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dimanche 3 mars 2024

Napalm Death + Master + Primitive Man + Wormrot @ Montpellier

Victoire 2 - Montpellier

Sleap

Live reporter et chroniqueur occasionnel dans divers genres (principalement extrême).

Sleap : « Strange… not at Secret Place », ce seront les premiers mots lâchés par Barney Greenway, vocaliste de Napalm Death, lors du show de ce soir. En effet, après d’innombrables concerts des Anglais à la Secret Place, la date du jour se déroule dans une salle voisine. Toujours à Saint-Jean-de-Védas, il s’agit cette fois-ci de Victoire 2, lieu culte des concerts montpelliérains, mais qui avait étrangement délaissé les musiques extrêmes ces dernières années. C’est donc une joie de voir à nouveau s’associer les équipes de la TAF et de V2 pour nous proposer ce si beau plateau !

 

En plus des rois du grindcore, l’affiche est complétée par les mastodontes américains (dans tous les sens du terme) Primitive Man et les épileptiques singapouriens Wormrot. La tournée devait initialement comporter Biermacht – une reformation exclusive du line up original de Wehrmacht, culte combo de crossover US – mais, pour d’obscures raisons, le groupe sera contraint d’annuler sa venue à la toute dernière minute. C’est ainsi que Master, un autre cultissime vétéran américain – du death metal cette fois – viendra remplacer Biermacht au pied levé. La soirée n’affiche pas sold out, mais les metalheads et autres punks sont tout de même nombreux à s’être déplacés.

 

Wormrot

Si un jour on m’avait dit que Wormrot jouerait deux fois chez moi en moins d’un an, je n’y aurais pas cru. Mis à part la fameuse date (avec la chèvre Biquette !) à la ferme de Mauriac il y a plus de dix ans, le trio de Singapour ne passait pas souvent dans nos contrées. Mais depuis qu’Arif a lâché le micro pour se consacrer pleinement à son travail d’illustrateur de pochettes d’albums, il est devenu plus simple pour Wormrot de se produire en Europe. En effet, c’est le vocaliste allemand Gabriel Dubko (de Implore) qui assure désormais le chant en live. Et même s’il n’arrive pas à la cheville d’Arif, le gaillard sait tenir une scène !


Naht photographie © 2024

Malheureusement, comme pour la date de 2023 à la Secret Place, je serai fort déçu de la setlist. Celle-ci se concentre maintenant exclusivement sur les deux derniers albums que je n’apprécie pas des masses. Plus aucun morceau d’Abuse ou de Dirge… Heureusement, cela n’empêche pas le public de se prendre au jeu. Même si la salle n’est pas encore blindée, les fans se rentrent déjà dedans au milieu de la fosse. Ce n’est pas souvent qu’un groupe d’ouverture arrive à remuer autant les spectateurs, même peu nombreux, mais Wormrot est évidemment rompu à l’exercice. Bien que je ne sois pas friand des morceaux joués, la prestation des (semi-)Singapouriens reste impeccable. Mention spéciale au jeu ultra-intense du batteur. La puissance de sa frappe fait voler en éclat plusieurs baguettes, et il arrête même certaines pêches de cymbales avec le tranchant de la main ! Je reste sur ma faim quant à la setlist, mais ce premier concert de la soirée reste évidemment fort plaisant à voir.

 

Primitive Man

C’est déjà le troisième passage de Primitive Man à Montpellier, à chaque fois dans une nouvelle salle, mais toujours avec des groupes à l’opposé de son style. Après Magrudergrind en 2016, c’est maintenant au plateau death et grind de ce soir qu’ils viennent se greffer. Mis à part avec des groupes plus noise et expérimentaux comme Full of Hell, j’ai toujours du mal à comprendre ces choix de tournées. En effet, le sludge doom de Primitive Man est loin de pouvoir fédérer un public comme celui de Napalm Death, Master ou Wehrmacht, bien plus régressif et conservateur que les hipsters tatoués qui constituent sa fanbase habituelle. Et malheureusement, nous allons une nouvelle fois en faire l’âpre constat…


Naht photographie © 2024

Alors que débute le set des Américains, la moitié du public quitte la salle. Et hormis une poignée de fans et quelques curieux, peu de gens semblent réceptifs à ce riffing pachydermique. Pour ma part, même si j’apprécie la formule du trio de Denver, je ne parviens pas spécialement à rentrer dedans ce soir. Le placement entre la musique effrénée de Wormrot et les deux vétérans old school qui suivent ne permet pas une immersion idéale dans l’univers de Primitive Man. Cependant, le duo bassiste et guitariste/chanteur est toujours aussi impressionnant à contempler. Aussi larges que hauts, les deux colosses se font face de part et d’autre de la scène, avec chacun un rig/console sur pied qu’ils manipulent de temps à autre. Leur sludge doom est effectivement teinté de nombreuses expérimentations électroniques et bruitistes. Là encore, cela marche bien dans une salle comme le Black Sheep – et le plateau qui va avec –, mais difficile d’accrocher aujourd’hui. Je me contente donc d’observer les deux mastodontes, et en particulier le guitariste/vocaliste et ses yeux révulsés. Son growl abyssal et la manière dont il tient sa guitare (qui parait si petite entre ses mains de géant) le rendent presque menaçant. Les quelque cinq ou six titres joués contrastent d’autant plus avec les dizaines de morceaux que Wormrot vient de nous asséner. À revoir, on l’espère cette fois, sur un plateau adéquat…

