Série Noire #10 - Lure, Non Est Deus, Thantifaxath, Thulcandra, Eridu...
mardi 13 juin 2023Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Avant de revenir à la rentrée pour la prochaine Série Noire, un dernier tour d'horizon des actualités black metal de ces dernières semaines vous donnera sans doute quelques albums à écouter pendant les nuits d'orage à venir. Au programme : des groupes tournés vers l'avant-garde, d'autres vers des sphères atmosphériques et spatiales quand d'autres s'adonnent au black à capuche ou dépressif.
Groupes évoqués : Lure | Thantifaxath | Non est Deus | Eridu | Labyrinthus Stellarum | Zhmach | Thulcandra | Aodon | Vampyroteuthis Infernalis | Enoid | Kostnateni
Lure – Memories of Humanity
Black metal – France (Amor Fati Productions)
Dolorès : Quiconque connaît l'univers graphique de Pierre Périchaud (Business for Satan, de son nom d'illustrateur et tatoueur) ne sera pas bien choqué de l'univers sonore de Lure. Pour cette deuxième démo, on retrouve un black metal glacial, peu complexe mais entêtant, terriblement efficace. Clairement, par rapport à la première démo, le son est meilleur et le mix, plus équilibré, mettant en relief une approche plus subtile et des progressions poignantes (merci Déhà au mix & master !).
Le projet diffère finalement des autres de Pierre Périchaud : moins caverneux que Silver Knife et Paramnesia, plus équilibré mais peut-être parfois moins rentre-dedans. Toutefois, on n'a pas forcément l'habitude d'entendre ce genre de vocaux puissants et aigus – Nattramn de Silencer qui aurait avalé Neige (Alcest) par moments – et d'ailleurs plutôt maîtrisés. Ceux-ci participent largement à l'identité sonore de Lure, qui reste en mémoire après l'écoute.
Bien que la saison ne soit pas, pour moi, au black metal, je dois dire que ce Memories Of Humanity est parfait pour accompagner le retour des chaleurs avec les volets fermés, dans la fraîcheur du matin. Toutefois, malgré des passages mémorables, comme l'incroyable « IV. Tempest... Death Triumphant » qui recentre à merveille notre attention à mi-écoute, la longueur de la démo (plus d'une heure) en fait malgré moi un opus que je réécouterai peu souvent dans son intégralité. A conseiller aux amateur(ice)s d'albums-fleuves.
Thantifaxath – Hive Mind Narcosis
Avant-garde black metal – Canada (Dark Descent Records)
Pingouin : Deuxième album des mystérieux Canadiens, sorti tout début juin chez Dark Descent Records. Hive Mind Narcosis emprunte au black avant-gardiste de Dodheimsgard et Ved Buens Ende, à l’expérimental de Mamaleek, aux dissonances de Skàphe, à la psychédélie de A Forest of Stars.
Mais ce ne serait pas faire honneur au groupe que de se limiter à du name-dropping stérile pour parler de leur musique : les Canadiens ont une façon bien à eux de construire des chansons où tout s’enchaîne et se répond de manière si fluide : percussions, cordes, chant hurlé, violons et arrangements. Pas incompréhensible comme Imperial Triumphant, pas illisible comme Portal, Thantifaxath surprend par sa capacité à nous faire avaler si facilement des compositions si alambiquées. Le rendu est superbe, l’album ne perd pas une seule seconde en intensité, du long de ses 46 minutes.
Un album si réussi ne peut être que lourd de sens et ce n’est pas faute de bien vouloir lire entre les blastbeats, mais Thantifaxath reste cryptique sur le sens de sa musique : « L’album a deux niveaux qui travaillent en dichotomie l’un avec l’autre, peut-on lire sur la page bandcamp de l’album. Sur un niveau il y a une forte résistance à quelque chose, et sur l’autre une acceptation totale de cette même chose.» Et de faire appel à notre interprétation pour pousser l’analyse. Comme Daniel Keyes qui refusait de donner le sens profond qu’il voyait dans Des Fleurs pour Algernon, Thantifaxath, si plein de talent et d’inspiration, voue une confiance aveugle et totale à son art pour transmettre une vision du monde désabusée et complexe. Leur premier album (Sacred White Noise, 2014, déjà chez Dark Descent) avait surpris beaucoup de monde. Ce deuxième opus confirme l'essai et sonne peut-être l'avènement d'un grand nom du black metal.
