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vendredi 30 août 2024

Sonic Blast 2024 : Horns Up chez les Lusitaniens

Bord de plage - Vila Praia de Âncora

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Raton : Il y a des festivals au cadre plus plaisant que d’autres. Avec Hugo et Pingouin, on ne vous cache pas que malgré notre amour pour les musiques saturées et les rassemblements de chevelus pour en écouter, on avait envie de varier des Motocultor et autres fests dans des champs vite boueux et à la météo incertaine. En d’autres mots, on avait besoin d’exotisme et de soleil. A partir de là, peu importe l’affiche, tant qu’il fait chaud et que les peaux bronzent ? Pas tant, car on ne voulait pas traverser une partie de l’Europe pour faire figuration. Alors, sur les conseils avisés du formidable Di Sab, nous avons considéré le Sonic Blast, au Portugal.

Plutôt que de céder à la trame classique et chronologique du live-report, dont on aimerait échapper au moins le temps d’un article, nous vous proposons de vous narrer nos 15 meilleurs moments au Sonic Blast 2024, principalement musicaux, mais pas que. Ils retracent ce qui ont fait de notre passage au Portugal une délicieuse expérience et on espère qu’ils vous donneront des idées pour 2025. Bonne lecture !

Présentation du festival | Truckfighters | Slift | Causa Sui | Brant Bjork | La plage | Viagra Boys | Fugitive | Black Mountain | Maruja | Skemer | La bouffe | The Obsessed | Poison Ruïn | 1000mods | Graveyard

 

Le festival

Raton : Festival initié en 2011 et tourné principalement vers les scènes stoner et doom, il n’en est pas pour autant une resucée du Desertfest. Situé depuis sa création sur le littoral extrême nord du Portugal, aux bords de la Galice espagnole, jusque 2019 à Moledo, puis depuis 2022 à Âncora à 6km au sud, le Sonic Blast a toujours eu pour projet d’être un rassemblement de passionnés-es qui veulent conjuguer les musiques lourdes à la langueur des vacances en bord de mer. La première édition affichait même sur son affiche « Sunset barbecue / Pool / Hot sun and cold beer ». Depuis, le festival a grossi, accueilli des têtes d’affiche internationales (Uncle Acid, Pentagram, OM, Elder…), s’est professionnalisé tout en restant sincère et a élargi son affiche au psychédélisme dans son sens large, voire même parfois au punk. Et surtout la priorité balnéaire a subsisté, car le festival est à 100 mètres de la plage, mais Hugo vous en parlera encore mieux.

Âncora étant à une bonne heure de voiture de Porto et souhaitant limiter notre bilan carbone, nous avons décidé de nous y rendre en camion. Comptez deux à trois journée de route selon vos envies de visites, mais vous passerez à travers le grandiose pays basque espagnol et les magnifiques collines du nord Portugal. Une fois arrivés-es dans la localité, grande de quelques 5000 âmes et si vous n’avez pas opté pour un logement en dur, le camping vous donnera également des saveurs de vacances. Situé dans la forêt qui borde la plage, vous serez protégés-es de la pluie et du soleil, tout en profitant d’un cadre joli et jovial.

Si vous n’êtes pas les plus fanatiques des grands festivals dont la jauge dépasse les 10 000 personnes journalières, le Sonic Blast saura vous régaler car chaque journée compte autour de 5 000 festivaliers-ères. Une affluence raisonnable et encore arrangée par la disposition efficace du site, qui évite les goulots d’étranglement et les queues, que ce soit au merch, aux toilettes ou aux stands de restauration (mais ça aussi, Pingouin vous raconte tout plus tard). Seul souci dans la disposition : aucun stand de réduction des risques. Absence doublement problématique car premièrement, les concerts peuvent être forts et aucun bouchon d’oreille n’est disponible et deuxièmement car le Portugal est connu pour sa politique de décriminalisation de toutes les drogues et que ne fournir aucun matériel de consommation nous semble tout à fait irresponsable dans cette situation (et dans des pays qui criminalisent aussi d’ailleurs).