 

Master

Cela faisait dix ans depuis mon dernier concert de Master, en compagnie d’Entrapment à Toulouse. Et le frontman Paul Speckmann arbore justement un t-shirt du combo néerlandais lors du show de ce soir. Nous étions nombreux à douter de la qualité de la prestation car cela fait déjà plusieurs années que le Père Noël du death metal se fait vieux – eh oui, soixante ans dont quarante consacrés au death metal ! Ça force le respect, mais la fatigue se faisait de plus en plus ressentir sur scène, que ce soit avec Master ou son alter ego Death Strike. J’avais également peur que tous les coreux et autres moshers inconscients soient toujours dehors à attendre la tête d’affiche, mais certains d’entre eux remettent heureusement les pieds à l’intérieur. En effet, c’est justement grâce au public que ce concert va passer comme une lettre à la poste.


Naht photographie © 2024

Certes, les morceaux se ressemblent tous, certes les vocaux yaourts de Speckmann ressemblent plus à un grommèlement de Lemmy en fin de soirée qu’à du death growl, certes le son pourrait être meilleur, mais qu’importe ! Les fans répondent présents et tout le monde s’éclate dans la fosse pendant cette quarantaine de minutes. Bien qu’on ait droit aux classiques du premier album, comme le titre éponyme en ouverture ou encore « Pay to Die » et « Mangled Dehumanization » en fin de set, il me manque tout de même quelques friandises (« The Truth » ou « Funeral Bitch » pour ne citer qu’eux). D’autre part, le d-beat qui parcoure la quasi-totalité des compos sonne tristement plat ce soir. Je ne sais pas si c’est dû aux triggers ou simplement au jeu du nouveau batteur, mais je déplore une certaine monotonie… En revanche, cela ne semble pas affecter l’audience le moins du monde. La fosse aura été presque aussi énergique que pour Wormrot, et c’est finalement tout ce qui compte !

 

Napalm Death

Je dois en être à une quinzaine de concerts de Napalm Death (dont une bonne moitié chroniquée dans ce zine) alors je vais tenter de faire court. Abordons tout d’abord les déceptions, et la principale en premier lieu : Shane, le bassiste historique, n’est pas là. Même si son remplaçant se débrouille plutôt bien, j’ai l’impression d’assister à un tribute band. Entre ça et le guitariste – remplaçant Mitch Harris en live depuis bientôt dix ans –, je ne sais pas où me mettre. En effet, John Cooke manque d’un certain charisme, et ses backing vocals sont toujours aussi pénibles. Et que dire de Danny Herrera derrière les fûts… Certes, il tient ce poste sans faillir depuis plus de trente ans, mais on le voit de plus en plus galérer sur certains passages blastés. D’autre part, la setlist n’est – là encore – pas à mon goût. Je sais, je me répète, mais mis à part une ou deux raretés de la période 1989-1990, je ne trouve guère chaussure à mon pied. Et les nombreux morceaux du dernier album avec leurs passages lents et leur voix claire ne m’accrochent vraiment pas…


Naht photographie © 2024

Mais passons sans plus attendre aux points positifs. Bien évidemment, Napalm Death reste Napalm Death, à savoir un groupe taillé pour le live. Ce n’est pas pour rien qu’il est de loin le combo punk/metal extrême le plus facile à voir sur scène, ça ne s’arrête jamais de tourner ! Et l’épileptique Barney mène toujours aussi bien la barque du haut de ses 54 ans. Ses speechs se font plus courts qu’auparavant, mais il conserve néanmoins cette aura particulière – rehaussée par un magnifique t-shirt Anti Cimex (oui, j’étais obligé de le mentionner). Au-delà de ça, c’est toujours un bordel monstre dans le public : le pit est presque aussi large que la scène, et les stage dives sont innombrables. Je ne résiste pas moi-même à faire un tour dans cette fosse aux lions lors d’une triplette « Suffer the Children » / « Mass Appeal Madness » / « Scum » particulièrement intense ! En bref, on aura beau râler sur le line up, la setlist, le son ou le jeu des musiciens, on reviendra toujours voir Napalm Death sur scène. C’est ce qu’on appelle très justement une valeur sûre. À la prochaine !

Un grand merci à la TAF et à la salle Victoire 2 pour cette énergique soirée !
Et merci beaucoup à Naht pour les photos : Portfolio | Facebook | Instagram