Non Est Deus – Legacy
Black metal à cagoule – Allemagne (Noisebringer Records)
Matthias : Il est décidément infatigable ! Après un second album sous le nom Leiþa sorti en janvier dernier – dont on a parlé ici – et entre deux tournées avec Kanonenfieber, voici que Noise nous revient avec son projet Non Est Deus. Chronologiquement, c'est d'ailleurs son premier, actif depuis 2018 et avec déjà quatre albums à son actif. Quand on vous dit que l'individu ne chôme pas.
Alors soyons clairs : les compositions de ce Legacy s'inscrivent indubitablement dans l'influence que Mgla a eu sur le black metal moderne après son Exercises in Futility. C'est particulièrement limpide sur « Redemption » I et II, que ce soit dans le riffing, le chant et même certains passages des textes, d'ailleurs pour une fois chantés en anglais ; il plane sur cet album une ombre indubitablement polonaise. On pouvait d'ailleurs la voir se dessiner, peu ou prou, derrière les albums précédents de Non Est Deus.
Mais ceci étant dit, ce n'est pas pour autant que ce projet est dénué de qualités propres et Noise prouve une fois de plus qu'il reste un excellent compositeur, dont les textes consacrés aux recoins les plus sombres de la mythologie hébraïque ne manquent pas d'un certain impact. Des morceaux comme « Thousand Years of Sand » ou « Babylon » arrivent à nous faire oublier tout débat sur les influences pour nous laisser porter par la musique. Maintenant que la Mgla-mania est quelque peu retombée et pour peu que cette influence – qui n'est pas la seule - soit assumée, on a là un album qui mérite d'être considéré pour ce qu'il vaut. Si on cherche de l'expérimentation et des envolées vers des territoires inconnus, ce Legacy n'est certes pas l'album le plus approprié de cette sélection, mais côté black metal classique contemporain, il s'avère assez solide.
Eridu – Enuma Elish
Melodic black/death de Mésopotamie – Allemagne (Indépendant)
Matthias : Pour qui connaît mes obsessions (proto)historiques, cet album avait forcément tout pour attirer mon attention. Bien que le groupe soit purement germain, Eridu continue ses pérégrinations au Moyen-Orient antique avec un second opus nommé Enuma Elish. Entre le nom de la première ville à avoir reçu la royauté selon la tradition sumérienne et les premiers vers de la cosmogonie babylonienne de Marduk, le ton est donné ; de vraiment très vieilles histoires qui nous seront comptées avec du metal extrême orientalisant.
Les disciples de Rotting Christ (période Theogonia, surtout) ou de Melechesh, ou encore des Arméniens de Ildaruni, se retrouveront en terrain connu et ce n'est évidemment pas pour me déplaire. Voici donc un black plutôt mélodique et accessible, bien qu'on y retrouve quelques accents death assez mélo' (« Reign Supreme ») avec les occasionnels apports d'un chœur ou d'une voix féminine. L'ensemble est très bien mixé, cela mérite d'être souligné pour un groupe sans label, mais c'est quand même Sverker Widgren de Wing Studios qui s'y est collé, avec un mastering peaufiné par Hertz Studios, bref, des locaux qui voient passer des beaux noms.
Les cordes laissent donc libre court à leurs vibrations qui rappellent le souffle du désert et elles nous emmènent aisément sur les sentiers des héros et des divinités, sans trop nous brusquer mais avec une la promesses de grandes aventures au bout de la route. Eridu s'offre d'ailleurs quelques beaux morceaux de bravoure – « Enuma Elish » ou « The 50 Names of Marduk » - au sein d'un album certes pas révolutionnaire comme la métallurgie, mais bien fichu et qui mérite d'être écouté. On notera d'ailleurs une progression très tangible entre cet album et le précédent, Lugalbanda - le troisième roi d'Uruk et père de Gilgamesh, suivez un peu.
