Chronique Retour

Album

31 janvier 2025 - Rodolphe

Godzillionaire

Diminishing Returns

LabelRipple Music
styleStoner grunge
formatAlbum
paysÉtats-Unis
sortiejanvier 2025
La note de
Rodolphe
8/10


Rodolphe

La caution grunge du webzine.

Godzillionaire est de sortie. Pour Mark Hennessy, l’ancien frontman de Paw, ce projet symbolise un renouveau. Moins en matière de style que de popularité, attendu que le premier album des Kansasais, Small Change, inventait une suite à l’EP d’adieux Home Is a Strange Place, en proposant un rock alternatif mâtiné de blues (« Aquatic Adventure #6 », « Absolute Zero »). Une continuité sans doute intégrée par le groupe, au vu du titre sus-cité et de son artwork orange représentant un sac de billets pourvu d’ailes, annonçant un « petit changement ». En outre, s'agissant des fans, se détacher de la période dorée du Seattle Sound représentait une tâche ardue. À l’approche du First Annual Corn King Music and Arts Festival 2018, certain·es ont fantasmé une reformation de Paw, bien qu’il s’agît du line-up de Godzillionaire, célébrant l’anniversaire de la sortie de l’indomptable Dragline en 1993. Si la confusion était légitime, depuis cinq ans, les Américains s’affirment dans un registre qui leur sied à merveille, entre stoner metal et grunge.

Le précédent album laissait entrevoir une orientation musicale différente de celle présentée jusqu’alors. Le son s’est en effet durci à un niveau insoupçonné. Negative Balance faisait montre d’un engagement et d’une ambition rares dans le genre qu’il représente, en développant un concept autour de l’espace (à base d’interludes, de voix filtrées, etc.). Une ironie pour un mouvement aussi enraciné sur Terre que le stoner, souvent qualifié de « desert rock ». De cette inclinaison cinématographique subsistent quelques traces, notamment le storytelling inimitable du « King » Hennessy et un onirisme se superposant habituellement à des titres plus atmosphériques. Première des deux ballades de la tracklist, « Spin Up, Spin Down » en dresse la parfaite synthèse. L'on assiste à un blues fiévreux de sept minutes, dominé par les guitares, dans lequel le leader de Godzillionaire semble se promener, déposant des mots chuchotés au creux des oreilles.

L’autre force de Diminishing Returns provient de la diversité de ses formats : outre des moments étoilés, parfois novateurs (les arrangements électro-pop de « Unsustainable »), cohabitent des titres à l’apparence de singles et d’autres, plus longs et structurés, surjouant les effets de transmission radio. Malgré tout, les inspirations grunge atteignent la plupart des morceaux, dont certains, de manière significative. La section rythmique de « Boogie Johnson » rappelle fortement Audioslave, en particulier cette basse costaude, groovy, qui, mêlée au reste de l’instrumentation, est une invitation au headbang. Son chant hurlé, sec et sans retenue, cristallisera l’attention du fan-club de Paw, sans compter qu’il fournit des arguments supplémentaires à la comparaison avec le supergroupe de Chris Cornell. Par rafales, viennent des images mentales du clip de « Show Me How to Live » et de l’artiste, au volant de sa Dodge Challenger blanche, roulant à travers le désert du Nevada. Citons également « Astrogarden » et ses réminiscences d’Alice In Chains, présentes à la fin des couplets, lorsqu'apparaît une forme de dialogue vocal, au ton nasal et psychédélique. Les derniers morceaux, quant à eux, extrapolent une tendance esquissée sur la première moitié du disque, à savoir créer des quasi-silences (une manière de tenir l’auditeur et l’auditrice en haleine) et étirer les séquences. Des réflexes de musique (stoner ?) composée pour la scène, qui s'accordent parfaitement à l'identité de l'album.

Les Américains semblent avoir trouvé leur point d’équilibre. Sitôt retombés dans les méandres de l’underground après leur contribution à « They Come Knocking » en 2019 (un film de l’univers de la série « Into the Dark » de Hulu), ils n’en poursuivent pas moins leur ascension, en s’affirmant et en révélant leur vraie nature.

« Vous n'avez aucune idée de ce qui va arriver.»

(Joseph Brody dans « Godzilla », 2014)

 

Tracklist :

  1. Drowning All Night
  2. Boogie Johnson
  3. Spin Up, Spin Down
  4. Astrogarden
  5. 3rd Street Shuffle
  6. Unsustainable
  7. Common Board, Magic Nail
  8. Shadow of a Mountain