Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Triple album monolithe de plus deux heures, Eons m'avait fasciné lorsque je l'avais découvert fin 2020. Aux confins des genres, mélangeant jazz, drone, musiques rituelles et ambiances spatiales, le collectif belge n'avait pas ménagé ses efforts pour produire quelque chose de totalement idiosyncrasique : tout dans cet album fonctionnait presque contre toute attente et en même temps tout était difficile à engranger, digérer, absorber et comprendre. Quelques temps avant leur passage extraordinaire au Roadburn Redux et leur performance Set Chaos to The Heart of Moon, le collectif sortait son second effort chez I, Voidhanger Records, une sorte de composition étendue du morceau titre de leur premier EP, enregistré en condition live et intitulé Solar Drone Ceremony.
Avec son unique titre d'une cinquantaine de minutes, l'album a en effet l'allure d'une cérémonie. Celle, inquiétante, érotique et archéo-futuriste de la pochette ? Fort possible. Une cérémonie qu'il est en tout cas recommandé d'écouter sans autre activité parasite, afin d'en saisir les nuances, les progresssions et les mouvements. Impossible de s'immerger pleinement sans se poser à l'écoute des huits premières minutes de drone profond et discret qui ouvrent l'œuvre. Impossible de se sentir partir dans les méandres d'un rituel dont on ne connaît pas les enjeux sans en respecter les règles tacites, que l'on doit découvrir soi-même. Et c'est tout ce qui fait le sel d'un tel projet : apprendre à maîtriser des codes nouveaux, parfois perturbants, un véritable travail d'écoute active et totale. Lorsque les premiers mouvements rythmiques perceptibles, étranges et instables, se mettent en place autour d'un saxophone encore magmatique, on sent que l'on va enfin quelque part et qu'il est important d'y aller, quelle que soit la raison derrière. Tout dans la musique de Neptunian Maximalism est énigme et questionnement sans réponse claire. Et c'est bien là toute sa force.
Si Eons avec ses multiples titres créait une toile labyrinthique où il était plaisant de se perdre, Solar Drone Ceremony vous prend davantage par la main, vous accompagne avec montées en intensité et crescendo de rigueur, mais sans jamais vous donner la moindre indication quant au prochain paysage que l'on rencontrera et encore moins quant à la destination finale. Il faut accepter de se laisser aller sans autre promesse que de parcourir des terres nouvelles et inconnues, d'où des consciences primitives émergent, et vers où notre propre conscience voudrait parfois peut-être revenir. Pourtant il ne faut pas s'y tromper, toute improvisée que puisse paraître cette cérémonie, il est néanmoins clair que ceux qui tiennent les instruments savent où ils vont et comment y aller, avec quels effets, quels instruments, quelles incantations et quelles invocations. D'une manière inattendue et peu conventionnelle, la place du saxophone (baryton ou sopranino, double extrême) est centrale : il se positionne dans le mix comme un liant entre les vibrations drones des guitares et basses et les aspects rythmiques des percussions, en même temps qu'il fait écho aux voix et aux mélodies qui s'inscrivent de temps à autres.
Je pourrais tenter d'écrire plus longuement sur cette exceptionnelle pièce musicale, intriguante et absorbante en tout point, sans jamais parvenir à rendre justice à sa richesse et sa complexité. Il en va de même pour bon nombre de projets expérimentaux et inclassables : une écoute (plusieurs, définitivement plusieurs, voire même beaucoup) restera le seul moyen de savoir de quoi il est question au juste. Et croyez-moi, vous ne serez pas déçu.
Tracklist de Solar Drone Ceremony:
01. Solar Drone Ceremony