Labyrinthus Stellarum – Tales of the Void
Black metal cosmique – Ukraine (Indépendant)
Malice : Certes, récemment, l'album de Mesarthim est sorti, et je ne désespère pas d'un jour... l'écouter, ce serait déjà pas mal, pour en dire quelques lignes sur Horns Up. Si je n'ai pas accordé mon attention aux Australiens, cependant, c'est probablement parce que Labyrinthus Stellarum m'avait déjà envoyé planer dans la stratosphère, et bien mieux que les derniers opus de Mesarthim.
Vous l'aurez compris, ici, il est question de nappes de synthé, de boucles électroniques accrocheuses, de chant écorché loin dans l'éther. Dès les premières notes de « Void Dwellers », on décolle pour un voyage de plus de 40 minutes. Si j'ai cité Mesarthim, la comparaison tient moyennement la route sauf si l'on s'en tient au tout premier opus de ceux-ci (Isolate) : Labyrinthus Stellarum officie dans quelque chose de bien plus classique et atmosphérique, moins expérimental, évoquant à la fois les meilleurs moments d'Elderwind et l'influence lointaine de Summoning.
Un genre qui, on ne va pas se mentir, a d'ores et déjà tout dit. Mais quand c'est répété avec tant de talent, difficile de faire la fine bouche : « The Eternity », de loin le plus Mesarthim-esque (et tubesque, c'est synonyme) du lot, est mon hit de l'été, rien que ça. Réussi de bout en bout, Tales of the Void ne réinvente rien mais reste d'une consistance impressionnante de la première à la dernière note, plaçant même son morceau le plus épique (« Star Chant ») en bout de course, comme un Summoning de la grande époque. S'il était sorti quelques années plus tôt, cet album serait devenu un classique : que cela ne vous empêche pas d'aller y jeter une oreille... et de suivre attentivement la carrière de Labyrinthus Stellarum.
Zhmach – Karyta Dzieda Platona
Black Metal sapoudré de dungeon synth – Biélorussie (Grime Stone Records)
Circé : Je triche doublement ce coup-ci. Tout d'abord, ceci n'est pas un album mais une démo / EP. Deuxièmement, ledit EP a déjà été sorti une première fois l'an dernier en indépendant. Mais c'est à l'occasion de sa réédition chez Grime Stone Records que, profitant du reach forcément un peu plus important, elle m'est passée sous le nez dans mes suggestions bandcamp. Grand bien m'en a pris que de cliquer. Si le nom du groupe ne vous dira sûrement rien, puisqu'il s'agit de leur première sortie, le label lui est une enseigne californienne ayant une habitude de sortir du black metal et de la dungeon synth, plutôt engagé à gauche (on pourra par exemple citer Old Nick dans leur catalogue).
Ne vous fiez pour autant pas à l'étiquette « atmospheric black metal » que vous trouverez sur metal archives. On n'est pas ici pour de longues nappes de guitares contemplatives : Zhmach propose de l'efficacité, riff et du riff. Mélodique, entraînant, Zhmach délivre sans pause, sans aucune note superflue, pour un résultat certes court mais où sont concentrées toutes les meilleures idées que d'autres groupes dilluent dans des albums d'une heure. Et arriver à faire forte impression en si peu de temps, c'est tout de même un exploit. On sent en effet déjà un univers atypique se dessiner : Zhmach a déjà une pâte, une identité reconnaissable et intriguante grâce aux petites notes de synthés et arrangements plus folk, donnant presque l'impression d'un Malokarpatan plus moderne. C'est fou de ce dire que ce petit quart d'heure est sûrement le plus marquant que j'ai passé dans mes écoutes black metal. Une excellente surprise et une découverte qui, on l'espère, donnera suite à de plus grosses sorties !
