Antti Kokko (Kalmah) : "Cet album pourrait bien être notre dernier"
Antti Kokko (Kalmah)
Avocat le jour, rédacteur sur Horns Up la nuit et photographe à mes heures perdues.
Kalmah fait partie de ces groupes majeurs de la scène death metal mélodique underground. Avec un son singulier qui reprend les codes du mélodeath finlandais en y ajoutant des éléments thrash et une direction artistique claire, le groupe a tracé son bonhomme de chemin sans prétention mais avec une réussite critique évidente.
Et c'est dans le cadre de la sortie de leur dernier album, sobrement intitulé Kalmah, lequel a été chroniqué par votre serviteur en vidéo, que nous avons eu l'opportunité de discuter avec Antti Kokko, guitariste et fondateur du groupe.
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Bonjour Antti et merci beaucoup de nous accorder cette interview. Cinq ans se sont écoulés depuis votre dernière sortie (ndlr : Palo, en 2018) et votre dernière grande tournée - où vous étiez d'ailleurs passés par Paris. Aviez-vous hâte de vous remettre en selle ? Le processus a-t-il été plus difficile que prévu ?
Cette fois-ci, cela a effectivement pris un peu de temps, oui ! Nous n'avions pas d'échéances à respecter. Nous nous sommes juste dit à un moment que nous avions assez de chansons prêtes pour enregistrer un nouvel album, alors nous avons lancé le processus !
Votre nouvel album s'appelle simplement "Kalmah". Y a-t-il une raison spécifique pour laquelle vous avez choisi de l'appeler ainsi ? Est-ce une sorte de déclaration ?
A dire vrai, nous avions le sentiment que cet album pourrait bien être notre dernier, bien qu’après sa sortie nous avons un peu reconsidéré la question. La pochette de l'album reflète d’ailleurs également ces pensées. J'ai déjà réfléchi à quelques nouveaux morceaux dans ma tête… Et d'un autre côté, nous ne sommes pas parvenus à trouver un nom qui collerait parfaitement à cet album, alors nous avons décidé qu'il serait éponyme !
Votre précédent album, Palo, est sorti chez Spinefarm Records. Vous avez depuis lors signé chez Ranka Kustannus, label créé par un ancien membre de Spinefarm. Comment avez-vous fini par signer un contrat avec eux ?
Une fois notre précédent deal venu à son terme, nous avons eu des négociations avec plusieurs labels. Dès que j'ai envoyé un mail à Riku Pääkkönen, il nous a fait une offre que nous n'avons pas pu refuser. Et bien sûr, il est plus facile pour nous de gérer les choses dans notre langue maternelle. La réputation et le professionnalisme de Riku Pääkkönen sont de très haut niveau, la décision a en réalité été très facile à prendre.
Comment s'est déroulé l'enregistrement de ce nouvel album ? Avez-vous changé vos habitudes en ce qui concerne le processus d'écriture ou d'enregistrement ?
Pas du tout, tout s'est déroulé comme d'habitude ! La batterie et la basse ont été enregistrées dans un autre studio que les autres instruments, qui ont été enregistrés une fois de plus dans les studios Tico-Tico (ndlr : à Temi, en Finlande). Nous n'avons pas changé notre process d'enregistrement car nous voulions que les choses soient le plus naturel possible. Juste un son brut et un jeu massif, sans trop de retouche. Tout s'est d'ailleurs très bien passé lors des sessions d'enregistrement en studio. Pour le mixage/mastering, nous sommes revenus à l'époque de Swampsong en faisant confiance aux mêmes personnes.
Je pense que cet album est le plus mélodique et le plus diversifié que vous ayez fait depuis - au moins - 12 Gauge (tempos moyens, mélodies variées, etc.). Était-ce un désir particulier de mettre l'accent sur les mélodies ou d'explorer de nouvelles choses ?
A la vérité, c’est venu naturellement ! En écrivant les chansons, j'ai remarqué qu'un vieux guitariste comme moi pouvait encore trouver de nouvelles idées. Je suis notamment particulièrement satisfait des variations dans la structure des chansons. Cette fois-ci, il y a aussi de la diversité en ce qui concerne les auteurs des titres. Dans les précédents albums, j'en écrivais la plupart ; cette fois-ci, nous avons deux chansons de Pekka, une de Velski et une de Timo. Timo a toujours essayé de composer un titre qui finirait dans un de nos albums et, cette fois-ci, un de ses titres a été retenu. C'est une œuvre collective !
Depuis The Black Waltz, Pekka a changé son style de chant, passant d'une voix gutturale plus "black metal" à un growl puissant. Dans ce dernier album, il maintient cette tendance. Est-ce un désir particulier de ne plus avoir recours à une technique vocale aussi brute, ou du moins de ne pas alterner entre les deux en fonction des morceaux ?
Nous avons essayé différents styles en studio pour chaque titre, mais ce sont surtout les growls graves qui sonnent le mieux et qui s'intègrent le mieux dans la plupart de nos titres. Et bien sûr, comme Pekka et nous tous vieillissons, la voix devient de plus en plus basse… !
Y a-t-il des thèmes récurrents dans l'album ou des choses particulières que vous vouliez exprimer dans vos paroles ?
Comme d'habitude, Pekka a écrit toutes les paroles. Je les ai seulement lues et ce que je peux dire, c'est qu'il y a des histoires que je peux facilement comprendre en tant que frère, et beaucoup de "double" sens. Mais comme il le dit, laissons l'interprétation des paroles aux auditeurs.