Enfin, avant d’en finir avec cette présentation généraliste, malgré un line-up assez resserré avec 35 groupes, le festival bénéficie de trois scènes. Comble de la joie, il n'y a aucun chevauchement et le premier concert n’est jamais avant 15h, vous laissant le temps de profiter des dunes ou du charme de la ville et de ses restaurants.

 

 

Truckfighters

Pingouin C'était l'autre immense attente de l'affiche : Truckfighters fait figure de groupe de stoner le plus cool du monde ou presque, et ce depuis la sortie de l'exceptionnel Gravity-X en 2005. C'est donc avec un grand sourire aux lèvres qu'on va se planter devant la scène 2, située juste à gauche de la grande. J'attends en trépignant que le set des Suédois commence, et je ne suis visiblement pas le seul puisque pas mal de festivaliers arborent fièrement le merch du groupe, qui s'est vendu comme des petits pains ce jour-là.

Et là c'est la branlée : non seulement le trio est en forme, mais sa performance dépasse toutes les attentes. Quasiment une heure de set ultra-énergique,portée par le le formidable Niklas Kallberg. Avec ses airs de Kad Merad sous speed, le guitariste ne reste pas statique une seule seconde, saute partout en tirant la langue, et le public réagit constamment. Pas que le reste du groupe soit invisible, mais clairement Truckfighters a une star, elle est torse-poil et porte la moustache avec style.

Je passe une heure à danser sur un set stoner maîtrisé de bout en bout. Pas facile d'ailleurs de bâtir une setlist idéale de Truckfighters, dont les six albums se valent globalement. On a bien évidemment droit aux tubes que sont « Atomic », et surtout le culte « Desert Cruiser » en fin de set, dont le refrain est naturellement repris en chœur par tout le monde. Super concert, rien à redire.

 

 

Slift

Hugo Je vous disais il y a quelques années tout le bien que je pensais de Slift, revenant sur la sortie du monument rock qu’est Ummon. Depuis, j’ai eu l’occasion de voir le groupe plusieurs fois en concert, et d’écouter en boucle Ilion, dernier album en date du groupe. Plus Metal à mon sens que son prédécesseur, il n’en est pas moins complexe et dense, et comporte son lot de passages purement jouissifs. Côté live, le groupe s’est là-aussi forgé une belle réputation. On a eu l’occasion de couvrir pas mal de leurs concerts sur Horns Up (coucou Victor), et je vais donc essayer de ne pas trop me répéter. Et de commencer par ces quelques mots : ça fait du bien, franchement.

Car les groupes psyché ne manquent pas, et un vrai revival se met en place depuis plusieurs années. Plusieurs groupes du style sont d’ailleurs programmés au SB, mais aucun ne semble proposer un show aussi impressionnant que celui des Toulousains. Côté setlist, le groupe fait la part belle à ses deux derniers efforts, qui se rejoignent dans un tout cohérent qui n’est quasiment jamais interrompu. Ce qui est particulièrement remarquable, c’est qu’on a vraiment l’impression d’assister à un jam, en même temps qu’un show construit et ultra en place.

Le groupe s’octroie quelques libertés sur l’interprétation des morceaux, multiplie les longues phases de montée en puissance, jusqu’à ce que la tension se libère et que l’on danse le sourire aux lèvres. En effet, Slift c’est aussi ça : des lignes vocales et refrains catchy comme on en voit rarement dans le genre, et des riffs ultra mémorables que le public chante à gorge déployée. On nage en plein hyperespace pendant de longues minutes, fascinés par ce qu’il se passe sur scène, avant que tout n’explose autour de nous et sur scène, à l’image des projections animées en fond. Peu de titres sont aussi intenses en concert que « Lions, Tigers and Bears », moment de paroxysme du concert, avec un public en transe. Le concert du weekend ? Un des concerts de l’année, oui !

 

 

Causa Sui

Raton Le stoner psychédélique à tendance jam a connu une vague de popularité soudaine dans la première moitié des années 2010. Et comme bien d’autres scènes dans les musiques extrêmes, on a assisté à un nivellement par le bas avec tous les groupes qui finissaient par sonner exactement pareil. Parmi les groupes qui parvenaient à sortir du lot, mais plus discrètement qu’un Colour Haze ou un Samsara Blues Experiment, les Danois de Causa Sui.

