Why not ?
Surprenant, voilà un mot qui va s’imposer à vous en rencontrant cet EP de Soilwork. Whisp of the Atlantic est une sorte de mise en bouche après Verkligheten, album qui avait sonné la charge d’un groupe regagnant ses esprits après s’être quelque peu égaré dans les méandres de l’expérimentation et, parfois, de la facilité. Cinq titres, 38 minutes, une chanson de quinze minutes et une trilogie intitulée "Feverish". Voilà un portrait grossier de cette sortie unique à bien des égards.
La première remarque que l’on peut faire sur cet EP, c’est le mode de diffusion des morceaux. Ils sont bien sûr compilés sur disque ou sur vinyles, mais ils ont aussi tous le clip qui les accompagne. "Feverish" est sorti il y a déjà un an, préparant pas à pas la sortie des deux autres chansons : "Death Diviner" et "Desperado" qui constituent la trilogie Feverish. Une vidéo d’explication est même proposée pour que le spectateur puisse suivre l’histoire et le concept mis en place par la bande à Speed Strid. On y apprend que le personnage de la déesse de la mort à Babylone en est le pivot et aussi que le groupe devrait être mort aujourd’hui ; que cette idée les a fait renaître. Il y a dans cette trilogie une histoire de pulsions de mort, d’émotions qui prennent le dessus et vous transcendent au point que vous ne vous reconnaissez plus et qu’une main (divine ?) guide vos actes jusqu’au meurtre ou à la mort. Tout y est enrobé d’un film nerveux, composé de plans courts qui s’enchainent, avec un visuel presque sépia. La date de 1975 est évoquée, et des éléments d’une autre époque : la mixtape Soilwork qui contient le chant qui va envouter les protagonistes par exemple. On se prend facilement au jeu, mais on n’oublie jamais le côté musical de ces trois titres.
Si vous avez suivi l’aventure de ces trois titres, vous n’aurez donc aucune surprise. Ils sont très accrocheurs, même si "Desperado" pourrait être vu comme une transition et a donc une personnalité moins singulière que le deux autres. En naviguant d’un titre à l’autre, on passe d’un espace à un autre, en partant de parties très brutes, de blasts dans "Feverish", à un esprit très heavy et groovy sur "Death Diviner". L’ensemble est vraiment varié et plaisant, même si les morceaux n’ont pas forcément de lien vraiment sensible. On apprécie l’esprit Soilwork qui infuse cette trilogie : de l’agressivité (retrouvée depuis le dernier album), des synthés discrets pour donner de l’ambiance et bien sûr des mélodies pour être fidèle au genre. Les Suédois se sont fait plaisir en filmant cette histoire, et surtout en donnant aux fans trois titres qui vont leur rappeler pourquoi ils aiment ce groupe.
Mais le plat de résistance de cet EP c’est le morceau qui l’ouvre. "Whisp of the Atlantic", qui dure 15 minutes, est parsemé d’instruments pour le moins originaux sur un disque de Soilwork et est infusé d’ambiances différentes sur le thème des Grands Anciens, de Cthulhu, si l'on en croit les dessins en filigrane sur l'artwork (le clip lui nous la joue Aquawoman dans le monde moderne, du n'importe quoi). On ne s’y attend pas, on n’y est pas préparé. Le format EP fait que l’on se dit que c’est un one-shot, une expérimentation plus qu’une direction générale. Et on se laisse bercer par les saxophones, le piano qui ouvre le morceau dans un crescendo sur lequel chaque instrument rentre en douceur. Comme si le groupe contait une histoire, il capte délicatement l’attention de son auditoire, avant de faire la distorsion et de lui rappeler, toujours mid-tempo, que c’est du Metal , même si trois minutes se sont déjà écoulées. Et petit à petit, le groove s’installe sur une partie de shred bien sentie pour finir sur du blast. On passe par toutes les tempi mais en respectant exactement la même mélodie. Une fois ce cycle terminé, on repart : moment calme, crescendo, groove, shred… on vit dans un jour sans fin, mais on s’y plait, le groupe a pris son temps et ça fonctionne.
Finalement, un EP aussi bien construit, avec autant de tubes et de morceaux auxquels on s’attache, c’est un coup de maitre de la part de Soilwork. Whisp of the Atlantic est une des réussites de 2020 et il montre aussi la force du groupe qui s’occupe du son mais aussi du visuel. Chapeau, j’avais perdu Soilwork de vue, je m’étais presque résigné à les reléguer dans la catégorie des vétéran décadents ; mais ils sont en réalité toujours là pour nous prouver le contraire.
Tracklist :
A Whisp of the Atlantic (16:31)
The Nothingness and the Devil (5:36)
Feverish (5:56)
Desperado (3:44)
Death Diviner (5:06)