Raton et la bagarre #23
samedi 16 septembre 2023Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.
Vous avez passé l'été à soigner votre teint ou à cacher votre épiderme du soleil parce que vous avez craqué pour un énième tatouage ? Quoiqu'il en soit, vous n'avez pas consacré toute votre énergie à suivre l'actualité de la scène hardcore et vous avez peur d'avoir loupé des pépites ? Vous angoissez même (à raison) de découvrir le next big thing après tout le monde ?
Ne vous inquiétez plus, Raton est de retour pour vous permettre de rester cool et de maintenir une cred' intacte dans la scène. Et pour vous donner le loisir de cancaner sur le dernier break à la mode, je n'ai pas chômé et vous ai préparé une coquette sélection de 13 disques variés et dignes d'intérêt. La palette est complète, du hardcore vieille école au metalcore sanguinolent, avec plusieurs arrêts au stand mathcore et même des petites pauses screamo et powerviolence. Et pour vous aider à tout suivre, la playlist Raton et la bagarre a été actualisée. Bon appétit !
Better Lovers | Paerish | Move | Chamber | Headbussa | OLTH | Restraining Order | Blood Runs Cold | World Peace | Johnny Booth | Big Boy | Witness Chamber | Hazing Over | Mentions bonus
Better Lovers – God Made Me an Animal
Metalcore / Mathcore – USA (SharpTone)
Si vous suivez cette rubrique, il y a de bonnes chances que vous fassiez partie des personnes endeuillées par la séparation soudaine de Every Time I Die, début 2022. Le groupe a marqué sa génération et est encore de ceux qu'on reconnaît aux premières notes. Pourtant, sa fin, en raison de tensions entre le chanteur Keith Buckley et le reste des musiciens, dont son frère, a laissé une note amère dans la scène. Vous serez donc peut-être enthousiastes à l'idée de découvrir le prochain chapitre, intitulé Better Lovers. Composé de tous ses musiciens, à l'exception de Andrew Williams, qui est parti se consacrer entièrement à sa carrière de catcheur, et logiquement de Keith Buckley. Mais ils n'ont pas été remplacés par les premiers venus : Will Putney de Fit for an Autopsy et END prend la deuxième guitare et ce n'est ni plus ni moins que Greg Puciato de feu The Dillinger Escape Plan qui s'installe derrière le micro.
Dès les premières notes, on comprend très bien où le projet souhaite en venir : Better Lovers sera la continuité logique et spirituelle de ETID. L'instru conserve cette saveur unique, entre le metalcore chaotique et les riffs groovy sudistes. On y retrouve cette même créativité et la polyvalence intelligente qui a contribué au succès d'ETID. Néanmoins, avec une instru autant dans le prolongement de ce qui l'a précédée, on ne peut que juger le chant de Puciato à l'aune du talent de Keith Buckley. Et à titre personnel, je trouve qu'il n'atteint jamais la force évocatrice du fameux phrasé de Buckley. Néanmoins, il apporte des variations intéressantes, comme sur le refrain de « Sacrificial Participant » et ses intonations très Mastodon-esque.
On comprend rapidement que cet EP surprise est un showcase de ce que pourra faire le groupe dans le futur. Les quatre morceaux sont variés et n'entretiennent pas une cohérence particulière entre eux. Ça ne les empêche pas d'atteindre des sommets : l'équilibre entre agressivité et mélodie de « Sacrificial Participant » est habile, le break de « Become So Small » est redoutable, et « 30 Under 13 » a tout du grand morceau live. Je retiens surtout le morceau titre, sacrée bûche qui trouve un meilleur équilibre entre l'héritage ETID et une nouvelle proposition mathcore. Puciato y est plus à l'aise car il est davantage dans la création que dans une étrange émulation. Assurément un des EP de l'année, mais, pour ma part, je garde des réserves et attends l'album pour considérer la pertinence du projet et juger s'il s'agit d'une curieuse itération ou d'une véritable nouvelle pierre dans l'exploration sonore des compères de Buffalo.
