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Raton et la bagarre #20

mardi 7 mars 2023
Raton

Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.

Je me plaignais dans la dernière Bagarre du calme des mois de novembre et décembre en matière de sorties. Le passage à la nouvelle année a complètement changé la donne car janvier et février ont permis un déluge de sorties intéressantes, entre nouveaux projets et groupes assis dans la scène. Ceci étant dit, toujours peu d'albums de têtes d'affiches, le Scalp étant encore un peu jeune, le Thrice n'étant pas un véritable nouvel album, laissant le Fucked Up comme seule sortie AA.

Ce n'est pas comme si c'était un problème car les découvertes ne vont pas manquer dans ce numéro, avec une grosse brochette de groupes à mettre sur tous les radars et de disques bluffants, du metalcore mélodique au thrash crossover, sans oublier une belle dose de post-hardcore et de hardcore à l'ancienne. Belle lecture !

 

Riot Stares – Sounds of Acceleration
Metalcore / Post-hardcore / Metal alternatif – USA (DAZE)

Vous connaissez ce sentiment d'immense satisfaction élitiste quand vous captez quelles sont les références musicales d'un groupe ? Ce biais dont abusent les chroniqueur.se.s avec des FFO pseudo-experts pour montrer qu'ils ou elles connaissent la scène mieux que vous ? Riot Stares vous rend la tâche extrêmement aisée car Sounds of Acceleration est très clairement placé sous le haut patronage de Refused et Snapcase. Une écoute, même sommaire, de « Shockwave » ou de « Trip Chain » suffira à vous convaincre. Les riffs simples et texturés, le son claquant de la batterie, la nasalité du chant ou les influences alternatives : tout renvoie vers les deux groupes fondateurs. Les Sud-Caroliniens citent aussi volontiers un troisième groupe, Orange 9mm, projet qui n'a pas vraiment traversé l'Atlantique, mais dont le premier album est un classique du post-hardcore alternatif sur la côte Est. Riot Stares pousse l'hommage jusqu'à inviter le chanteur sur le morceau « Quick Fix ».

Ce premier album est aussi marqué par un contexte particulier et une histoire tragique. Le disque a été enregistré en 2019, mais l'arrivée du Covid a fait prendre la décision au groupe de repousser sa sortie. Puis en février 2021, le guitariste Issy Varoumas décède et sa mort relègue les activités du groupe au second plan, le temps du deuil. C'est le gérant du label DAZE qui invite les membres du groupe à publier l'album sur son label, quasiment quatre ans après l'avoir enregistré. Ce sera le dernier disque et les concerts feront en même temps office de release party et de dates d'adieu.

C'est donc un disque à l'énergie particulière. D'un côté, une écoute joviale, fédératrice et de l'autre, un album qui a un goût amer d'inéluctable. Ce qui reste sûr, c'est que c'est un opus fort, qui ne souffre jamais de la comparaison avec ses aînés. C'est certes référencé, mais toujours avec une personnalité propre, des riffs marquants et une énergie singulière. On pourra peut-être lui reprocher de ne pas trop évoluer sur la durée avec 10 morceaux qui finissent par se ressembler un peu, mais rien que plusieurs écoutes ne sauraient démêler. « Dead Issue » par exemple essaie un solo pas mal pensé et un break bien rigolard qui secoue les puces de la deuxième moitié de la tracklist.

 

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Graphic Nature – A Mind Waiting to Die
Nu-metalcore – Royaume-Uni (Rude Records)

Ça commençait à faire longtemps que les Britanniques de Graphic Nature nous teasaient avec des singles sans jamais annoncer de véritable premier EP ou album. Sachant que leur premier morceau, « grit », est paru en septembre 2019, l'attente devenait péniblement longue. Il y avait bien eu New Skin et Killing Floor mais ces faux EPs ne faisaient que compiler des singles déjà sortis ou prévus pour l'album.