Thulcandra – Hail the abyss
Dissection worship – Allemagne (Napalm Records)
Circé : Arrivé tardivement dans la foule des sosies de Dissection, Thulcandra n'en demeure pas moins aujourd'hui l'un des plus gros survivants. Ou, en tout cas, l'un de ceux encore les plus actifs et fidèles au modèle initial à la lettre : des guitares ultra mélodiques, des intros et interludes acoustiques (piano ou guitare sèche au choix), une pochette toujours dans les mêmes tons de bleu... L'art de pouser le cliché jusqu'au bout sans jamais en démordre. Thulcandra, on va se l'avouer, n'a jamais été le haut du panier par rapport à un Sacramentum. Mais on ne va pas non plus se montrer trop critiques : les Allemands savent composer - et surtout comme des Suédois.
Hail the Abyss le prouve tout autant que ses prédécesseurs : c'est carré, propre et offre leur dose de riffs mélodiques de l'année à tous les amateurs et amatrices du genre, nostalgiques de la grande époque du black mélodique suédois. Ce nouvel album offre un rythme de croisière, même s'il accélère un peu le tempo sur la deuxième moitié. Ce sont d'ailleurs ces morceaux plus soutenus qui ressortent : alors qu'on en retient une impression générale de recette bien ficelée mais manquant un peu de passion, l'enchaînement « As I Walk Through the Gateway » / « Blood of Slaves » constitue de manière criante la partie la plus inspirée de l'album. Les vocaux y regagnent de l’agressivité, les compos de la ferveur... Remarquons également une petite exception à l'hommage limite note pour note à Dissection avec « On the Wings of Cosmic Fire » où Thulcandra s'essaye à du mélodique, avec légers relents punk lancés par un « ugh ! » en début de morceau.
Hail the Abyss propose somme toute, comme toujours avec le groupe, un album de bonne facture bien qu'entièrement convenu, qui fera passer un bon moment sans prétention aux fans du genre sans pour autant marquer les esprits sur le long terme.
Aodon – Portraits
Black metal – France (Willowtip Records)
ZSK : Aodon c’est bien le symbole que le black metal français sait s’exporter. Portraits est déjà son deuxième album à paraître chez le label américain Willowtip. Et ceci alors que le projet chante en français et quand bien même son tout premier album Sharphood (2016) était lui essentiellement chanté en… anglais. Curieux paradoxe pour ce one-man band périgourdin, qui avait donc su se faire remarquer avec 11069 (2020) et qui revient en force avec un alléchant Portraits.
Aodon n’est pas facile à cerner et semble même être un parfait équilibre de ce qui peut se faire en termes de black metal dans les années 2020. A la fois traditionnel et moderne, à la fois agressif et mélodique, à la fois efficace et atmosphérique… Le projet évolue entre un gros paquet d’influences, évoquant tout autant la rugosité mélodique d’un Mgła, l’intensité d’un Gaerea, le côté décharné et possédé d’un Regarde Les Hommes Tomber, tout ceci avec des respirations atmo et même un petit côté « pagan » dans les compos et ambiances (pas le pagan pouet-pouet, hein).
Porté par un chant éraillé typique du black metal français chanté en français, Aodon passe un cap avec Portraits et livre un album convaincant et accrocheur, les compos nous emportent dès le départ en trémolos sur « Swen ». Rien n’est à jeter et Portraits est un album très homogène, peut-être même un peu trop car aucun morceau ne se met au-dessus du lot, malgré la qualité d’un « Mayerson » par exemple. Nous tenons donc là un grand espoir du bm français qui ne demande qu’à réellement confirmer son potentiel, et ce très bon Portraits le met sur la bonne voie.