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Paerish – You're in Both Dreams (And You're Scared)
Grungegaze (?) – France (SideOneDummy)
Il y a deux ans, j'enchaînais les compliments pour vous narrer ma rencontre avec Fixed It All, le deuxième né de Paerish. Un disque complet, bourré de toplines folles et de décharges de saturation poétique, stylistiquement perdu entre le rock alternatif, l'emo, le shoegaze et le post-hardcore. Un fourre-tout loin d'être incohérent car déjà exploré par toute une scène qui traîne plusieurs sobriquets, de grungegaze à tumblrcore ou emogaze, ainsi que des groupes loin d'être inconnus : Title Fight, Turnover, Narrow Head, Basement ou encore Citizen.
Dès l'intro du disque, on se fait cueillir par l'apaisant « Sequoia » dont la sérénité réverbérée permet de tisser le cocon de nostalgie ouatée que sera l'écoute du troisième album des Parisiens. On sent rapidement que Paerish a doublé la dose sur les influences alternatives (shoegaze, dream pop, grunge) et que l'instantanéité emo-pop de Fixed It All s'éloigne nettement (même si « Worry » maintient le quota). On conserve toutefois cet amour pour les refrains marquants avec des petites merveilles accrocheuses sur « Still There » ou « Houses of American Style ». Ce troisième LP, produit comme le dernier par le très grand Will Yip (Paerish est le premier groupe européen à réussir cet exploit), sait se faire plus doux, plus langoureux (le radieux « Brian Wilfuzz ») que son prédécesseur. Il s'amuse aussi à varier les plaisirs, en incorporant de nouveaux éléments ici et là comme des cuivres brûlants sur « The Luck You Had » ou un solo californien sur « Worry ». Il sait également retrouver le chemin des influences hardcore de la scène avec des riffs puissants sur « It Only Bothers You » ou « Still There ». S'il était encore à prouver, le talent d'écriture de Mathias, guitariste-chanteur, est déployé à la vue de tous-tes et j'espère que ce nouveau disque permettra au groupe de bénéficier de l'attention qu'il mérite grandement. L'été a beau être fini, Paerish vous fait l'extraordinaire cadeau d'un soleil portatif avec You're in Both Dreams. Vous en avez de la chance.
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Move – Black Radical Love
Metalcore / Beatdown – USA (Triple B)
Vu la mandale metalcore que j'avais prise avec l'EP précédent, je m'attendais vraiment à ce que Black Radical Love ait le potentiel d'un album de l'année. D'autant plus qu'une véritable émulation s'est créée autour du hardcore afro-américain avec un message politique anti-raciste avec le succès de Jesus Piece et surtout Soul Glo. D'un coup d'un seul, le projecteur a été braqué sur Buggin, Zulu, Move ou Thirdface. Je me demande toutefois si cette médiatisation subite n'a pas contribué à forcer les groupes à sortir un album au plus vite, quitte à livrer un produit manquant de maturité. Si ce n'est pas le cas pour Buggin, qui a sorti une belle pépite, ça l'est davantage pour Zulu. Et Move semble partir dans la même direction.
A la première vue, l'album est pourtant costaud du haut de ses 26 minutes et de ses nombreux feats (Aaron Heard de Jesus Piece, Christine Cadette de Zulu, ou Kayla Phillips de Bleed the Pigs). Pourtant malgré les écoutes, difficile de passer au-dessus du manque de régularité et de l'inconsistance des compositions. L'impression de passer constamment de singles à des chutes de studio est très déstabilisant, alors pourtant qu'il y a de vrais bons moments sur le disque. L'intro sur « Double Death » est une déflagration, le break de « Trojan Horse » est formidable et le morceau de cloture, « Black Radical Love » est un hymne militant rythmé, brutal et impérieux. Dans ces dernières minutes et disséminées à travers l'album, des personnes proches du groupe décrivent ce qu'est pour eux le « black radical love » dans une perspective politique radicale et révolutionnaire. On pense évidemment à Zulu dans l'usage du sample militant, mais ce serait réduire une pratique extrêmement courante dans la musique afro-américiane depuis des décennies. Alors que le groupe tire son nom d'un mouvement révolutionnaire écologiste, non-violent et lié au Black Power, ce n'est pas étonnant de constater le caractère pamphlétaire anti-capitaliste et anti-raciste des paroles (mention spéciale pour « Double Death » sur le traitement des violences policières).