D'autant plus que Graphic Nature évolue dans un style aussi foisonnant que critiqué : le nu-metalcore. Je vous en parlais avec Tallah dans la précédente Bagarre, le style, de façon assez transparente, vise à émuler les sonorités nu-metal dans une enveloppe metalcore. Si c'est surtout Code Orange et Vein.fm qui ont re-démocratisé les sonorités nu-metal dans le metalcore, ils ne font pas véritablement partie du mouvement. Et pour l'instant, ce dernier manque encore de classiques bien établis. Ceux qui s'en sont le plus approchés sont les Australiens d'Alpha Wolf, mais Graphic Nature vient pour la couronne.

A Mind Waiting to Die est un premier album prodigieux d'énergie. La tracklist dense de 13 pistes pour 35 minutes de musique enchaîne les déflagrations à une vitesse déstabilisante, sans prendre le temps de respirer. Alors qu'à la première écoute, j'avais la sensation qu'en dépit de l'impressionnante puissance du disque, tous les morceaux adoptaient la même recette, la deuxième écoute a distingué les titres plus nettement, chacun avec ses petites prouesses.

D'une part, le chant intense, déchiré et expressif de Harvey Freeman évoque principalement la santé mentale, l'angoisse sociale et les pensées suicidaires ; l'album peut parfois sonner comme une crise de panique sous saturation. D'autre part, une myriade d'influences plus old-school avec tous les motifs nu metal, les parties de guitares rythmiques et sautillantes, les scratches discrets (sur « Killing Floor » ou « Headstone »), la récurrence des samples (comme celui d'un didgeridoo sur « Killing Floor »), les toms de batterie ultra nets ; mais aussi les influences drum and bass sur « Sour » ou « 90 ». Cette rencontre se fait toujours de manière extrêmement cohérente, sans jamais paraître surchargée et elle permet l'émergence de perles d'efficacité, sans le moindre mauvais goût : j'en tiens pour preuve les deux époustouflants singles, « White Noise » et « Killing Floor » avec leur break destructeur.

Si vous avez été déçu.e par le dernier Vein.fm, que vous voulez retrouver l'agressivité perçante d'un Chamber avec la puissance de feu d'Alpha Wolf ou que vous souhaitez un Lotus Eater en plus strident et chaotique, le premier Graphic Nature vous est dédié.

 

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One Step Closer – Songs for the Willow
Hardcore mélodique / Post-hardcore – USA (Run for Cover)

Alors que l'EP commence avec un riff qui ressemble à une version ralentie de celui de « Pringle Street », on comprend vite que One Step Closer a changé son fusil d'épaule. Le chant, les riffs, même les textures ont évolué et s'éloignent de ce si savant mélange entre Turning Point et Have Heart. Songs for the Willow prend une direction à mi-chemin entre le post-hardcore et le hardcore mélodique, dans les mêmes eaux que Title Fight ou Touché Amoré (références citées par le groupe lui-même).

Je suis un fan inconditionnel de One Step Closer, à tel point que This Place You Know était mon album de 2021 et je ne peux que difficilement cacher l'amertume que je ressens face à ce revirement. Bien sûr, One Step Closer a toujours des riffs vibrants et puissants et les lignes mélodiques en chant clair de Ryan sont marquantes (« Turn to Me » est indéniablement réussi) ; mais le groupe perd malgré tout dans le processus une bonne partie de leur singularité et sonne comme beaucoup d'autres groupes du moment. Alors qu'on avait un des groupes les plus créatifs de la scène, je ne suis pas certain qu'on gagne à l'échanger contre un nouveau, frais et sympathique, mais perdu quelque part entre les propositions déjà suffisamment répétées de Basement, Drug Church, Citizen ou Fiddlehead.

 

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Citrus – Demo' 23
Hardcore – France (Conviction Records)

Citrus est la nouvelle sucrerie dans la scène hardcore française. Originaire de Montpellier, le quatuor vient de sortir sa première démo 5 titres et sa recette fait sacrément plaisir, à tel point que No Echo en a fait un article. Inspiré par le hardcore cru et déglingo de SPY avec une voix plus sourde et saturée, Citrus propose un touka touka crachotant sa conscience politique avec une basse suintante et des riffs plein de morceaux.

