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jeudi 13 octobre 2022

Cult of Luna + Caspian + Birds in Row @ Nantes

Stereolux - Nantes

Dolorès

Non.

La jolie triplette de doux noms post-hardcore, post-rock et post-metal dans la meilleure salle de Nantes, ça donne quoi ?

 

Birds in Row

C'est quand même osé d'articuler un set entier sur un album pas encore sorti lorsqu'on est un groupe de première partie sur une tournée. Pourtant, le fait est que Birds in Row a retourné toute la salle en ce mardi soir. Le projet n'a plus rien à voir avec le petit groupe de rock écorché de Laval que je connaissais : un cap a indéniablement été passé et voilà le talentueux trio dans la cour des grands. Avec un chanteur au dos bloqué, la fatigue du groupe qui vient de faire la route depuis Porto et un top départ à 19h30 (assez tôt pour une date nantaise), clairement, je ne m'attendais pas à ce que Birds in Row soit si explosif. J'ai été scotchée par le show qui était aussi propre que pro, porté par une rage et une joie d'être là manifestes (dans la gestuelle du bassiste et du batteur, dans les mots du chanteur guitariste).

Quelle surprise, ou plutôt quelle claque, de découvrir tous ces nouveaux titres en live. Je savais que j'aimais les compositions du groupe, ayant accroché à tous leurs opus précédents, mais pas au point d'en retenir mon souffle et d'avoir les larmes aux yeux tant l'intensité était présente sur le final « Trompe l’œil » / « Rodin ». Tout comme à travers l'enchaînement « Noah » (mon gros coup de cœur des singles sortis) / « Cathedrals », le groupe montre qu'il sait faire bien plus que proposer un post-hardcore bien ficelé prônant de chouettes valeurs.

Le set est plein de rebondissements, avec d'abord un petit « 15-38 » de l'album We Already Lost the World, toujours plaisant bien qu'un peu perdu dans ce nouveau set. Ensuite, sur certains titres, le bassiste s'accroupit pour manipuler quelque magie noire électronique à boutons et proposer des effets sonores bien fous, sous forme de boucles dissonantes et hypnotiques. Des sonorités un peu inhabituelles pour le groupe, qui s'ajoutent à des samples percussifs (« Rodin ») ou encore un effet de reverb très poussée sur le chant, ambiance caverne immergée et glaciale (« Trompe l’œil »). Le tout est accompagné d'un light show absolument parfait mettant en valeur à merveille ce qui se passe sur scène. De nouveaux projecteurs, souvent rouges, viennent s'ajouter ou remplacer les couleurs bleutées, lorsque ces sonorités particulières prennent place, accompagnant l'audio par le visuel. Simple, efficace mais prouvant à nouveau que le projet tient à rendre le meilleur show possible et, clairement, je pense qu'on n'en est pas loin. Le groupe respire l'authenticité autant que la minutie, tout en laissant déborder toute la force qu'ils possèdent et partagent avec le public.

Je leur souhaite bien sûr une bonne suite de tournée avec une seule hâte : rapidement écouter le nouvel opus Gris Klein à fond les ballons sur mes enceintes et, oups ça fait deux, revoir le groupe sur scène très prochainement.
 



 

Caspian

Clairement, il m'était un peu difficile de me remettre de l'énergie de Birds in Row et un genou en vrac n'aidant pas, je n'ai pas suivi le set entier de Caspian pour pouvoir me préserver pour la tête d'affiche. Cela dit, la moitié du concert m'a quand même permis de noter quelques petites choses. Premièrement, il suffit de regarder autour de soi : ce style musical impose clairement un magnétisme particulier sur le public. Très souvent instrumental, comme le pratique Caspian, cette musique semble remuer un peu toutes nos émotions, mais avec délicatesse. Le plus difficile est confronté à la juste beauté des choses et les visages sont souvent, sans être souriants, apaisés.