Pour leur passage, ils joueront trois morceaux tirés d’Euporie Tide, leur album le plus connu, trois morceaux tirés de leur dernier et trois autres de sources diverses. Je ne peux vous dire ça qu’en m’aidant d’internet, car pour moi - et probablement pour beaucoup - le set n’a été qu’un long jam, un voyage paisible et embrumé au milieu de paysages fantasmés. La grande force de Causa Sui, pour moi, réside dans leurs progressions hallucinantes. De façon subtile et milimétrée, chaque plan mène à un autre, créé de l’intensité, puis la dégonfle pour mieux repartir, etc. Il y a même une grandeur hendrixienne dans ce jam perpétuel, comme une furie psychédélique saisissante.

Et ce qui contraste le plus avec cette maestria instrumentale, c’est le look des musiciens. Avec des tenues full détente, façon bob, tunisienne et polo clair et ample, les Danois étaient très loin des costumes metal habituels et semblaient même avoir été recrutés à la hâte à l’entrée du festival. Cette décontraction est agréable et aide au lâcher prise nécessaire pour flotter au gré du courant. Les musiciens ne se fendent que de très rares commentaires, à un moment pour féliciter le festival, le public, mais aussi la Super Bock, qui semble les régaler au plus haut point. Comme quoi, on peut avoir très bon goût en riffs mais pas en bière (ndlr : on en a bu joyeusement tant de litres qu’on ne peut même plus contractuellement la critiquer).

 

 

Brant Björk Trio

Pingouin Tient-on ici le meilleur concert du festival? En ce qui me concerne ça se tape avec Truckfighters, mais dans mon top 3 du week-end il y a le groupe qui porte le nom de l'ancien batteur de KyussFu Manchu et Mondo Generator. Légende vivante du stoner, Brant Björk est ici à la guitare, ce samedi soir il joue pendant le coucher du soleil. C'est donc avec les rayons solaires qui nous lèchent la joue droite que l'on débute ce concert.

L'entame de set est carrée, mais à peine satisfaisante. La faute à une batterie bien trop forte par rapport aux autres instruments. Très vite les fûts résonnent moins, grâce à un batteur qui s'est calmé peut-être, ou à un ajustement côté régie son. Toujours est-il que l'heure de set se déroule par la suite dans une perfection quasi-totale. Le trio nous emmène dans son univers stoner et rock'n'roll. Et Brant Björk emporte facilement le public avec la doublette magique « Sunshine » ("and it shiines, for everyooone") et « Let the Truth Be Known » ("we don't work for the fucking man, we work for rock'n'roll!"). Les petits problèmes de balance niveau batterie ressurgissent brièvement vers la fin du set mais le final se passe à merveille. J'ai les yeux fermés de plaisir sur l'exceptionnel « Backin the Daze », et je sors de là ravi. Le stoner, c'est si facile pour Brant Björk, et moi qui ne m'attendais à rien de moins qu'un super concert, j'ai été absolument subjugué par la coolitude du trio.

 

 

La plage

Hugo : « Eh on se voit pour le set de la mer ? J’ai regardé la setlist, c’est que des tubes. »

Après tout, ce n’est pas très différent des trucs ambient/field recording que j’écoute d’habitude. On ferme les yeux vingt minutes, et on a là le meilleur concert du weekend, d’assez loin. Je ne vais pas être très original, mais force est de constater que la mer occupe une place importante dans mon imaginaire. Plus prosaïquement, c’est aussi un des lieux où je me sens bien, d’autant plus lorsqu’il s’agit de l’océan Atlantique et de ses vagues denses et glacées, ses plages qui ne débordent jamais vraiment de monde.