On sent que c'est un groupe de hardcore qui prétend faire du punk bête et méchant alors que toutes ses influences sont mûrement assimilées et que chaque séquence est acide d'efficacité et de talent. Les quelques mid-tempo sont réussis, comme celui sur « When Life Gives You Lemons » ou la bagarre finale sur « Exploit the Fear ». Si vous en avez l'occasion, sautez sur l'occasion de les voir à Paris, en première partie de Gel, Cold Brats et Bombardement, à l'Ess'pace le 8 mars (c'est-à-dire demain).

 

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Scalp – Black Tar
Grindcore / Metalcore – USA (Closed Casket)

On retrouvait le deuxième disque de Scalp dans un certain nombre de liste des albums hardcore les plus attendus de 2023. Il faut dire que la sortie est soignée : pochette minimaliste et inquiétante, signée chez les poids lourds de Closed Casket Activities, des singles nerveux et menaçants, placés sous le signe de la HM-2 et un premier album salué, comme une promesse restée sans suite pendant trois ans.

Expéditif et haineux, Black Tar est un concentré de noirceur et de saturation malfaisante. La présence du son HM-2 rapproche évidemment Scalp de Nails tout en jouant moins sur la corde powerviolence. Il n'y a pas tant de variations de rythme que ça et les mid-tempo, à l'instar du break vicieux de « Jesus Is God » sont davantage empruntés au metalcore. Le groupe s'auto-qualifie de « death violence » et ils n'ont pas vraiment tort car c'est ce qu'évoque leur grindcore pour fans de hardcore. Le dernier titre, « Broken Vein », va justement s'amuser avec force à conjuguer la dissonance du metalcore à la pesanteur soufrée du grind.

L'oreille avertie reconnaîtra sans peine la houlette ample et sourde de Taylor Young à la prod. Le mastering a été confié à Brad Boatright qui s'occupe déjà de tout le reste de la scène (rien que l'année dernière il était derrière le Knoll, le Zous, le Ashenspire, le Mantar ou encore le Body Void). Avec cette recette et ce pedigree, Scalp n'a besoin que de 12 minutes pour couler ce goudron noir dans nos oreilles.

À titre personnel, je n'ai rien à redire sur l'efficacité de la démarche (la déflagration qu'est « Pollute »), même s'il faut bien admettre qu'il n'y a rien de nouveau sous le capot et qu'il me faudrait un peu plus de propositions pour ne pas trop tomber dans le hardcore à gimmick.

 

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Cold Steel – Deeper Into Greater Pain
Thrash crossover / Metalcore – USA (auto-prod)

Si vous avez aimé le Doomsday que je vous présentais dans la dernière sélection, voici une nouvelle pépite thrash crossover à se mettre sous la dent. Cold Steel vient de Tampa et on sent bien tout l'héritage métallique de la ville dans leurs compositions. Les fans de Seed of Pain, DRAIN ou même Ekulu auront de quoi se régaler goulument car Cold Steel ne prend pas les choses à la légère.

L'EP a beau ne contenir que six titres dont une intro, chaque morceau a une identité forte, des plans aussi bestiaux que reconnaissables, avec autant de shreds que de breaks (celui de « The Lamb » ne fait clairement pas semblant). Le titre « Evil Eye » se permet même un growl bien sourd qui ne jure pas du tout avec le palm mute fiévreux. Aussi efficace que malin dans son écriture, Deeper Into Greater Pain est un excellent exemple de ce renouveau du thrash crossover qu'on a le plaisir d'observer depuis quelques années. Il est fort probable que les Floridiens deviennent rapidement une force vive de la scène.

