issu du dernier album. Après, ce sera tube sur tube sur tube – à l'exception du dernier single « She is a Fire », pour le coup franchement réussi – avec pour seule variable la qualité de l'interprétation. 

Rien à redire aux vocalises de Dani Filth, on connaît la chanson : on aime ou on déteste. Au moins le farfadet démoniaque est-il en voix ces dernières années, et même plutôt impressionnant. Le groupe autour de lui, par contre, est un peu à la ramasse ce soir dès qu'il s'agit de faire honneur aux vieilleries « Principle of Evil Made Flesh » (que c'est mou...) ou « Dusk & Her Embrace ». Heureusement, il y a le toujours monumental « Cruelty Brought Thee Orchids » et les un peu moins habituels « Born in a Burial Gown » et surtout « Saffron's Curse », mais devoir encore et toujours se farcir cette purge de « Nymphetamine », c'est infernal. De manière générale, un concert qui sent un peu la routine et l'entre-deux pour cachetonner, mais pas un mauvais moment. 

Setlist :

Existential Terror
Saffron's Curse
She is a Fire
The Principle of Evil Made Flesh
Cruelty Brought Thee Orchids
Nymphetamine
Dusk & Her Embrace
Born in a Burial Gown
Her Ghost in the Fog
From the Cradle to Enslave

 

*

[La suite arrive bientôt !]

[Merci à Alcatraz Music pour les photos]