Malgré ces fulgurances et la pertinence du propos politique, on se retrouve aussi avec des résultats plus étranges comme sur « Ode to the Pit », morceau doté d'une instru correcte mais dont le chant et les paroles sur la joie dans le pit sont tellement cringe qu'il casse toute la dynamique de l'album. Pareil sur les mollassons « Comrade » et « 1,000,000 Experiments », ou sur le mixage très inégal, notamment dans le volume des samples. J'espère vraiment que Move pourra prendre davantage de temps pour sa prochaine publication et resserrer son propos autour de ce qui rend le groupe vraiment puissant, du chant écorché de Corey (qui semble être un mélange entre Pierce Jordan de Soul Glo et Russ de Magnitude) à la force politique de son message. Car Move a indéniablement la possibilité d'être grand.
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Chamber – A Love to Kill For
Mathcore / Metalcore – USA (Pure Noise)
Si vous lisez régulièrement les Bagarres, ce n'est pas la première fois que vous voyez le nom de Chamber. Leur très bon premier album était couvert dans le numéro 7 et j'évoquais leur dernier EP dans les mentions du numéro 16. Cette assiduité n'a rien d'étonnant car le groupe du Tennessee a de quoi devenir une des courroies principales de son style dans les années à venir. Synthétisant le mathcore frénétique et le metalcore furibond, Chamber n'a pas encore fait le moindre pas de côté discographique.
Sur ce deuxième album, « Retribution » annonce d'emblée la couleur avec une facilité déconcertante. Le morceau incarne parfaitement ce point de convergence entre le mathcore noble de The Dillinger Escape Plan, celui plus scene de Norma Jean première époque, et le metalcore chaotique actuel, de Vein.fm à Sanction. Le groupe fait aussi appel à la scène metalcore actuelle avec deux feats costauds : Matt Honeycutt de Kublai Khan sur « Devoured » et Matt McDougal des formidables Boundaries sur « To Die in the Grip of Poison ».
La recette est au fond assez classique - panic chords, chugs (riffs syncopés en palm mute), changements de rythme constants, breaks dissonants - mais Chamber la maîtrise les yeux fermés. De l'interprétation au mixage en passant par la digestion des influences et les arrangements, A Love to Kill For a tout d'une leçon. L'album est fun, digeste et abouti et confirme tout ce que je pressentais pour Chamber.
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Headbussa – Vengeful Mind
Beatdown / Metalcore – France (auto-prod)
À ma France qui ne sait pas lacer ses chaussures, un nouvel évangile a été révélé. Paris Hardcore did it again et nous voici avec un nouveau disque pour se taper dessus façon commotion cérébrale dans la cave du Klub ou entre les piliers du Glazart. Représentants mécontents du negative hardcore, auto-qualifiés de Paris Fight Music, l'objectif de Headbussa est annoncé : faire autant de boucan que de points de suture.
L'EP nous cueille avec un sample d'Une nuit en enfer : « Don't you ever try and fucking run on us, because I got six little friends and they can all run faster than you can » et comme si le message n'était pas assez clair, les Parisiens invitent leur compère Tonio, chanteur chez les grands vilains de Take It in Blood. D'ailleurs, on retrouve quelques usual suspects dans le line-up, notamment avec Émile et Hugo de Worst Doubt.