Quand j’étais ado, des festivals comme le Metaldays me semblaient lointains et inaccessibles, mais franchement attirants. Ironie du sort, Âncora est deux fois plus loin de chez moi en bagnole que Ljubljana, et pourtant l’envie d’aller aux Metaldays m’est un peu passée. Comme un désir de se recentrer sur des plaisirs simples et plus confidentiels. Ici, le camping est à 2 minutes à pied du festival, qui est juste derrière la dune le séparant de la plage. On hésite presque à aller voir des concerts en maillot de bain, mais niveau drip ce n’est pas franchement ça. Et on finit par l’aimer ce petit chemin au travers de la dune, jusqu’au camping, où l’on croise aussi bien des festivaliers que des familles venues là pour se baigner. Peu nombreuses au final, on a souvent la plage pour nous seuls ou presque.

Ci-joint une photo du coucher de soleil à l’horizon. On a loupé le début de High on Fire pour ça, comme beaucoup d’autres festivaliers, sans aucun regret.

 

 

Viagra Boys

Hugo Quelle belle surprise que de retrouver Viagra Boys à l’affiche de ce Sonic Blast, preuve s’il en est de la relative diversification du festival, qui laisse la part belle au (post-)punk en cette première journée. De mon côté, je découvre la musique des Suédois de loin en 2019, à l’occasion d’un autre festival. À l’époque, le groupe n’atteint pas encore les sphères mainstream, mais est largement reconnu parmi les fans du genre à la suite de la sortie du très bon Street Worms (2018). Entre temps, et une pandémie passée, Viagra Boys sort le très bon Cave World, et s’impose progressivement comme une tête d’affiche rock en multipliant les tournées dans le monde.

Et en live, bah, c’est toujours aussi bien. On le comprend, VB a plus de moyens que les autres groupes programmés à l’affiche, avec une scénographie plus développée et un show rodé pour les grandes scènes. Mais l’essentiel tient surtout au frontman exubérant Sebastian Murphy, cofondateur du groupe, avec des interventions à mourir de rire entre calcul et belle spontanéité. Ses « What’s up Porto » à répétition, malgré les protestations du public (la ville est à 80 bornes d’Ancora), résonnent encore en moi je dois bien l’avouer. 

Côté setlist, c’est surtout le premier album bourré de tubes qui est à l’honneur ce soir. On alterne assez intelligemment entre titres mid tempo (« Punk Rock Loser » en karaoké, le quasi-bouleversant « Worms » …) et morceaux plus énergiques et dansants. Je suis un peu moins convaincu par les différents interludes, notamment lorsque les musiciens (tous très bons, sans conteste) partent sur un genre de jam un peu bruitiste en fin de set, qui a pour effet de faire pas mal tomber la tension à mon sens. Fort heureusement, notre ami Sebastian revient vite haranguer le public, plutôt littéralement, avec la superbe doublette « Sports » / « Research Chemicals ».

 

 

High on Fire Fugitive

Raton Notre samedi s’étire avec la langueur des étés méditerranéens, entre la plage et les concerts, mais une fois Slift terminé, on savait que la quiétude ne serait que de courte durée. Premièrement parce que High on Fire, l’ultime tête d’affiche, est connu pour jouer fort et qu’ils ont joué extrêmement fort. Pourtant assis à l’autre bout du site, le set des Américains nous a assommés et pas dans le bon sens. N’étant jamais parvenu à adhérer à la proposition de High on Fire, je n’en ai pas été extrêmement peiné, mais force est de constater que leur concert était loin du succès attendu, de part le volume, mais aussi par les compositions globalement interchangeables, malgré les singles ici et là.

Mais surtout deuxièmement parce que Fugitive était programmé ce soir là. Fugitive est le rejeton spirituel de Power Trip. D’une part, parce que le groupe a été fondé par Blake Ibanez, guitariste lead de Power Trip et premier guitariste d’Eternal Champion et d’autre part, parce que le chanteur Seth Gilmore est celui qui a été choisi pour succéder à feu Riley Gale. Dans le même thrash crossover que son aîné, quoique peut-être un peu plus influencé par le death d’ObituaryFugitive lance une guerre d’agression sur un Sonic Blast pris de court. Après 3 jours de stoner, le thrash crossover est un coup de massue, mais le public prend vite ses aises dans un pit raisonnable mais animé.

