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vendredi 22 janvier 2021

Somnus Throne

Evan (guitare/chant)

S.A.D.E

Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse

Avec son premier album sorti en septembre dernier chez Burning World Records, les américains de Somnus Throne nous ont proposé un voyage aux relents psyché de très belle facture. On a posé quelques questions à Evan, (guitariste, chanteur et membre fondateur du groupe) pour en savoir plus sur ce projet un peu sorti de nulle part. (La version anglaise est disponible plus bas).

Pour commencer, peux-tu nous présenter le groupe ? Comment vous êtes-vous rencontrés, quand avez-vous commencé à composer ensemble ?

La bassiste, Haley, et moi nous sommes rencontrés dans un entrepôt au Texas. L’entrepôt où je vivais à l’époque. C'était une salle de concert locale. Elle traînait là pour la musique et des gens lui ont dit que je montais un groupe de doom et que j’avais besoin d’un bassiste. On a commencé à bosser en trio avec un batteur à cette époque. On a sans doute commencé à écrire de la musique vers 2015, mais on a dû s’arrêter. Chacun est parti de son côté, dans des villes différentes. On s’est retrouvé à Los Angeles deux ans plus tard Haley et moi, avec un nouveau batteur, Luke, et on a terminé l’album dans le sous-sol du studio AMP.

La présentation du groupe sur les réseaux sociaux raconte une histoire à propos des membres qui ont sillonné les USA, une histoire pleine de details, mais qui tout de même reste assez floue. Pourquoi ce semi-mystère ?

D’un point de vue personnel, je tiens à séparer l’artiste de son œuvre, un sentiment qui est très impopulaire en ce moment aux Etats-Unis. Je pense qu’il n’y a plus vraiment de liberté d’expression pour les personnes qui travaillent dans le domaine de l’art. Que ce soit dans la musique, le cinéma ou autre, si tu dis quoique ce soit qui s’avère ne pas rentrer dans les tendances morales du jour, qui changent constamment, on essaiera de tacler ta carrière. Un fois qu’on en est là, ce que les gens connaîtront de nous passera par la musique. Tu aimes nos riffs ? Écoute-les. Point barre.

Traduit du latin, Somnus peut être compris comme “sommeil”, “rêve” ou “torpeur”. Quel est le sens qui s’approche le plus de ta vision ?

Somnus est le dieu Gréco-romain du sommeil. J’ai pensé que personne écoutant ou jouant du doom n’a beaucoup lu Ovide, j'ai donc devancé tout le monde. Il s’avère que j’avais raison ; personne n’a lu Ovide et le nom était à prendre.

En tant que groupe de doom, j’imagine que des groupes comme Black Sabbath, Electric Wizard ou Sleep sont des influences. Quels autres groupes sont importants dans ton parcours musical ?

D’abord, nous sommes, en effet, influencés par ces grands noms. Mais ces noms définissent le genre. Je ne peux pas penser à un commentaire plus banal à propos d’un groupe de doom que “Ils sonnent comme Sleep ou Electric Wizard”. On pourrait traduire par “un groupe de doom joue du doom”. C'est un peu bête à dire. Haley aime beaucoup Sleep. Je les respecte, évidemment. Pour moi, je suis arrivé au doom avec des groupes comme Dead Meadow, Acid King, Bongripper, Electric Wizard, Black Pyramid, Black Rainbows, Stoned Jesus, The Black Angels et plus tard Monolord.

Votre album est bourré de riffs hyper efficaces, bien ronds et parfaits pour le headbang. Quelle est ta définition d’un bon riff ? Comment sais-tu que tu as écrit quelque chose qui à de la valeur ?

Je ne crois pas être capable de définir un bon riff. J’écoute juste avec mes oreilles mec. Je sais qu’en mettant en place certaines parties de l’album, c’était un grand moment pour moi. Genre, oui, je sais que ça, c’est bon. Ca m’a pris tellement tellement d’heures, assis devant mon ampli à balancer tout un tas d'idées.

Tes paroles mélangent la mythologie grecque, des thèmes chrétiens, des personnages païens, des sorciers et des voyages spatiaux. Quel message derrière ce patchwork ?

Je veux simplement faire apparaître un sentiment mystique. Je ne voulais pas que l’album devienne trop politique. J’ai esquissé les choses à partir de ce que je connais. En tant qu’athée, toutes ces choses se valent à mes yeux, c’est seulement de l’imagerie.

Il y a deux dialogues (de films ?) samplés dans l’album. D’où viennent-ils ?