Musicalement, sans surprise, on est sur du metalcore cogneur qui rappellera les grandes heures du banditisme en marcel quelque part entre Neglect, le K-word et Never Ending Game. Le tone de guitare est collant et pâteux, la caisse claire est aussi tendue qu'un bidon après un tacos 3 viandes et le chant est sourd et éructif. Alors autant vous dire que les breaks ne font pas de cadeaux, comme l'excellent brise-nuques sur « Martyrs » pendant lequel Loïc continue à chanter. Suffisamment de raisons pour tendre les biscotos et se lancer dans 11 minutes d'aérobic criminel.
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OLTH – every day is sOmeOne's special day
Emoviolence – USA (Zegema Beach)
Probablement parmi mes sous-genres préférés, l'emoviolence (l'approche screamo avec l'agressivité de la powerviolence) produit peu mais nous a récemment habitué à de la très grande qualité : Nuvolascura, Piri Reis, Blind Girls, Yearning, Naedr...
C'est au tour des New-Yorkais de OLTH de rejoindre ce firmament avec une toute première sortie incandescente de talent. Every Day Is Someone's Special Day est une mandale absolue de maîtrise du hardcore émotif, délivrée avec une irrévérence adolescente. Varié comme rarement, l'album déploie en 20 minutes une palette d'émotions, de dynamiques et de rythmes fascinante. Impossible pour moi de ne pas penser à Orchid pour la richesse de composition, Love Lost But Not Forgotten pour les cris d'oiseau en guise de chant ou Infant Island pour la science de l'atmosphère. Tantôt métalliquement chaotique, tantôt grandiose, cet album est une tornade stridente et insolente qui démontre tout ce que le screamo a encore à offrir, plus de 20 ans après son premier âge d'or.
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Restraining Order – Locked in Time
Hardcore – USA (Triple B)
Restraining Order avait fait grand bruit dans la scène hardcore il y a déjà quatre ans avec This World Is Too Much, album puissant et gonflé d'une passion sincère pour le hardcore à l'ancienne, celui qui fait touka touka et qui enchaîne les two-steps. Pourtant, Restraining Order prend une dimension encore plus saisissante en live où le groupe déchaîne tous les enfers pendant des sets fiévreux (certains-es se souviendront de leur set zinzin à l'ESS'pace avec Magnitude en juillet 2022).
L'idée d'un deuxième album pose donc question : fraîcheur et intensité seront-elles toujours au rendez-vous ? La réponse est un oui enthousiaste et solaire. Restraining Order ne vient pas avec l'intention de bouleverser l'ordre établi du punk, il se contente de déballer un hardcore qui porte l'ombre de grands noms, d'Agnostic Front à Slapshot. Et c'est largement suffisant ; on pensera d'ailleurs aux autres groupes actuels du style comme Warfare ou The Fight et Maniac (qui partagent d'ailleurs des membres avec RO). Avec une simplicité désarmante, le groupe du Massachusetts enchaîne les morceaux secs et furibards, à l'image de « Fight Back », titre du disque à mes oreilles (son groove garage me fait penser aux Chats). Il y a aussi de belles surprises, comme sur le morceau éponyme et son instru acoustique curieusement mélancolique. Mais surtout vous savez que dans cette rubrique il n'y en a pas tant que ça des albums qui vous donnent envie de tout sauf de tirer la tronche, alors profitez de celui-ci.
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Blood Runs Cold – Blood Runs Cold
Metalcore – USA (DAZE)
Habile et attentif, je vous avais parlé de Blood Runs Cold dès la sortie de leur première démo promo. Après, ça ne fait pas de moi l'équivalent musical d'un chercheur d'or parce que BRC promettait déjà beaucoup avant même le premier disque avec un line-up prestigieux composé de Joey Chiaramonte de Koyo et Typecaste et de membres de Sanction et The Fight.
