U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !
« L’anxiété naît avec l’homme et nous ne pourrons jamais la dominer, il nous faudra vivre avec - comme l’homme a appris à vivre avec les tempêtes. » Paulo Coelho
Nous l’avons vu, Neurosis est entré dans une nouvelle ère, tout d’abord avec le décrié Sovereign, mais surtout avec l’excellent A Sun That Never Sets, développant un aspect plus ambiant et atmosphérique tout en conservant les éléments principaux ayant fait de cette entité ce qu’elle est aujourd’hui : noirceur, tourments, innovations et émotions. Formation ayant pour noyau chaque membre, la présence de chacun étant la condition sine qua non à la création du style des américains, Neurosis à une âme, forte et personnelle et chaque nouvelle sortie est l’occasion pour le quintet d’exprimer ses sentiments, de créer de nouvelles sonorités et d’emporter chaque auditeur dans un monde définitivement à part de tout le reste. Pénétrons sans plus tarder dans The Eye of Every Storm, ayant vu le jour en 2004 via Relapse Records.
« Climb out of your hole, see your spirit take form. »
L’influence des projets solo des deux frontman, du side project Tribes of Neurot ou encore de la collaboration du groupe avec Jarboe se fait plus que jamais ressentir sur la musique de Neurosis avec cet album. The Eye of Every Storm dont la production a été confiée une nouvelle fois à Steve Albini que l’on ne présente plus, présente un Neurosis plus mature, plus posé et plus serein. Les ténèbres et le chaos sont toujours présents au sein de l’univers si tourmenté de l’œuvre des américains, mais ce huitième album ouvre une nouvelle facette de l’identité de la formation. The Eye of Every Storm est le lieu de la rencontre entre nihilisme et espoir, entre tristesse et foi, entre négation et positivisme.
« No tears from no river to take me home. »
Ce nouvel album s’ouvre sur Burn, morceau réconfortant l’auditeur dès les premières minutes grâce à une batterie tribale et des guitares lourdes et pesantes sur lesquelles va se superposer la voix plaintive de Steve Von Till. Entre passages intenses, enivrants et plages atmosphériques et presque psychédéliques, Burn illuste le Neurosis nouveau. Proposant un large panel d’influences et d’émotions, le quintet ne peut laisser indifférent. Glacial et inquiétant et pourtant reposant et réconfortant, Burn prédispose l’oreille extérieure à l’atmosphère globale de cette énième pièce sans faille d’une entité unique en tout point.
« I run with the starlight to the end. »
Que ce soit le sublime et serein No River to Take me Home ou l’instrumental et oppressant Shelter, cette nouvelle pierre de l’édifice Neurosis met véritablement l’accent sur les ambiances et les mélodies. Froid et lancinant, The Eye of Every Storm porte définitivement bien son titre tant ces huit pistes nous font pénétrer en plein cœur de la personnalité du groupe. Tempête sonore et émotionnelle, violence maîtrisée et sincère, approche rageuse et solennelle, la totalité des sens sont mis à rude épreuve à l’écoute d’un tel morceau. Et ce n’est certainement pas le titre éponyme qui viendra me contredire. Remarquable pavé de 12 minutes alternant phases lentes et oppressantes avec des parties expérimentales, tout n’est que descente aux enfers jusqu’à un final majestueux et apocalyptique. Un désespoir entretenu par des chœurs angoissants et la voix de Steve Von Till emplie de chagrin et de colère. Et ce n’est certainement pas les samples tortueux de Noah Landis qui rassureront l’auditeur.
« I scream at my god and he let me go. »
Pourtant comme je le disais, le groupe semble avoir tiré un trait sur l’aspect industrielle de sa musique pour se rapprocher de la condition naturelle des éléments. Même les influences tribales ne se font sentir que discrètement comme l’évoque un titre comme Bridges aux paroles déchirantes. Parlons en d’ailleurs des textes. Plus poétiques et parfois porteurs d’espoir, The Eye of Every Storm est plus aérien, plus naturel et plus progressif. La musique du groupe a toujours été personnelle, c’est indéniable. Pourtant le quintet californien franchit ici encore une étape avec un titre comme I Can See You, homme déchirant à Mike Shapiro, ami du groupe et récemment décédé.
« For the sun we praise your name. »
The Eye of Every Storm apparait alors à ce moment comme l’album le plus introspectif et sincère de la carrière du groupe. Sombre et surréaliste, Neurosis met l’accent sur l’aspect mélodique et des atmosphères résolument plus calmes et sereines que par le passé. Avec des compositions plus fluides et moins déstructurées au premier abord, certains trouveront la musique de groupe plus facile d’accès. Violent et mélodique, The Eye of Every Storm reste pourtant complexe et torturé. Maîtres de toute une scène, instigateurs d’un nouveau souffle musical, Neurosis ne stagne pas. Il évolue constamment, poursuivant dans la ligne de conduite instaurée depuis quatre ans tout en incorporant des sonorités et des thèmes jusque là peu explorés par la formation. Expérimental, doux et éthéré, The Eye of Every Storm est en quelque sorte le chant du cygne de toute une époque. Clôturant une nouvelle ère de la discographie des américains, ce dernier opus assure définitivement à Neurosis une place au panthéon de l’Histoire de la musique.
" Un créateur peut-il être une entité permanente ? Non puisqu'il est différent avant et après avoir crée. Il devient en effet "celui qui crée."" Jean-François Ricard.
1. Burn
2. No River to Take Me Home
3. The Eye of Every Storm
4. Left to Wander
5. Shelter
6. A Season in the Sky
7. Bridges
8. I Can See You