 

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Wreckage – Our Time
Hardcore – USA (Scheme Records)

Les fans de Ruiner, One Step Closer et Life Long Tragedy peuvent trépigner, le Wreckage nouveau est arrivé. Je vous évoquais dans la Bagarre #12 les grandes qualités du deuxième EP des Américains, calibré pour plaire aux amateurs de hardcore mélodisant east coast de la moitié des années 2000, notamment avec son tube « World Gone Blind ».

Ce premier album est encore un peu brouillon à certains égards, avec des morceaux qui pourraient développer leurs idées plus longtemps (les morceaux oscillent principalement entre 1 et 2 minutes), mais il n'en est pas moins extrêmement intéressant et créatif. Les titres sont extrêmement rythmés, variés et bourrés à ras la tronche de riffs forts. À chaque morceau ses bonnes idées : on peut citer l'ouverture sur « Searching for Soul » et son motif saccadé bien nerveux, le très bon « Overcome » et son copieux riff agressif ou encore « Looking Forward » et son phrasé entêtant.

Our Time fonctionne sur un format expéditif qui peut laisser sur sa faim mais qui contribuera à placer Wreckage sur la liste des projets auxquels donner une attention particulière.

 

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View From the Soyuz – Immaculate
Metalcore mélodique / Melodeath – Japon (Dead Sky / DAZE)

A priori, personne n'aurait pu prédire qu'un des projets les plus prometteurs de true metalcore mélodique proviendrait du Japon, plus de 20 ans après la séparation des légendes de State Craft. Comprenez par true metalcore mélodique, une recette qui s'appuie avec révérence sur les premiers groupes qui ont adjoint au metalcore les riffs du mélodeath comme Undying, Prayer for Cleansing ou plus récemment Dying Wish. Pas de voix claire, pas vraiment de respirations, on est clairement sur du worship de l'agressivité de la première vague (premiers Heaven Shall Burn), plus éloigné du caractère sing-along de la deuxième vague (Darkest Hour ou Unearth).

Le premier EP était diablement pertinent mais ne savait pas encore trop trouver son rythme avec une tracklist assez déséquilibrée. Dès les premières secondes de ce second EP, on perçoit une nette différence dans la production, plus léchée et grondante avec un bien meilleur mix des basses. Après la brillante et finement ciselée introduction « Chronostasis », View From the Soyuz lâche les chevaux pour « Caligula », impeccable hymne metalcore mélo, impétueux et va-t-en-guerre, dont le break final m'a complètement retourné. Quand je pensais que rien n'allait pouvoir égaler ce titre, le suivant vient m'allonger une mandale avec des riffs sur-agressifs façon coups de canif. Les Japonais ne se privent pas d'ajouter des solos épiques comme ceux qu viennent clôturer l'EP, sur « Frozen Black ». Et si vous souhaitez nous entendre en parler davantage, il y a toujours le replay de la dernière émission live !

 

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Tears Seven Times – As Porphyria Once Went
Metalcore mélodique ET gothique – USA (auto-prod)

Quelle est cette bizarrerie ? L'album commence par un morceau très curieusement mixé (la section rythmique est très en retrait), qui rappelle autant Poison the Well que le metalcore mélodique du milieu des années 2000. Mais le plus curieux arrive sur le second morceau, « Forever Beautiful... », avec ses claviers romantiques et maussades qui renvoient directement aux sonorités gothiques. Cette impression est confirmée par les paroles (« With a taste for solemnity / She sleeps in an early grave / I’ll take her life / To satisfy my love tonight ») et la rose rouge sur la pochette.

L'étrange et unique rencontre des deux styles accentue le sentiment adolescent et mélancolique de l'EP. De la voix grave à la Peter Steele sur « Sombering My Last Chapter » aux riffs mélodeath qu'un August Burns Red n'aurait pas renié, en passant par la référence à Undying dans le nom du projet, Tears Seven Times est clairement anachronique. Pour rajouter à l'extravagance, deux des morceaux de l'EP durent ou dépassent les 8 minutes. Ils permettent de développer avec plus de nuances la démarche de l'unique cerveau derrière le projet. Des parti-pris qui auraient pu ne pas fonctionner sur des morceaux courts se voient étirés pour plus d'harmonie ; l'idée était risquée mais l'exécution est bonne. Malgré cela, il reste plusieurs approximations disséminées à travers le disque, comme le mixage déjà mentionné ou « A Return To Melancholy » qui se termine trop tôt, en plein milieu d'une note.