La recette du groupe est maline : suffisamment régressive pour s'en bâfrer mais suffisamment référencée pour pouvoir s'en gargariser. C'est un hardcore ultra métallique blindé de breaks vicieux, autant biberonné aux riffs de Slayer et All Out War qu'à toute la nouvelle scène old school metalcore américaine de Ends of Sanity à Rain of Salvation ou encore l'écurie Ephyra (Adrienne, Balmora, Since My Beloved...). Même si on sent quelques influences dans certains leads mélodiques de guitare, Blood Runs Cold reste dans la musique de gros singe qui se tape le poitrail. L'ambiance est noire, haineuse et viscéralement furieuse, mais elle est surtout portée par une interprétation irréprochable. Le duo de guitares marche à merveille avec une production généreuse mais qui conserve l'agressivité primitive des riffs et Dillon Perino (Sanction) fait des prouesses d'intensité derrière ses toms. Une belle régalade qui comblera les nerds de l'époque où le metalcore révisait encore assidument ses gammes thrash metal.
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World Peace – It Is Written
Powerviolence – USA (Twelve Gauge)
Nouvelle étoile montante de la scène powerviolence, World Peace avait déjà eu droit à une pastille dans la Bagarre #9. Le groupe présente un particularisme curieux : il ne comporte pas de guitariste et concentre son agression sur chant-basse-batterie. Du fait des caractéristiques de la basse, c'est de la powerviolence rampante, souvent mid-tempo loin des pétarades cacophoniques de la partie plus grind de la scène (Magrudergrind, Dead in the Dirt ou même Nails). Ça donne lieu à des passages vicieux de groove comme sur « Gnostic Reform » ou « Vows of the Grand Schema ». Du côté du chant, c'est dans la pure lignée powerviolence en étant bien plus inspiré par la tradition hardcore hurlé que par le growl qui constitue la norme dans le grindcore.
Dans la mesure où tous les morceaux répondent plus ou moins à la même recette - larsens, éruption grind, mid-tempo à la basse - avec seulement trois d'entre eux qui dépassent les 45 secondes, It Is Written est un album dont on fait vite le tour et où je ne retrouve pas tout à fait la hargne du précédent. Il n'en reste pas moins un fier émissaire de son style et a le grand mérite de pousser son original parti-pris jusqu'au bout.
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Johnny Booth – Moments Elsewhere
Metalcore / Post-hardcore – USA (auto-prod)
Je n'avais jamais entendu parler de ce groupe avant l'écriture de cette Bagarre. Pourtant, le projet new-yorkais avait fait quelques étincelles avec la sortie de son deuxième LP, Firsthand Accounts, en 2019. On sent un groupe créatif, ambitieux et dont la vision du metalcore a été réfléchie. Le principal atout du groupe semble résider dans la voix polyvalente, talentueuse et expressive d'Andrew Herman, même si l'instrumentation n'est pas en reste.
A l'écoute du disque, on capte rapidement qu'il possède deux faces assez hétérogènes. La première, metalcore pressé et bouillonnant, rappelle sans équivoque Norma Jean, Greyhaven ou Every Time I Die, que ce soit dans les intonations (« Only by Name » est un juste milieu entre Keith Buckley et Cory Brandan) ou dans les plans de guitare. La seconde, moins présente, dévie vers un post-hardcore alternatif en chant clair, dans l'héritage du post-BMTH. Je ne vais surprendre personne en disant que cette seconde facette ne me convainc pas du tout et ne fait que casser la dynamique accumulée par les parties plus agressives. Car Johnny Booth maîtrise clairement son propos mais essaie trop de reproduire tous les codes stylistiques tendance. Dans cette grande diatribe de 40 minutes, j'ai du mal à trouver la sincérité qui me parle, autant dans le metalcore chaotique que dans le post-hardcore plus charts-friendly. Moments Elsewhere est une démonstration de talent, mais que je ne peux m'empêcher de trouver froide et factice.
