Anna von Hausswolff @ Ancienne Belgique
Ancienne Belgique - Bruxelles
Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)
Après Sleep la veille, me voilà déjà de retour dans le temple bruxellois de l'Ancienne Belgique. Il faut dire que si Anna Von Hausswolff n’est pas aussi rare que les Américains dans nos contrées (son dernier passage belge remonte à 2016 au Botanique avec Swans), j’ai vraiment appris à l’apprécier pleinement à travers les vidéos où elle joue dans des lieux impressionnants sur des instruments qui le sont tout autant (comme à Stavanger), mais je reconnais aussi que son dernier album paru en début d’année, « Dead Magic », m’a particulièrement ensorcelé et touché, sûrement le plus sombre et ambitieux de sa discographie déjà bien étoffée . Et je ne parle pas de son apport vocal sur le dernier opus de Wolves In The Throne Room.
À l’instar de Emma Ruth Rundle et Chelsea Wolfe, Anna Von Hausswolff fait partie de ces artistes féminines en périphérie de la scène Metal qui forcent l’admiration et le respect, de par un talent indéniable et un véritable charisme en plus d'une sensibilité qui lui est propre. Fille de Carl Michael von Hausswolff, compositeur et artiste visuel respecté, Anna a baigné dans un univers musical dans lequel elle suit depuis près de dix ans sa propre voie avec des influences qui vont de la musique folklorique suédoise à Burzum à en croire une photo d'elle avec un vieux t-shirt de l'album « Hvis lyset tar oss ».
Cette soirée me permet de découvrir l'AB Club, la petite salle de l'Ancienne Belgique située à l'étage qui peut contenir 280 personnes. A voir le monde présent, le concert a certainement dû froler le sold-out ce qui n'est jamais négligeable un lundi. En tout cas, c'est un contexte plus intimiste qui me plait bien.
En prélude, c'est l'artiste anversoise Mia Prce et son projet Miaux qui a la tâche d'ouvrir la soirée mais j'arrive un peu trop tardivement pour apprécier la totalité de son set. Juste le temps de deux morceaux dans un registre purement électro, cinématographique et mélancolique devant une audience compacte qui se laisse volontiers convaincre.
ANNA VON HAUSSWOLFF
Si je n'ai eu que des bons échos de ses prestations live, j'avais même quand même une légère appréhension surtout avec quelques dates enchainées auparavant et un faux départ (problème de câblage qu'elle règle avec le sourire) mais dès que je reconnais "The Truth, The Glow, The Fall" je suis très vite charmé. Déjà par cette voix, que certaines mauvaises langues auraient pu imaginer trafiquée en studio, est hallucinante de justesse et d'émotion. Une certaine atmosphère "pop baroque" agréablement désuète règne sur ce morceau avant de devenir plus évanescente et embrumée ce qui permet de mentionner le backing band qui l'entoure (2 guitaristes, 1 bassiste, 1 batteur, 1 claviériste) qui a l'air très aguerri avec des techniques que je n'avais jamais vues en live comme les archets pour les guitares et la basse.
L'instrumental "The Marble Eye", également tiré du nouvel album, met à l'honneur l'orgue électronique d'Anna Von Hausswolff placé au centre de la scène et le son qui s'en échappe est assez sensationnel donnant ainsi une touche de solennité avant que, sur le plus inquiétant "Pomperipossa", resurgisse la voix merveilleuse et cristalline de l'artiste suédoise.
Avec l'intégralité de « Dead Magic » joué ce soir, ça donne du relief à mon ressenti global de l'album qui se révèle tout sauf un produit studio. Il y a un souci du détail vraiment admirable et aucun sample, même un bruit de chaîne sera réellement joué par le batteur. J'ai du mal à décrocher tant je trouve son univers immersif. Le sommet du concert sera surement atteint par le ténébreux "Ugly and Vengeful" étrange et inquiétant, avec la voix d'Anna qui se veut plus fantomatique au début du morceau avant de prendre le dessus. La voix s'éteint comme une brume qui se dissipe et la montée qui suit est monumentale, m'évoquant Swans dans ses travaux les plus drone. Une rythmique tribal se met en place et je suis pris en transe à l'image de la suédoise intenable derrière son orgue. Quelle intensité pour un morceau fleuve de 17 minutes ! Une transe accompagnée des cris de Banshee de la suédoise, totalement habitée.