Est-il important pour vous de parler de votre terre, de votre terroir, et de les promouvoir à travers votre musique ?
La nature est très importante pour nous dans nos vies quotidiennes. Nous chassons, allons à la pêche et faisons beaucoup de choses différentes dans les bois, donc oui, c'est un choix de thèmes qui nous semble parfaitement naturel. La région où nous vivons est essentiellement constituée de marécages et de forêts à perte de vue ; nous aimons parler de notre environnement et lui rendre hommage.
Pour ce nouvel album, vous avez de nouveau collaboré avec Niklas Sundin pour la pochette. J'ai cru comprendre qu'elle avait été conçue pour représenter la région de Pudasjärvi, d'où vous êtes originaires. Pourquoi avoir choisi Niklas et cette pochette en particulier ?
Niklas a fait un travail formidable avec l'album précédent, donc la décision a été facile à prendre. Je lui ai envoyé l'idée que j'avais pour la pochette de ce nouvel album et la toute première esquisse qu'il m'a envoyée était absolument parfaite. En fait, Niklas lui-même avait fait des recherches sur notre ville et notre région en amont ; il a trouvé de jolis détails qui se rapportent à notre ville, Pudasjärvi. La pochette elle-même représente soit la mort de Swamplord, soit sa renaissance. Ce qui fait le lien avec la réponse à ta première question !
A ce jour, vous n'avez pas prévu de tournée pour promouvoir votre album, seulement quelques festivals en Finlande et un au Royaume-Uni. Avez-vous l'intention de faire une grande tournée européenne dans les mois à venir ?
Nous y réfléchissons toujours. Si on nous propose de venir et que l'offre est suffisamment bonne, pourquoi pas ! Pour l'instant, je peux seulement dire que des négociations sont en cours, alors nous verrons bien.
Les tournées deviennent de plus en plus coûteuses et même les groupes ayant une grande fanbase les annulent ou, du moins, les réduisent. Est-ce l'une des raisons pour lesquelles nous vous avons rarement vus sur scène en dehors de la Finlande ces dernières années ?
Kalmah a toujours été un simple hobby pour nous. Nous ne faisons pas de la musique à plein temps, donc nous ne partons pas en tournée à plein temps. Quand il y avait une bonne offre et que le timing était bon, nous avons fait quelques tournées. La tournée n'est pas essentielle pour nous pour vivre au quotidien. Nous ne ressentons donc pas nécessairement ce poids que peuvent ressentir d'autres groupes qui tournent régulièrement.
Je vous ai entendu dire qu'il pourrait s'agir de votre dernier album. S'agit-il d'un simple plan marketing (!) ou y a-t-il des raisons qui vous poussent à mettre un terme à votre carrière ? Les cinq années nécessaires à la création de cet album sont-elles un indice que ce n'est peut-être plus la priorité dans vos vies ?
Comme je l'ai dit, nous avions cette idée (ndlr : mettre un terme à Kalmah) en tête lorsque nous avons commencé à enregistrer l'album. Maintenant je dois dire qu'il y a peut-être plus à venir... Kalmah n'a jamais été la priorité pour moi ou mon frère, donc il n'y a pas de "décisions difficiles" derrière le fait de se retirer éventuellement du business de la musique. Il y a beaucoup de choses à faire dans nos vies quotidiennes respectives qui me semblent plus sages que de faire de la musique... (rires).
Cet album a reçu beaucoup d'éloges et de bonnes critiques de la part des fans et des médias, à juste titre d'ailleurs. Cela peut-il affecter votre volonté de continuer à créer de la musique ?
Merci beaucoup, déjà ! Pour le reste, j'ai déjà quelques chansons en cours d'écriture. J'ai l'impression que le nouvel album m'a donné de l'inspiration une fois de plus. Et je dois dire que les nouvelles idées sont suffisamment bonnes pour que je décide éventuellement de continuer et de creuser un peu plus. Donc, à ce stade, je pense que nous ferons un autre album, mais je ne sais pas quand. J'espère que ce sera dans moins de cinq ans (rires).
Depuis des années, vous êtes l'une des figures de proue de la scène melodeath nordique underground, aux côtés de groupes comme Mors Principium Est ou Wolfheart. Que penses-tu d'une carrière aussi riche que la vôtre ? Avez-vous des regrets ou des choses que vous auriez souhaité faire différemment ?
Notre carrière s'est développée comme nous le souhaitions. Nous avons gagné en succès et en nombre de fans à chaque album, donc nous continuons à avancer avec chaque album. Notre objectif principal a toujours été de se faire plaisir, et le fait que d'autres personnes aiment notre musique est juste un merveilleux bonus. Nous n'avons donc aucun regret. Le voyage a été beau jusqu'à présent et nous l'avons beaucoup apprécié.
Encore une fois, merci de nous avoir accordé un peu de temps pour répondre à toutes ces questions. Peut-être avez-vous un dernier mot pour vos fans francophones ?
J'espère que vous aimez le nouvel album ! J'espère aussi que nous nous reverrons un jour en France. Faites-nous venir au Hellfest !
Un grand remerciement à Antti Kokko, pour son temps, mais aussi à Minna Karppanen du label Ranka Kustannus, pour sa gentillesse et sa disponibilité.