Content que quelqu’un me le demande enfin. Le premier, celui où il est question de “drug gourmet” [utilisé en guise d’introduction sur l’album, ndlr], vient d’une vidéo Bobist de la Church of Slack [littéralement, l’Eglise de la Glande, un culte parodique fondé en 1979 autour d’un mystérieux prophète, Bob. ndlr] appelée “Lets Visit the World of the Future”. Quand les gens disent à propos d’un film que c’est un “classique culte”, en général ils ne suggèrent pas qu’il est littéralement à l’origine d’un culte, ce qui est le cas pour cette vidéo. Assez incroyable. Quant aux deux autres extraits, je préfère ne pas les spécifier, ce serait imprudent.

Vous débarquez directement avec un premier album, sans passer par la case démo ou EP avant. Étais-ce un choix ou c’est arrivé comme ça ?

J’ai observé ce que font les groupes qui marchent, tout simplement. Ils ne se font pas connaître en jouant dans des bars ou des concerts maison, et ça depuis un moment. Ils sortent un album et Internet explose. C’est ça, notre plan.

Comment a-t-il été reçu par le public ? Et par la presse ?

Il a reçu des critiques plutôt mitigées. Nous étions signés sur Burning Worlds Records, et ils n'étaient pas les seuls à nous faire une offre, mais certains de la vieille école n'ont pas vraiment apprécié. Mais le public nous a beaucoup soutenus. On a été dans les charts doom pendant un mois. On a parlé de nous dans presque toutes les publications doom que je connais. Mais il y a quand même eu des critiques assez vives. 

L'album est sorti chez Burning World Records, un label intimement lié au prestigieux Roadburn. Comment êtes-vous entrée en contact avec eux ? Comment s’est passé le travail avec eux ?

Je garde un œil sur les charts doom depuis des années et j’ai noté quel label a sorti quel groupe. J’ai contacté plusieurs labels pour savoir s’ils acceptaient les propositions spontanées. À ceux qui ont répondu oui, je leur ai envoyé deux morceaux. Ils ont été nombreux à en demander davantage. Mais une fois que Burning World s’est manifesté, on a en quelque sorte laisse tomber tous les autres. J’ai reçu des propositions à prendre ou à laisser, mais Jurgen [van den Brand, patron de Burning World Records, ndlr] était plus disposé à discuter et il y a eu quelques semaines de négociations. Finalement, on a trouvé un accord qui nous convenait à tous les deux. Depuis, j’ai accepté quelques modifications en toute bonne foi lorsque le label le demandait. C'est des gens bien là-bas et on est fiers d’être sur le même label que Bongripper et Conan, deux groupes qui comptent parmi nos influences.

Qu’est que ça fait de sortir un album — qui plus est le premier — en pleine pandémie ?

C’est pas terrible mec, pas terrible. Mais bon, voilà, il est là. J’abhorre la positivité. J’ai mis fin des relations avec certaines personnes qui essayaient d’être trop positives à mon égard. Du genre :  “Arrête d'espérer en ma présence”, en gros. Pourtant, j'ai fini par être convaincu par cette voix au fond de moi disant : “Rappelle-toi de l'époque où tu voulais être là où tu en es aujourd'hui”. Et c'est vrai, toute ma vie, j'ai voulu être ici, et me voilà. Donc, finalement, c’est plutôt cool. Je me suis fait à l'idée que Dieu doit juste détester Somnus Throne. Et ça me va plutôt bien.

Le dernier mot est pour toi !

On n'est pas près de disparaître. Les choses avancent. J’ai passé la fin de mon adolescence et la majeure partie de la vingtaine à jouer sur ces scènes locales comme tout le monde sur terre, là où tu retournes des steaks et grappilles de la petite monnaie pour payer ton matos et jouer dans des dates à cinq dollars devant vingt personnes dans un bar une ou deux fois par mois. Et en ayant fait ça à Portland, Houston, San Antonio, la Nouvelle-Orléans et Los Angeles, je peux te dire que j’ai jamais rencontré quelqu’un — ou même quelqu’un qui aurait rencontré quelqu’un — qui a transformé ça en une carrière. La solution ça a été de faire ce que personne ne fait, puisque personne ne s’en sort. On a abandonné la scène pour le studio jusqu’à bâtir quelque chose qui tienne la route. C’est le plan qu’on s’est fixé et qu’on suit. Somnus vivra et le doom jaillira !

 

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First, can you present the band ? How did you meet, when did you start to compose together ?

The bassist, Haley, and I met at a warehouse in Texas. The warehouse where i was living at the time was a local venue. She sort of hung around for the music and some people told her I was working on a doom band and I needed a bassist. We began working as a three piece with a drummer at the time. We probably started writing music around 2015 but things got interrupted. All three of us actually split for different places. We met back up a couple years later and finished it. Haley (the bassist) and I met up in LA, in the basement of AMP studios with our new drummer, Luke.

In the band’s introduction on social networks, you tell a a story about the members coming from all around USA, filled with details but yet quite blurry. Why this semi-mystery ?