Si Fugitive souffre évidemment de la comparaison, il s’en sort tout de même avec les honneurs, notamment avec le tube « The Javelin » ou une reprise surprenante mais dévastatrice de « Babylon Fell » de Celtic Frost. Evidemment en manque de hardcore de primate, j’aurais aimé quelques breaks de sauvageons, mais j’ai eu le droit à des two step pour compenser. Fugitive doit encore grandir, mais pose toutes les bases d’une future valeur sûre de la scène et les voir dans un cadre aussi détonnant est un plaisir de gourmet.

 

 

Black Mountain

Pingouin Voir Black Mountain pour la première fois sur scène était l'une de mes plus grosses attentes du festival : sorte de heavy psych ultra-mélo, aux frontières du post-rock et du stoner doom, Black Mountain a une discographie riche et ponctuée de moments de grâce, notamment sur In the Future (2008) et IV (2016). Malheureusement ç'a été ma plus grosse déception du week-end, et ça n'était pour moi que le deuxième concert, un peu après Maruja.

Les Canadiens commencent pourtant leur set par l'éternel « Mothers of the Sun », dont on chantonne le refrain en balançant la tête. Malheureusement le soufflé retombe très vite, puisque le groupe n'en a visiblement rien à cirer : Stephen McBean enchaîne ses riffs sans une once de présence scénique, les claviers de Jeremy Schmidt sont inaudibles ou presque … et surtout Amber Webber ne chante pas juste, et passe l'entièreté du set les bras ballants derrière son micro. A peine si le public a droit à un bonjour de la part du groupe, malgré une belle réaction collective sur l'excellent « Cemetery Breeding ». Si je n'avais pas été un aussi grand fan du groupe, je serais sûrement parti boire un coup. Je m'y dirige quand même, inévitablement, avec l'impression d'avoir vu un groupe transparent. Vraiment dommage.

 

 

Maruja

Raton : Maruja, en plus d’être le premier groupe qu’on voit du festival, est un peu une anomalie sur l’affiche. Eloigné des scènes psychédéliques, le groupe britannique est bien plus proche de la vague de rock arty à la Black Country, New Road, Squid ou black midi. Originaire de Manchester, Maruja n’a sorti que deux EPs mais est parvenu à cueillir un public large et exigeant avec son mélange de post-rock dense, de post-punk anguleux et d’influences jazz et punk manifestes. 

Le groupe est également notamment défini par son saxophone, qui donne une couleur mystique aux compositions. Et devinez qui est malade le jour du concert ? Le saxophoniste. Le quatuor devient alors un trio et prend la décision risquée de ne même pas jouer les bandes de saxophone. On perd alors les errances à la Godspeed You! Black Emperor, mais on gagne une musique plus instantanée, dans laquelle ressort davantage le côté punk.

Ce qui est amusant c’est que les membres du groupe n’ont pas du tout le look à jouer une musique cérébrale comme la leur. Ils ont une dégaine de lads de Manchester et les voir tricoter des rythmiques exigeantes est un contraste plaisant. Le chant du guitariste est scandé, syncopé et renforce la sensation martiale et menaçante des morceaux. La setlist est digeste, la joie des membres du groupe est communicative et les Mancuniens inaugurent avec force - et malgré l’absence d’un membre - la grande scène. Parisiens-nes, croisez-les le 16 octobre au FGO Barbara et amis-es belges, ce sera le 23 octobre au Witloof du Botanique.

 

 

Skemer

Hugo L’underground belge est vraiment chouette, et assez différent de ce qu’on a en France. Je vis à Bruxelles depuis plus d’un an maintenant, et j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de me rendre dans des lieux où l’esprit batcave semble encore quasi intact. Le Café Central est l’une des institutions de la ville, où se déroulent des concerts gratuits en tout genre… dont celui de Skemer, duo dont je découvre l’existence en passant les portes du lieu un soir de semaine. Déjà à ce moment-là, j’ai beaucoup apprécié la proposition du groupe, éminemment ancrée dans la coldwave, possédant une belle énergie live, sombre et envoûtante. Et puis tiens, le guitariste me dit quelque chose, ressemblant à s’y méprendre à celui… d’AmenRa.