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Big Boy – Spring Promo 2023
Beatdown – USA (DAZE)
Si vous avez été attentif-ve aux mouvements de la scène, peut-être que le nom de Big Boy ne vous est pas inconnu. Et pour cause, le groupe a bénéficié d'une attention, certes underground mais non moins assidue. D'une part parce que le quatuor vient de la région de San Jose, en Californie, foyer de Sunami, Drain et Gulch (les deux derniers viennent de Santa Cruz, juste à côté) et partage des membres avec les stars locales (le chanteur est aussi celui de Sunami et le guitariste officiait dans Hands of God). D'autre part, parce que Big Boy a repris le beatdown à sa source. Pas de fioritures métalliques, pas de slam outrancier, juste du vrai hardcore mid-tempo de voyou.
Avec ce troisième EP, Big Boy ne réinvente pas sa propre recette et ne répond pas aux sirènes de la technicité. C'est basique, primaire et instantané, mais en quoi serait-ce un problème dans le beatdown ? Un chant scandé énergique et un break par morceau peuvent suffire pour faire un EP solide dans le style. Rythmé et pertinent, ce quatre titres est un concentré de simplicité joviale et de mosh parts balourdes.
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Witness Chamber – True Delusion
Metalcore – USA (DAZE)
Avis aux nerveux-ses de hardcore métallique, le label DAZE va encore vous régaler d'une sortie prometteuse en l'objet du deuxième EP de Witness Chamber. Le groupe, straight edge, de l'Idaho se vautre dans le metalcore sombre et négatif aux breaks de tempête avec six morceaux d'une âcreté et d'une amertume malsaines.
Produit avec soin par les usual suspects Taylor Young, Nick Townsend (responsable du mastering chez Fleshwater, Militarie Gun ou No Pressure) et Ryan Morgan (Misery Signals, 7A7P), True Delusion se trouve quelque part entre le negative hardcore et le metalcore straight edge noir. Aucune surprise de voir que le groupe citeKickback, Foundation et All Out War (mais aussi Dying Fetus et Underoath) parmi ses influences principales. Le chant de Chad Pingree emprunte d'ailleurs davantage au metal extrême qu'au hardcore avec un son profond et graveleux. Les gourmets pourront aussi se régaler de la présence vocale de la grande Jess Nyx (Mortality Rate, World of Pleasure) et de Maximus Hall (Ego Death). Mais ce qui fait le talent de ce deuxième EP c'est la science des riffs qui y est étalée. Les progressions sont fines, les enchaînements travaillés et les riffs massifs et servis par une batterie polyvalente et astucieuse, comme sur le coup de grisou qu'est « Of the World ». Alors mettez-vous une serviette dans le cou et régalez-vous.
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Hazing Over – Tunnel Vision
Metalcore – USA (1126)
Le nom Hazing Over ne vous dit peut-être rien. Pourtant il s'agit de la nouvelle mue de Shin Guard, projet ultra prometteur de screamo américain. Sauf qu'en changeant de nom, le groupe a aussi changé de cap stylistique en troquant le hardcore émotif pour un deathcore façon MySpace bourré de breaks et de panic chords. Il est d'ailleurs toujours fascinant de voir que dans ces scènes réinvesties (metalcore MySpace ou nu metal), la nouvelle génération parvient parfois à faire mieux que ses aînés dont elle s'inspire. C'est justement le cas de Hazing Over qui avait produit un EP diablement convaincant en 2021, Pestilence.
Deux ans plus tard, l'énergie reste la même mais la recette change. Du deathcore dissonant, on passe à un metalcore chaotique ; on garde les panic chords (le final très amusant de « Tunnel Vision ») mais on jette les influences à la Despised Icon. Toutefois et malgré la prestigieuse doublette Taylor Young / Brad Boatright à la prod, l'EP n'a pas vraiment les facilités de son prédécesseur. Quelques morceaux sont efficaces (le titre éponyme et « Cutthroat ») et quelques idées font mouche (le cri final sur « Tightrope Walker » voire même le chant clair sur « Disavowed ») mais le reste est inconstant et peut sonner quelconque, comme une énième itération du metalcore à larsens de Vein.fm, Mouthbreather ou Bloodbather.