Mais par toutes ces expérimentations et la passion nostalgique évidente de son approche, As Porphyria Once Went est une très agréable découverte pour commencer l'année avec du metalcore qui essaie de recycler le vieux pour faire du neuf.

 

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Year of the Knife – Dust to Dust
Metalcore – USA (Pure Noise)

Après la sortie remarquée de Internal Incarceration en 2020 et une présence assidue en live, le retour de Year of the Knife était attendu de pied ferme. D'autant plus qu'il devait consacrer le changement de line-up déjà observé sur scène, c'est-à-dire le départ du chanteur Tyler Mullen pour se concentrer sur d'autres projets (notamment Gridiron) et son remplacement par la bassiste Madi Watkins. Cette évolution permet au groupe de renforcer son approche straight edge et la voix de Madison permet un résultat moins sourd qu'avec la voix grave de Tyler.

Avec seulement trois titres, la nouvelle mouture de YotK prouve qu'elle n'a rien à envier à la précédente. Madi est une excellente chanteuse qui donne davantage de personnalité au groupe et les trois titres rivalisent de puissance et de brutalité. Le groupe révèle que l'EP est la somme de leurs influences depuis la sortie du dernier album. Aaron, un des deux guitaristes, cite Dystopia pour la direction agressive de « Dust to Dust » et Madi mentionne Irate pour l'inspiration de « Victim ». En effet, les riffs et les breaks sont plus coriaces (celui de « Victim » picote les cervicales) et les touches death mieux digérées. La production nerveuse de Taylor Young y est sûrement pour quelque chose. En parvenant à relever la barre aussi nettement, cet EP surprise donne l'eau à la bouche pour le prochain long format du groupe.

 

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See You Next Tuesday – Distractions
Mathgrind – USA (Good Fight)

Dans le rayon des comebacks sur lesquels peu était prêt à parier, See You Next Tuesday vient de sortir un nouvel album, 15 ans après le précédent. Le groupe, assez culte dans la scène mathgrind, ne s'est pas calmé entre temps : on est toujours sur un mélange de grindcore et de mathcore ultra frénétique et chaotique, mais moins impertinent que ce que le groupe produisait à l'époque (même si on sent des vieux réflexes sasscore sur « I Had the Craziest Dream »).

D'une technicité bluffante sur plusieurs passages (notamment avec la batterie), See You Next Tuesday s'éloigne tout de même de ses racines whitebelt (le nom donné à la scène mélangeant mathcore strident et structures grind et particulièrement vivace sur le MySpace d'alors) avec des compositions plus matures mais sans jamais sacrifier l'extrême agressivité, comme peut en témoigner la grosse patate dans les gencives qu'est « Day in the Life of a Fool ». Je prends même le risque d'affirmer que ça pourra plaire à un autre public que les fans de SeeYouSpaceCowboy et les nostalgiques de The Sawtooth Grin et The Number Twelve Looks Like You.

 

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Stormo – Endocannibalismo
Mathcore / Screamo – Italie (Prosthetic)

Originaire d'une petite ville italienne de Vénétie (Nord du pays), Stormo, autrefois écrit Storm{o}, révèle son quatrième album intitulé Endocannibalismo. Le groupe a la particularité de ne jamais s'arrêter sur un style défini et de changer subtilement leur approche à chaque nouveau disque. Endocannibalismo ne déroge pas à la règle et s'avère plus ouvertement mathcore que ses prédécesseurs. Parallèlement, le chant emprunte beaucoup à la scène screamo italienne, de Raein à Øjne et Radura, sur la ligne entre chant éraillé et saturé.