J’en ai alors parlé aux copains, insistant sur le fait qu’il ne fallait pas louper le set des Flamands en clôture de la seconde journée du Sonic Blast. C’était d’ailleurs une vraie bonne idée, bravo Hugo, d’autant que le show du groupe a pas mal évolué en un peu moins d’un an, gagnant largement en cohérence et densité. Musicalement on est en terrain connu, avec une frontwoman, Kim Peers, mannequin de profession, au chant, et Mathieu Vandekerckhove à la guitare et aux synthés, lançant la boîte à rythme et les différentes bandes. Les ambiances varient, avec des passages inspirés par la techno indus plutôt bienvenus, évoluant vers une musique plus synth et dansante. On est en plein TechNoir, et Kim Peers attire tous les regards, tenant la scène avec brio et beaucoup de charisme.

Arrêtons de se mentir à soi-même : les gros riffs, le fuzz, tout ça, c’est bien – mais pouvoir remuer son corps sans trop se poser de question, c’est quand même autre chose.

 

 

La bouffe

Pingouin : Vous l'aurez compris si ça fait pas cinq minutes que vous lisez Horns Up, mais notre équipe est truffée d'irrécupérables rabelaisien-nes. Pas une mince affaire donc d'aborder la question de la bouffe dans un festival, qui plus est à l'étranger. Commençons par le liquide : au Portugal règne le monopole de la Super Bock, bière de soif simple et sans fioritures, qui nous a un peu gonflés au début comme le logo de la marque couvre le tiers du site du Sonic Blast. Mais en fait on s'y fait et on en redemande, vu que le reste de la carte boissons (pas bien longue) est hors de prix.

Parlons cambuse maintenant : la grosse dizaine de food trucks présents sur le festival proposent une sélection variée de produits. Du local (fromage, caldo verde, viandes en tous genres), du plus classique (pizza, garlic bread), et des barquettes de légumes pas piquées des hannetons. On retrouve pas mal d'options végétariennes et vegan donc pour nous autres rabelaisiens du wokistan c'est un plus. Par contre tous ces petits commerçants vendeurs de bonheur gustatif ne se sont pas retenus sur les tarifs : six euros cinquante pour une barquette de légumes frits et 2 patates, certes très bonnes, c'est un poil trop. Le coup de grâce nous fût porté au moment de goûter un sandwich au fromage qui avait l'air délicieux : mais en fait il coûtait neuf euros, pour un brebis (local, visiblement produit dans les montagnes de Serra da Estrela, bien salé avec un fort caractère) fondu et tartiné sur du pain de supermarché. On s'est bien fait rouler sur ce coup-là, mais après tout c'est un festival de touristes, et quand on se situe au cœur de la cible, on ne peut que finir à découvert. Revenons au sujet qui nous intéresse.

 

 

The Obsessed

Pingouin The Obsessed c'est l'un des douze mille groupes de Wino Weinrich, leader iconique de Saint Vitus. C'est aussi l'un de ses plus grands succès d'estime dans le doom et le stoner. Je rate malheureusement le début du set, collé au sable chaud de la plage adjacente au site. J'arrive suffisamment tôt quand même pour attraper Wino dans ses œuvres : frontman placide, mais charismatique, dont la veste en cuir noir habille parfaitement la voix rocailleuse et incarnée. 

La setlist fait la part belle aux trois premiers albums du groupe (The Church WithinLunar WombThe Obsessed), et panache en même temps des titres de presque tous les albums du groupe.

The Obsessed livre une prestation carrée de bout en bout, et pas une note n'est laissée au hasard par les Américains, ce qui détone légèrement dans un fest où pas mal de groupes ont tenté des moments d'impro, plus ou moins réussis. Weinrich est visiblement ravi d'être là, comme il le fait savoir. Déjà présents au Hellfest en 2023, on espère revoir rapidement le groupe en Europe, et pourquoi pas en France.