Sorcière ? Prêtresse ? Banshee ? Je ne sais pas mais tout ce qui me désolera pendant ce concert c'est le comportement de certains spectateurs, dont surtout un très lourd et insistant (des I love you à répétition et un comportement malaisant) vis-à-vis de la chanteuse et musicienne. Même si elle a beau prendre ça avec humour (elle lui dédie avec malice "The mysterious vanishing of Electra"), je trouve que c'est vraiment un comportement irrespectueux à bannir dans les salles de concert (et ailleurs bien entendu). Ce qui parait évident mais... Je sais que c'est le genre de problème qu'on peut avoir avec ce genre de public varié et random qui a un peu trop tendance à se croire dans son salon devant une série télé ou une vidéo youtube mais qu'ils y restent, dans leur salon. Bref...
Pas de quoi non plus gâcher cette incroyable perfomance gorgée de sincerité, et je ne pense pas être excessif. Morceau-phare du nouvel album, Anna délaisse son orgue pour une guitare sèche avec le lent et heavy "The mysterious vanishing of Electra" dans lequel sa technique vocale est encore bluffante. On la verra aussi jouer de l'harmonica sur le plus ambiant "Källans återuppståndelse". Autre grand moment du concert, la doublette "Come wander with me/Deliverance", extrait de « The Miraculous » (2015). La première partie acoustique étant une reprise de Jeff Alexander, un compositeur américain plus connu outre-atlantique pour ses musiques de films et de séries. "Come Wander with me" avait justement été utilisé pour la série The Twilight Zone de 1959. Un morceau aussi beau et puissant émotionellement qu'associé avec "Deliverance", Anna Von Hausswolff en fait un de ses incontournables. Il y a quelque chose d'obsédant et les différentes montées en puissance sont jouissives et d'une redoutable intensité avec son solo aussi déchirant que la voix d'Anna qui ne cesse de m'impressionner.
Si elle et son groupe se retirent sous les applaudissements nourris, ils reviennent quelques minutes après pour un rappel. Anna va se mêler au public qui lui ouvre un passage et, quasi a cappella, chanter un morceau que je ne connaissais pas (une reprise ?) et dont je suis incapable de trouver la source : "The Mirror" (ou "Gösta"). Un morceau acoustique très émouvant et touchant avec un feeling très optimiste qu'elle chante en marchant et en fixant chaque regard qu'elle croise. Je peux dire que c'était vraiment surprenant et frisonnant comme moment. D'autant plus que c'est un exercice pas si simple et qu'elle reste très juste vocalement. Heureusement, ce moment ne sera gâché par personne et c'est sur cette touche de douceur que se referme ce concert.
Petite par la taille, Anna Von Hausswolff est immense par le talent. Voilà une soirée inoubliable chargée en intensité et en émotion, entre pop, gothic folk et drone que j'ai eu du mal à décrire tant de sentiments et de réflexions se sont bousculés en moi mais je retiens surtout une artiste à part entière qui sait s'entourer et en imposer par sa présence. L'aura qui se dégage d'elle est peu ordinaire. Une expérience unique...
Pour les absents et en attendant une nouvelle tournée, découvrez ou redécouvrez « Dead Magic ». Puisse cette voix vous hanter comme elle me hante...
Setlist
The truth, the glow, the fall
The marble eye
Pomperipossa
Ugly and vengeful
Källans återuppståndelse
The mysterious vanishing of Electra
Come wander with me/deliverance
The mirror