Je connais mal la discographie de Caspian mais j'avais un vague souvenir de concert très plaisant lors du Hellfest 2014. Les redécouvrir en salle, c'est bien sûr plus fort : on y redécouvre toutes les textures sonores créées par le groupe, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit avec le sextet américain. Mais aussi plus fort au sens propre : je suis obligée d'enfoncer complètement mes bouchons d'oreille pour espérer préserver mon audition, ce qui me fait louper pas mal des aigus. C'est clairement dommage, car c'est bien la superposition des pistes mélodieuses et des couches les plus massives qui crée cette atmosphère si spécifique qui fait qu'on en redemande. Je perds donc une bonne partie des claviers et des parties de guitare les plus aiguës. Malgré cela, il faut avouer que le show est sacrément propre mais je crois que je sature, cette année, de l'abondance de groupes de post-rock qui sont talentueux mais qui recyclent souvent la même recette. Ça ne change rien à la qualité de la chose, c'est juste que quand on cherche à se faire retourner par des groupes qui dégueulent leurs tripes, Caspian c'est peut-être un peu trop commode, rangé et doux. Un mauvais timing personnel ?
 

 

Cult of Luna


 

Certes, je les ai déjà vus il y a deux mois, lors du Motocultor, mais ce n'est pas une raison pour louper les maîtres du post-metal dans ma chère ville. C'est également l'occasion pour moi de voir, enfin, Cult of Luna dans une salle et non en festival. Cela dit, puisque le son est souvent exceptionnel lors de leurs concerts open air, je m'attendais clairement à une baffe sonore en salle et je n'ai pas été déçue. Véritable rouleau compresseur aux subtilités maîtrisées, le set d'1h30 des Suédois a si peu de défauts.

C'est l'occasion de vous raconter ce qui caractérise pour moi les concerts du groupe : une expérience live assez inédite mais à laquelle je m'habitue peu à peu. En effet, j'ai tendance à fermer les yeux tout du long, alors désolée pour l'ingé light et les musiciens qui doivent sans doute assurer le show, mais je n'arrive en fait pas du tout à faire autrement. Bien que je sois contente d'enfin pouvoir voir les deux percussionnistes en miroir de plus près, je n'en aurai finalement que peu profité ! Je me laisse porter : les petites danses des lumières sous mes paupières s'embrasent et me bercent, mon corps est pris de convulsions encore maîtrisables et mon esprit divague. Je passe de ma liste de courses à des acclamations intérieures sur tel cri, tel riff ou tel roulement de batterie, je vogue entre le concert et des délires introspectifs que je laisse venir et repartir. C'est assez fabuleux. Je ne crois pas que l'esprit humain soit fait pour rester attentif 1h30 à une dimension majoritairement sonore et aussi assourdissante, alors autant le laisser prendre ce qu'il a à prendre et profiter à sa manière.
 


 

Il faut dire que la setlist, bien qu'un peu longue pour moi, met à l'honneur les deux derniers albums, dont presque tous mes titres favoris (il manque clairement « Lay Your Head to Rest » !). La seule grosse surprise de la soirée, c'est ce « Beyond I » originellement chanté par la voix de velours de Mariam Wallentin, ici repris par la voix masculine de l'un des membres (mais alors lequel, aucune idée, j'ai toujours les yeux fermés si vous suivez bien) et qui s'en sort plutôt bien.

Le petit passage obligé vers Vertikal fait du bien et ravit les fans des albums précédents, bien que de mon côté la préférence aille à d'autres opus comme Eternal Kingdom et Salvation (ou Mariner...), dont ils ne jouent malheureusement que très rarement des titres. Je ne suis, à l'inverse, vraiment pas conquise par « Dim » tiré de Somewhere Along the Highway. Je viens clairement pour me faire rouler dessus, ce n'est pas pour avoir encore du mignon post-rock à gogo pendant 11 minutes. Placé en avant-dernier, le titre est clairement pour moi celui de trop sur un set qui tire en longueur.

Finalement, j'ai pas mal en tête également les images du clip de « Cold Burn » (dont le retentissement en intro est l'une des alertes les plus fascinantes qui existent : à la fois terrifiante et excitante lorsqu'on sait ce qui est à venir). Cette terre désolée où l'on navigue, où tout n'est que cris, vrombissements, destruction et martèlements accablants, c'est bien ce que traduit le post-metal majestueux et grandiloquent de Cult of Luna. On y trouve la lumière, bien sûr, mais le groupe nous fait clairement subir une expérience dont eux seuls ont le secret, bien gardé car aucun mot n'est prononcé pendant le concert, donnant au spectacle presque une allure de secret entre eux et vous-même.



 

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Un grand merci à Garmonbozia pour l'invitation,
au Stereolux, aux groupes et aux techniciens,

ainsi qu'à Simon Grumeau pour les photos.