 I personally like  to separate the art from the artist, a sentiment which is avidly unpopular in the USA right now. I don’t really think there is freedom of speech anymore for the people that work in the arts. Whether it be music, film or otherwise, if you ever said anything that happens not to fit in with the moral trends of the day, which constantly change, then they will try to attack your career. Until that has been made into an impossibility, what people will know about us happens through music. Like the riffs? Then listen to them. That’s it.

Somnus translated from latin can be understand as « sleep » or « dreams » or even « torpor ». Which one is the closest to your vision ? 

Somnus is the Greco Roman god of sleep. I figured nobody who is listening/making doom has been reading a whole lot of Ovid, so I had the drop on everyone. Turns out I was correct; nobody had been reading Ovid so the name as open.

As a doom band I can guess you’re influenced by the main names of the scene (let’s say Black Sabbath, Electric Wizard and Sleep). What other bands are important in your musical background ?  

First of all, we are indeed influenced by the big names. But, those names define the genre. I cant think of a more thoughtless comment on a doom album than “they sound like Sleep or Electric Wizard.” That basically translates to “doom band plays doom.” What a silly thing to say. Haley really likes Sleep. I respect them of course. For me, the reason I got into doom was bands like Dead Meadow, Acid King, Bongripper, Electric Wizard, Black Pyramid, Black Rainbows, Stoned Jesus, The Black Angels and later on Monolord.

Your album is filled with very efficient riffs that make the listener headbanging and all bouncy. What is the definition of a good riff for you ?

How do you know when you’ve composed something that worth it ? I don’t think I can define a good riff. I just listen with my ears, man. I know that when I came up with certain parts for this album, it was a big moment for me. Like, yea I know this is it. It took many many hours of sitting in front of the amp and banging through a lot of stuff.

Your lyrics are mixing greek mythology images, christian thematics, pagan/witchy characters and space trips. What is the purpose behind this patchwork ?

I just want to conjure up a mystical feeling. I didn’t want the album to get too political. I drew from what I know. Im atheist so it’s all the same to me, just imagery, really.

There are two (movie ?) dialogues sampled in your album. Where are they excerpt from ?

Glad someone finally asked. The first one, about gourmet drugs, is from a Bobism video from the Church of Slack called “Lets Visit the World of the Future.” When people say a movie is a “Cult Classic” they usually don’t mean that it is literally responsible for starting a cult, which is actually the case with this video. Pretty awesome. The other two I think it would be imprudent to specify.

You came directly with your first album, no demo or EP before. Was it a choice or things just happened this way ?

I just see what bands that make it do. They don’t work their way up from playing bars and house shows anymore and haven’t for a long time. They make an album and the internet blows it up. So, that’s our plan.

How was it received by the public ? And the press ?

It seems to have gotten mixed reviews. Like we were signed by Burning World Records and they weren’t even the only ones to give us an offer straight away. But, then we got passed around to the Old Guard and some of them really didn’t seem to appreciate it. The public has been very supportive. We were on the doom charts for our month. We have been written about by almost every doom publication I know about. But, definitely there were some strong critics.

The album was released on Burning World Records, which is intimatly related with the prestigious Roadburn Festival. How did you get in touch with them ? How were your work relationships with the label ?

Yea, I just kept tabs on the doom charts for several years and I watched which labels were putting out whom. I approached the labels by asking them if they accept unsolicited demos. The ones that said yes were sent two tracks. Plenty of them asked for more. But, once Burning World Started talking, we sort of cut everyone else out. I had been given offers as a take it or leave it but Jurgen was willing to talk and it was a several week long negotiation process. Ultimately we ended up with a deal we both liked and I’ve since been flexible in good faith to amend that deal as requested by the label. They’re good people over there and we’re stoked to be on the label with Bongripper and Conan as they are both influences to us.

How does it feel to release an album — furthermore the first one — during this pandemic ?

Not good my dude. Not good. But hey, its out there. I abhor positivity. I have ended relationships from people just trying to be overly positive around me.” Stop hoping in my presence,” essentially. Yet, I was adulterated by a caption over a scenic background that said something like “remember when you wanted to be where you are now.” And yea, my whole life I’ve wanted to be here and here I am. So, that’s pretty cool either way. Ive sold it to myself that god just hates Somnus Throne, which is cool.

I let the last words to you !

We’re not going away. Things are in the works. I’ve spent my late teens and most of my twenties doing that local scene thing everyone is doing in the world where you flip burgers and scrape together cash for gear to play 5 dollar shows to like 20 people once or twice a month at a dive bar. However, having done that in Portland, Houston, San Antonio, New Orleans and LA, I can say that Ive actually never even met anyone, never even met anyone who’s met anyone that has made that turn into an actual music career. So, the solution was to do what everyone is NOT doing, since nobody is making it. That was to abandon the live scene for the studio until you build up something real. That’s our plan and we’re sticking to it. Somnus will live and the doom must flow!