 

 

Poison Ruïn

Hugo La présence de Poison Ruïn en clôture de ce premier jour est l’une des autres belles surprises du festival, le groupe étant à l’opposé du spectre des Graveyard et autres Black Mountain programmés plus tôt dans la journée. Pour le contexte, le groupe nous vient de Philadelphie, et a sorti l’an dernier un très bel album plutôt inclassable, entre post-punk et deathrock, raw et teinté de dungeon synth. Si vous scrutez de temps à autres les nouveautés bandcamp, vous avez sans aucun doute déjà vu une de leurs pochettes, où posent des personnages en tenues de chevalier dans des postures plutôt combatives et marrantes. Le groupe a d’ailleurs signé chez Relapse Records pour son premier disque, masterisé par l’homme à tout faire Arthur Rizk.

À notre grande surprise, le groupe sonne carrément plus punk en live, et propose un set ultra frontal. Qu’on me comprenne bien : Poison Ruïn est éminemment punk-rock, mais avec un son beaucoup plus distant et dépouillé sur album, comme si on injectait une bonne dose d’onirisme dans le crust. De la même façon, l’absence manifeste de scénographie, et les looks carrément normaux des musiciens (pas de cottes de maille, difficile pour passer les douanes en même temps) montrent également la volonté du groupe d’aller droit au but. Et finalement, tout ce qu’on perd en détails, on le gagne largement en énergie – ce qui est particulièrement bienvenu à 1h du matin, après plusieurs jours éprouvants de camping sauvage à travers l’Espagne.

Allez, revenez nous faire une belle tournée dans les rades d’Europe, ça sera grandiose sans aucun doute.

 

 

1000mods

Pingouin C'est la deuxième fois que je vois 1000mods sur scène cet été (après un set trop cool au Rock in Bourlon). Je m'attends donc à ce que les Grecs remettent ça sur la dune de Praia d'Ancora : la nuit est déjà tombée quand le groupe monte sur scène, et je dois vous avouer que je ne suis pas au premier rang. Cela dit je ne pers pas une miette du set, puisque le son est hyper fort, comme on l'a déjà dit, et porte loin sur un site aux proportions réduites. Pas compliqué donc de s'asseoir devant la scène 3, entre les grosses scènes et le food court, pour écouter jouer les Grecs.

Comme pas mal de groupes du genre, 1000mods a une longue discographie à défendre, qui se retrouve bien souvent écrémée à la hache : place aux tubes mesdames et messieurs, comme ça tout le monde est content et on en parle plus. « Warped », « Road to Burn », « Vidage » et « Super Van Vacation » constituent l'essentiel d'une setlist que le public du Sonic Blast n'a eu aucun mal à reprendre à pleins poumons. Le stoner rock limpide du groupe a toute sa place dans un festival pareil, et la perf des Grecs constitue probablement le point d'orgue de leur longue tournée estivale.

 

 

Graveyard

Raton Représentez-vous la scène : vous êtes au nord du Portugal, le soleil vient de se coucher et l’air marin balaye gentiment le festival, de la nourriture fraîchement dans le ventre, le léger grisement de la Super Bock, et c’est le moment où Graveyard monte sur scène. Le cadre est parfait pour le hard blues crépusculaire des Suédois. Je suis rentré dans le metal par le hard rock, puis par le stoner donc Graveyard m’a accompagné et Hisingen Blues a été un album de chevet pendant un moment. Ça faisait toutefois longtemps que je n’étais pas revenu vers le groupe.

Et quel meilleur moment pour des retrouvailles ? D’autant que la bande à Joakim Nilsson était en grande forme. Assez logiquement, j’avais peu de repères dans la setlist qui faisait surtout la part belle aux deux derniers disques, mais on a eu le droit aux formidables « The Siren », « Hisingen Blues » et « Ain’t Fit to Live Here ». Le chant de Nilsson est évidemment le point fort du groupe et il n'a pas déçu ce soir, feulement blues pendant une heure. D’ailleurs habitué aux sets courts du hardcore, j’avoue que l’heure a fini par se faire sentir et que j’aurais préféré un temps de set maximum de 50 minutes, mais ça permet aussi aux artistes de se déployer davantage et de jouer des morceaux plus rares (même si pour Graveyard, la setlist était globalement la même qu’au Hellfest).

 

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Merci à l'orga du Sonic Blast, à Ricardo pour les échanges et sa confiance et aux bénévoles pour ce super événement.

Également un muito obrigado à Iago Alonso pour les photos !

Photos