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« Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. » La Rochefoucauld
Time of Grace nous avait laissé dans un état d’incertitude. En effet cet énième chef d’œuvre du quintet étant le parfait mélange des deux extrêmes, entre violence et légèreté, entre chaos et sérénité. Nous pouvions donc nous interroger sur ce que la formation nous réserverait après cela ? Neurosis allait-il mettre l’accent sur un de ces deux extrêmes ou allait-il persévérer dans cette voix de l’entre-deux, de la folie du corps et de la paix de l’âme, de la peur de l’être et le trouble de l’esprit ? Sovereign avait relativement posé les choses un an auparavant. Sans trop vous en dire pour le moment, sachez tout de même que Neurosis a réussit l’impossible : Etre tout aussi violent et sincère qu’auparavant avec une musique plus posé et moins direct, plus expérimenté et toujours aussi chaotique.
« On the waves their voice carries on. »
On entre en effet avec A Sun That Never Sets véritablement dans la période dite « ambiante » du groupe (même si Sovereign l‘annonçait déjà clairement). « Ambiante » avec des guillemets oui, car ne vous leurrez pas, le groupe ne s’est pas assagi pour autant et n’a en aucun cas fait une croix sur les envolées chaotiques, le riffing ultra lourd et les parties vocales déchirantes de nos deux frontman qui ont fait la renommée du groupe. Cependant ces éléments sont plus rares et incorporés de manière différente.
Le schéma des morceaux est souvent le même sur ce cinquième opus, à savoir un début de titre en douceur qui monte crescendo en intensité pour aboutir à un final explosif (The Tide, From the Hill, Stones From the Sky).
« All the gods are streaming. »
Une courte introduction, mystérieuse et inquiétante, laisse rapidement la place à The Tide, morceau qui démarre tout en douceur avec de délicieuses harmoniques acoustiques, accompagnées d’un violon et d’une basse renforçant l’aspect émotionnel et contemplatif de la procession. Pourtant une coupure va venir perturber cette apparente tranquillité. Aux guitares de plus en plus puissantes se superpose quelques notes de piano, et l’intensité ne redescendra désormais plus d’un cran. Le final enveloppe l’auditeur dans une avalanche de riffs, un véritable mur sonore dont il est impossible d’éviter le contact. Pourtant ce mur sonore n’est plus le même. Fini ici la masse compacte des guitares et place aux arpèges sombres. L’atmosphère unique du groupe se laisse alors envahir par une détresse absolue. Dépressif et angoissant, A Sun That Never Sets l’est plus que n’importe quel autre album du groupe.
« Time is truth, hard and cruel. »
Comme toujours, le quintet d'Oakland vous emmener dans tous les recoins de votre âme. Ainsi colère et peur succéderont de façon simple et naturel à la tristesse et le chagrin. Neurosis est négatif, dans sa musique comme dans son approche, indubitablement, mais parvient à nous faire ressentir ce besoin d’obscurité, une certaine dépendance à notre face sombre, et surtout à nos pulsions les plus basses.
A Sun That Never Sets oscille entre tout cela, passant de moments relativement calmes et solennels (The Tide, A Sun That Never Sets, Falling Unknown ou encore Crawl Back In) à de véritables pics d’intensité, ces climax que sont From the Hill et Stones From the Sky.
« In the eternal path, armoured against life. »
Entre introduction shamanique sur From Where Its Roots Run, violon et piano sur The Tide, samples sur le titre éponyme ou encore délicates cloches sur l’intemporel Stones From the Sky, Neurosis a encore une fois fait appel à toute sa créativité pour accoucher d’un opus aux sonorités d’une richesse infinie. Vous me direz, comme d’habitude et vous aurez raison !
Il est impossible d’extraire un seul titre d’un album de Neurosis mais j’ai tout de même envie de m’attarder un peu sur la dernière pièce de cet opus, à savoir le gigantesque Stones From the Sky. Un sample de cloche ouvre cette monumentale entité, rapidement rejoints par les guitares, éthérées et apaisantes, puis par la voix de Steve Von Till, poignante au possible. Le reste de la formation arrive alors et s’ensuit une montée si intense qu’elle vous collera littéralement au siège. Les machines de Noah Landis feront ressortir en vous des choses que vous n’imaginiez même pas pour aboutir alors à l’un des finals les plus marquants du groupe selon moi. Et cette mélodie de six cordes qui vous obsède … J’en ai des frissons rien qu’en y repensant, c’est vous dire au moment de l’écoute … Mais je vais m’arrêter là, mes mots ne sont en rien représentatifs d’une telle alchimie sonore. Vous savez ce qu’il vous reste à faire …
« A sun that never sets burns on. »
Musicalement de plus en plus original et carré (ce jeu de batterie de Jason Roeder bourré de petits détails par exemple) et haut dessus de tout conceptuellement parlant, Neurosis avance et innove, inlassablement. A Sun That Never Sets, plus nuancé et plus spatial, n’en est pas moins la suite attendue de Time of Grace en quelque sorte mais surtout de Sovereign et annonce clairement le prochain chef d’œuvre du groupe, Eye of Every Storm. Voyage viscéral parmi les méandres de nos personnalités, ce septième opus est certainement le plus intériorisé, le plus insaisissable, le plus psychologique du quintet. Entité définitivement à part de tout ce qui se fait artistiquement parlant, Neurosis, savant humaniste et prophète de l’apocalypse, force le respect et A Sun That Never Sets est une nouvelle pierre qui s’ajoute à un édifice qui n’en finira définitivement plus de grandir.
« Falling through a world unknown. »
1. Erode
2. The Tide
3. From the Hill
4. A Sun That Never Sets
5. Falling Unknown
6. From Where Its Roots Run
7. Crawl Back in
8. Watchfire
9. Resound
10. Stones from the Sky