Sur ce disque, l'intensité est permanente notamment grâce à l'omniprésence frénétique de la guitare et de la basse. Néanmoins cette constance dans l'agressivité empêche les respirations et n'est pas suffisamment rythmée par des variations de tempo, de composition ou de tonalité vocale. Tout le disque finit par sonner de la même manière et aucun morceau n'émerge vraiment par rapport aux autres. C'est vraiment dommage car la proposition avait de quoi séduire et que je trouve le travail sur la guitare intéressant, même si pas vraiment servi par le mix.

 

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Faced Out – In the Absence of Solace
Edge metal – Espagne (Medusa's Lair / Force of Reckoning)

Quand je vous dis que l'Europe est prise dans un cyclone de revival edge metal, je ne rigole pas et dans ce numéro c'est les Espagnols de Faced Out qui viennent prouver que le Arkangel-worship est toujours bien vivant.

Si vous avez lu mes précédentes chroniques sur xUntold Sufferingx, Times of Desperation ou Divine Sentence, vous savez à quoi vous attendre : des riffs touffus de thrash avec des leads piqués à Slayer, des toms bien claquants et une saturation clinique. Chez Faced Out, le thrash est particulièrement présent avec un mariage très naturel avec les phrasés et les mid-tempo metalcore, comme sur le coriace « Inherent Decay ». Comme pour l'immense majorité des groupes de la scène, les influences sont à chercher du côté de la Belgique (Arkangel, Liar) et de l'Italie (Sentence, Reprisal), mais avec une prod moderne et ample, dont le master est encore une fois la signature de l'inévitable Will Killingsworth (je vous épargne le CV, ça prendrait 5 pages).

Oubliez donc l'effet de surprise mais qu'importe, Faced Out sait ce qu'il fait et délivre un petit bonbon pour tous les fans de moulinets intempestifs et de metalcore qui aime pas bouffer des animaux.

 

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Guitar Fight From Fooly Cooly – Drought
Post-hardcore / Emo – USA (auto-prod)

À la première écoute, Guitar Fight From Fooly Cooly donne une impression curieuse. Comme si c'était du metalcore mais avec un son clair et un chant emo. Ça en reprend les techniques de composition, de la déstructuration au tempo et aux rythmiques syncopées ; seulement le son y est lumineux et positif. Le groupe y ajoute des arpèges math rock récurrents, qui contribuent à façonner un univers sonore nostalgique, adolescent et insouciant.

Le mix manque toutefois de relief pour véritablement mettre en valeur ces choix de composition, particulièrement avec la voix, assez faible, et la basse quasiment absente. Une proposition singulière sur laquelle j'invite les client.e.s de math rock, d'emo et de pop punk à se pencher avec curiosité.

 

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Underneath – Nothing Here Is Held Sacred
Metalcore / Death metal – USA (auto-prod)

La palme de la lourdeur revient cette fois à Underneath dont l'EP vient conjurer les esprits du metal extrême dans une tambouille metalcore à breaks pleine de grumeaux. Plutôt que la rengaine edge metal avec un metalcore qui piquerait ses riffs au thrash, Underneath vient coller à ses riffs sous accordés et breakdowns syncopés des plans tout à fait death metal et des riffs en tremolo picking soutenus par des blasts façon black metal.

Je suis surtout client des phases metalcore crounch crounch à l'image de l'infernale transition entre l'introduction « Caesarean Section » et le morceau éponyme. Cette agressivité d'emblée rend d'autant plus surprenante le mix black/death du morceau suivant (puis les panic chords de celui d'après) et peut donner l'impression que le groupe peine à se tenir à leur idée originale. La recette fonctionne donc de manière disparate mais a le grand mérite de se donner les moyens de ses ambitions. Si vous êtes soupe au lait, cet album ne viendra pas améliorer votre humeur (ni votre QI mais c'est un autre débat).

