La caution grunge du webzine.
Il arrive parfois que les addictions dans lesquelles s'enferment les musiciens se chargent elles-mêmes de mettre un terme à leur carrière. Le milieu alternatif a ainsi eu à déplorer de nombreuses pertes, en hausse ces quatre dernières années. Certains, à l'instar de Scooter Ward (Cold) ou de Scott Stapp en réchappent heureusement, au terme de longues périodes de souffrance et de séjours en désintoxication. Bien qu'il se soit écoulé peu de temps entre le départ forcé de Stapp au sein d'Art Of Anarchy (poursuites judiciaires engagées contre lui pour cause de contrat non respecté) et le processus d'écriture de ce nouvel album, sa situation personnelle et son état de santé ont beaucoup évolué. Cette nouvelle direction artistique qu'il nous propose s'accompagne également d'un changement de label. Ainsi, il quitte celui - emblématique - qui a permis à Creed de se lancer à la fin des années '90, pour signer chez Napalm Records, dont la stratégie semble être de réunir dans son catalogue les ténors du Metal Alternatif en quête de renouveau.
Dans chacune des interviews accordées aux médias américains, Stapp a souligné l'importance que rêvetait cet album, - d'ores et déjà considéré comme étant le plus symbolique de sa carrière. Si on peut regretter que sa maison de disques ait fait de sa sobriété retrouvée un argument de vente principal, il faut reconnaître que ce "détail" impacte grandement le style des compositions. Elles gagnent en émotions et en richesse (entendons par là des arrangements mieux étudiés à l'instar de l'épique Purpose for Pain), au détriment de la pureté du son. Cette manière de penser les titres pour une diffusion large en radio a des chances de déplaire aux auditeurs. Néanmoins, ce choix est le reflet de l'image plus "aseptisée" et clean que veut renvoyer l'ex-frontman de Creed. On trouve ainsi bien plus de chansons positives / combattives sur cet opus (pistes cinq à sept), comparé au cathartique Proof of Life, publié en 2013. Malheureusement, une chanson de ce registre, telle que Face of the Sun manque de finitions. L'initiative est pourtant louable. À l'inverse de Name, on se place du point de vue des fils Stapp (l'un d'eux, Daniel, avait même été invité par son père à l'accompagner sur scène). Mais dans son ensemble, le titre se perd dans un enchaînement de riffs Hard-Rock simplistes - soit, tout l'opposé du reste de la tracklist.
On a toujours reconnu à l'artiste un grand talent d'écriture. Plus que jamais, il s'exerce sur The Space Between the Shadows à travers des phrases fortes comme "I swear my son/Will never know that pain" ou "I fought the devil and he won" qui rivalisent de sincérité. Malgré un album assez impersonnel par moments du à cette production "modern Rock US", le style Creed ne cesse pas d'exister. Il en reste de nombreuses traces, à en juger par le très acoustique Name, choisi pour figurer en tant que deuxième single. La mélodie à la guitare instaure le rythme et le chant solennel et plein de ferveur de Scott Stapp le suit méthodiquement, sans se précipiter. Pendant un court instant, sur la ballade Into the Wild Life-like Ready to Love (cf. 0:33 à 0:43), il est possible de capter des intonations de voix et paroles similaires au titre précédemment décrit. Il s'agit sans aucun doute d'un subtil clin d'oeil, plus que d'un réel auto-plagiat. Tout en continuant à fédérer son public autour de morceaux faciles d'accès, durant ces dix titres (hors bonus tracks), le vocaliste revient à ses racines Metal et Grunge. C'est le cas de Heaven in Me qui se rapproche d'un Godsmack (de Serenity pour être exact), avec ces tambours en fond qui augmentent la sensation de pesanteur et par extension, d'un Alice In Chains. Cette influence est d'autant plus inattendue que l'on pensait qu'en signant sur Napalm, le label aspirerait une partie de son identité. La façon dont le chanteur travaille ses graves est particulièrement intéressante. Par ailleurs, on a même droit à un vibrato serré vers la fin qui révèle une certaine tension, noirceur.
Stapp se confie énormément sur ce troisième album solo. La chose à ne pas faire serait donc de l'écouter avec détachement, en se basant exclusivement sur les éléments constitutifs de sa musique, sans prendre en compte l'aspect humain qui en découle. Le terme de morceaux est devenu usuel. Pourtant, ces "morceaux" s'apparentent davantage à des lettres ou à des bouts de journaux intimes, qui concernent ses proches, sa famille ainsi que lui-même. Sa voix passe du tendre au rocailleux. Son back-band, et en particulier Yiannis Papadopoulos qui tient la guitare lead, apporte au disque un large éventail d'influences (de Tremonti sur le solo de Purpose for Pain à The Edge sur l'ouverture de Gone to Soon). L'opus n'est pas exempt de tous reproches (milieu de la tracklist plus générique, s'accompagnant d'une mauvaise gestion des touches électro sur Survivor, production très voire trop moderne), néanmoins, il recèle de surprises et de tubes Alternatif.
Tracklist :
- World I Use to Know (04:07)
- Name (04:07)
- Purpose for Pain (03:18)
- Heaven in Me (04:34)
- Survivor (03:20)
- Wake Up Call (03:33)
- Face of the Sun (03:09)
- Red Clouds (05:21)
- Gone to Soon (03:18)
- Ready to Love (03:26)
- Mary's Crying (Bonus Track) (03:24)
- Last Hallelujah (Bonus Track) (03:38)