"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Un peu moins de trois ans après la révélation qu’avait été Meridian, revoilà déjà l’hybride entre un hippopotame et un tracteur… ah non on me dit dans l’oreillette que cela signifierait « traction équestre » en langue ancienne, mais soit. Déjà garant de l’étiquette très en vogue de « Pelagic core », le groupe belge est de retour pour confirmer ce qu’il avait entrepris sur Meridian, un premier album plus que solide dans ce genre de post-metal infusé d’influences « math » très modernes. Autant dire que Hippotraktor était déjà attendu au tournant, entre la sortie du zoo et le chemin de campagne. Que va donc faire la formation, évoluer dans la continuité, jouer la sécurité ou surprendre ? De courtes mais simples questions qui vont trouver de courtes mais simples réponses. Stasis, ce sera donc tout ça à la fois : un groupe qui parfait son art, qui ne prend pas de risques mais qui montre un peu d’ambition. Quitte à ne pas forcément livrer le chef-d’œuvre promis, ou tout du moins pas encore ?
Sur Stasis, on retrouve donc les éléments constitutifs de Meridian : un post-metal qui tend largement vers un riffing syncopé sur les passages les plus appuyés (je n’utilise volontairement pas le terme « djent » car il n’est pas forcément vrai) et se la joue progressif avec moult respirations, deuxième sentiment validé sur la forme par Stasis avec quatre morceaux sur sept dépassant sept minutes de musique. Les parties vocales jouent toujours sur une dualité entre chant clair, retenu ou plus libéré, et hurlements plus arrachés très typiquement post-metal. Rien de bien surprenant en somme, mais Hippotraktor avait montré sur son premier album qu’il avait ce petit truc en plus avec des morceaux de toute beauté (« Manifest the Mountain », « Mover of Skies », « Juncture »…). Stasis ressort donc ces fondamentaux, avec disons-le déjà une production très moderne parfaitement adaptée au style, avec beaucoup de relief et surtout de puissance quand c’est nécessaire. Mais le petit truc en plus est-il toujours là, ou va-t-il s’affirmer de manière plus évidente ? Pas forcément. Il faut dire que contrairement à son prédécesseur qui possédait des pièces franchement remarquables, Stasis est lui nettement plus monolithique. Ce n’est pas forcément un défaut en soi mais on perd un peu en accroche ce qu’on gagne en efficacité globale, mais le style nécessite peut-être aussi de vrais moments forts et c’est ce qui va venir à manquer pendant les 47 minutes du deuxième opus des belges.
Bon, un « Silver Tongue », morceau le plus court de l’album, fait bien son office de hit en puissance (avec un travail stupéfiant sur les sonorités de guitare) ; un « Renegade » cogne bien avec les compos les plus lourdes du disque ; et le morceau-titre est assurément la partie la plus inspirée de Stasis avec des parties de chant vraiment formidables. Mais Hippotraktor est ici parfois très scolaire, en témoigne une influence Meshuggah qui semble ressortir trop facilement par moments, notamment dès l’ouverture sur « Descent », et c’est pourtant quelque chose qu’on ne pensait plus trop voir depuis des années sur un disque estampillé un tant soit peu « math metal ». Hormis quelques écarts ici et là (le plus mélodique « Echoes », des riffs croustillants sur « The Indifferent Human Eye », le final très aéré qu’est « The Reckoning »), Stasis est quand même un album assez homogène, pas forcément linéaire, mais qui semble vraiment fait comme un bloc, en tout cas davantage que pour Meridian. Passé le côté monumental et épique, notamment apporté par la prod, aux premières écoutes, Stasis se tasse relativement vite et on se dit que tout était dit sur Meridian, ou qu’en tout cas il avait plus de pépites que son successeur. Ne nous mentons pas, Stasis est un album très solide et convaincant de post/prog/math/pelagic metal. Mais Hippotraktor montre davantage ses capacités sur la forme que sur le fond, malgré quelques passages remarquables mais qui ne secouent pas autant que la perfection des « Mover of Skies » ou autre « Juncture ». Je pense aussi que le style devient tellement une niche qu’il aura du mal à atteindre d’autres cercles que les convertis, mais c’est un autre débat. Quoi qu’il en soit, Hippotraktor mérite d’être un nom reconnu de ce genre après deux albums, mais son deuxième effort est un petit peu trop balisé pour faire office de véritable manifeste à ce stade de la carrière des belges. Ce n’est que partie remise… ?
Tracklist de Stasis :
1. Descent (6:45)
2. Echoes (5:05)
3. Silver Tongue (4:29)
4. Renegade (7:06)
5. The Indifferent Human Eye (7:24)
6. Stasis (7:49)
7. The Reckoning (7:56)