 

J'ai fait des heures supp' pour vous abreuver d'encore plus de disques et de recommandations plus ou moins fines, alors servez-vous : 

  • J'aurais aimé vous en parler plus longuement, mais c'est déjà une Bagarre qui dégueule de noms : le nouvel EP des Rennais de Hard Mind vient régaler les mordu.e.s de metalcore voyou. D'autant plus que c'est un des rares groupes à ne pas sonner complètement ringard quand ils adoptent un chant rappé et des passages euro-beatdown. Bien vu la Bretagne.

  • Une nouvelle menace émerge de Long Island. Mené par Joey Chiaramonte de Koyo et Typecaste et des membres de Sanction, Blood Runs Cold est un nouveau projet de metalcore dont la démo deux titres vient de sortir chez DAZE. Une proposition bien voyou new-yorkais, bien bagarre métallique qui me rappelle Ends of Sanity.

  • Alerte supergroupe ! Le retour en grâce du thrash crossover est aussi poursuivi par le premier EP de Heaven's Gate, originaire de Tampa comme Cold Steel ci-dessus. Sauf que le line-up est écrit en lettres d'or avec Tony Foresta, chanteur de Iron Reagan et Municipal Waste, le guitariste de Warthog, le bassiste de Reversal of Man et Paul Mazurkiewicz, batteur de Cannibal Corpse. Malgré la qualité du line-up, Heaven's Gate peine à se hisser au-dessus de la mêlée, avec du crossover à l'ancienne qui rappelle évidemment Municipal Waste ou un DRI modernisé.

  • Pour mes pleureurs.ses aux poings serrés, deux des forces vives du screamo étatsunien viennent de sortir un split chez Zegema Beach Records. Il s'agit de Crowning, dont la face poursuit leur skramz amer, urgent et emo, ainsi qu'Eyelet, projet intéressant dont le screamo est teinté de sludge et de post-metal pour un résultat atmosphérique, dense et profond (« Gross Abandon » est le meilleur titre du split).

  • Si votre dada c'est les trucs enregistrés dans une salle de bain et mixés avec le coude, il est possible que la grande bestialité de Primitive Rage et de leur dernier né, Enemies Left to Crush, soit du nectar à vos oreilles abîmées. Pas la moindre patience ni la moindre finesse, leur hardcore métallique façon powerviolence peut-être utilisé comme désherbant ou comme protection efficace de votre virginité.

  • Thin, chouette projet new-yorkais de mathcore, vient de sortir la suite spirituelle de son LP de 2019, Dawn. Logiquement intitulé Dusk, il incorpore au mathcore brutal et anxiogène des hurlements perçants et des segments emoviolence. Sur des morceaux comme « The Strip », ça marche à merveille.

  • Pour les déglingos parmi vous, un split 100% Chicago réunissant Blackwater Sniper et Greed Worm est sorti chez Tomb Tree Tapes. Bizarrerie sans concession, l'EP évolue dans un magma powerviolence avec son lot d'expérimentations bruitistes et de références ironiques.

  • Si vous aimez votre screamo lo-fi et strident et dont le chant rappelle le cri de la buse (j'ai fait mes recherches ornithologiques pour ne pas dire de bêtise), penchez-vous du côté du premier EP de Norfair, projet bordaillant l'emoviolence et provenant de Grand Rapids dans le Michigan (foyer des légendes de La Dispute).

  • So Close est un tout nouveau projet de fastcore italien avec un membre de l'excellent projet Failure, et dont le premier EP est niché quelque part entre powerviolence et thrashcore. Côté instrumental, c'est extrêmement joueur avec beaucoup de changements de tempo et des riffs bien charnus. Sur le plan vocal c'est moins solide mais ça colle bien au style. Les amateurs et amatrices apprécieront sans aucun doute.

  • Pour les curieux.ses qui aimeraient se pencher sur la rencontre entre screamo et math rock, c'est possible avec le nouvel EP des Japonais de Nhomme. Soyez prévenu.e.s, c'est très nerd et prodige aux instruments (notamment l'infatigable batterie) donc ça peut être hermétique et ne pas parler à tout le monde.