Comme d'hab, il reste des frites pour les plus gourmands-es :
Le troisième album de Fiddlehead est vraiment bon. Si bon que j'aurais aimé pouvoir vous en dire plus, mais je l'ai écouté la veille de la publication. Alors que Between the Richness tombait un peu dans la redite, ce Death Is Nothing to Us est un beau renouvellement du son des Bostonnais. Et puis Pat s'est remis à crier et s'approprie différents placements vocaux intéressants, comme sur les excellents « Sleepyhead » ou « Queen of Limerick ».
Les Coréens-nes de Slant nous manquent cruellement. Leur album de 2021 était une leçon de hardcore old-school frontal et depuis plus rien. Plus rien ? Le groupe a révélé une démo de trois titres à la fin août et ça ne promet que le meilleur pour la suite car c'est toujours aussi féroce, débridé et incendiaire et la chanteuse Yeji est au top de sa forme (« Stranger »).
C'est définitif : The Armed ne fait plus de hardcore. On le sentait venir et c'est ok d'évoluer stylistiquement mais cette dernière mue m'ennuie au plus haut point. Leur album précédent, Ultrapop, avait déjà été vertement critiqué dans ces colonnes mais le dernier disque du groupe, Perfect Saviors, est encore plus énervant et pompeux qu'avant. Dans des terrains indie rock, le chanteur décide d'incarner une version américaine du Alex Turner crooner des derniers Arctic Monkeys. Le mix est extrêmement plat et franchement, j'ai hésité plusieurs fois à couper en pleine écoute tant cette direction artistique imposée au forceps me semble loin de l'authenticité que je mets en valeur dans cette rubrique.
On parle beaucoup des groupes qui promettent puis déçoivent mais pas assez de ceux qui progressent nettement entre deux sorties. Avec leur dernière bourrasque, xapothecaryx est de ceux-là. Je vous disais justement il y a un an que le projet était encore un peu jeune, mais ce troisième EP en plein territoire edge metal vient remettre l'église au milieu du village. Il offre six morceaux de metalcore vegan straight edge sauce Reprisal, Arkangel premier EP ou Sentence avec conviction et militance. Je retiendrai notamment le tube « S(p)oiled by Greed », impeccable dans le style.
Pour mes scream-chads, le label Secret Voice vient de sortir ce qui est probablement l'album various artists le plus prestigieux de l'histoire du screamo. Constitué exclusivement de morceaux inédits, il réunit un line-up ahurissant de talent. C'est pour certains groupes l'occasion de dévoiler un premier morceau inédit depuis un paquet d'années : Nuvolascura, Lord Snow, Senza, Frail Body, Infant Island, meth., Boneflower, Frail Hands et plus d'une vingtaine d'autres. Je deviens fou.
Je ne suis pas un immense fan du groupe, mais Dead Heat vient de sortir un nouvel EP. Du thrash crossover efficace et blagueur au beau milieu du spectre entre les fans de thrash et les excités-es du mosh. Malgré l'énergie, je trouve ça toujours un peu impersonnel.
Pour les clients-es de Drug Church, Gouge Away et Militarie Gun, le premier EP de Strange Joy est sorti chez Sunday Drive Records. Au programme : un hardcore lumineux, cru mais avec un sens aigu de la mélodie alternative.
Fin juin, l'infatigable label Zegema Beach a sorti un remaster spectaculaire d'un classique de l'emoviolence, le As Years Pass and Feel Like Seconds de In Loving Memory. Cet unique album du groupe de l'Iowa est un bijou de screamo fébrile, poignant et torturé. Il lui suffit de 21 minutes, d'un duo de voix saisissant et d'une instrumentation au chaos diablement maîtrisé pour étinceler. Inévitable pour tous les fans du style.
En juin, c'était aussi la sortie discrète du premier EP de aux.aura, one-man band de screamo à breaks. Les fans de screamo brutal avec du chant façon cri d'oiseau, comme chez Senza, Olth ou Norfair, n'auront que six minutes à dédier à ce disque nerveux, bien ficelé et influencé par le sasscore.