Vampyroteuthis Infernalis – Vampyroteuthis Infernalis
Black metal darkspacien – ? (Avantgarde Music)
ZSK : D’où vient Vampyroteuthis Infernalis, avec son nom inimitable, emprunté à une espèce de céphalopode aussi appellée « vampire des abysses » ? Eh bien… on ne sait pas, il s’agit d’une formation totalement anonyme. Qu’on dira, pour le style, venir de R’lyeh, vu que concept et visuels ont l’air fort Lovecraftiens ici. Mais pourtant, Vampyroteuthis Infernalis ne sera pas un nouvel avatar de The Great Old Ones ou Sulphur Aeon. Avantgarde Music a repéré cette mystérieuse formation et réédite ici son premier album éponyme, sorti en autoproduction en novembre 2022. Et pour Avantgarde Music, c’est un peu une histoire qui se répète…
…comme en 2006 lorsqu’il rééditait les deux premiers opus de Darkspace. Car Vampyroteuthis Infernalis sera un nouveau disciple du black lo-fi et ambiant de Darkspace. C’est une évidence dès la première approche et il n’y a même pas à sourciller, à part des intros et outros aux samples « aquatiques », tout le cahier des charges de Darkspace y est. Les riffs, la programmation infernale, le chant inhumain, le fond de synthés constant… rien n’y manque et bien qu’il vienne des « profondeurs », Vampyroteuthis Infernalis sonne spatial comme Darkspace à chaque instant. Comme le soundtrack d’un océan… enfoui sous la croûte de glace d’une Lune lointaine.
Mais bon, si le clonage de Darkspace a toujours eu bon dos, il s’est rarifié avec le temps et seul un Arkhtinn - lui aussi d’un pays inconnu, tiens tiens - a su tirer son épingle du jeu. Constitué de deux morceaux de 22 minutes, Vampyroteuthis Infernalis est tout de même convaincant, s’offrant des passages franchement intenses et épiques avec des claviers stellaires partant très loin. On aurait aimé quelque chose de plus fignolé et personnel à la Thanatonaut, mais on s’en contentera. Surtout que Dark Space III II se fait attendre et on croise les doigts pour que l’année prochaine soit la bonne… En attendant, les die-hard fans peuvent se pencher sur ce vampiroteuthe infernal pour avoir leur dose.
Enoid – Ô Nuit, Emporte-moi !
Black metal dépressif – Suisse (Satanath Records)
ZSK : Les fins limiers du black metal connaissent bien sûr le projet suisse Borgne. Peut-être un peu moins Enoid, projet parallèle de Bornyhake qui existe depuis 2006 et qui a, à ce jour, sorti pas moins de 8 albums, entre autres stuffs. C’est presque même étonnant de voir Enoid encore actif alors que Bornyhake a sévèrement multiplié les projets depuis une poignée d’années (Ancient Moon, Clavus, Moisissure, My Death Belongs To You, Nivatakavachas… en plus de Pure toujours actif…). D’ailleurs je suis loin d’avoir tout écouté et je ne dois pas être le seul…
Toujours est-il que Enoid est donc une nouvelle fois de retour. Toujours dans le même esprit, à savoir grosso-modo un Borgne un peu plus raw, moins atmo, sans synthés, plus direct, mais tout aussi dépressif - avec des thèmes ne respirant pas la joie de vivre et toujours un chant à 100% en français. Après les anecdotiques Exilé aux Confins des Tourments (2016) et Négation du Corps (2020), Ô Nuit, Emporte-moi ! va un peu remettre Enoid en selle, pour ce qui sera son meilleur album depuis un bon moment - depuis The New World Order (2013) disons, mais son début de carrière était assez homogène.
Quitte à ce que pour ça, Enoid se rapproche assez de Borgne, toujours dans une version plus dépouillée mais avec une sonorisation similaire, et ce, même si c’était déjà un peu le cas des deux précédents albums. Mais Ô Nuit, Emporte-moi !, bien que très classique, est un album plus que solide, qui démarre d’ailleurs avec un excellent trio, puis se finit sur un magistral « Le Corps de l’Ange Noir s’offre aux Langues des Vers » de huit minutes. Sans rien révolutionner, Enoid fait encore une fois bien son office de black metal neurasthénique mais-pas-trop, ce qui plaira aux amateurs. Charge à eux de se pencher maintenant sur la discographie d’Enoid en plus de celle de Borgne, si ce n’est déjà fait.
Kostnateni – Úpal
Black à la tchèque – USA (Willowtip Records)
Malice : Attention, grosse claque. Il y a une raison pour que cet album, sorti un peu de nulle part, ait escaladé les charts de Rate Your Music en un temps record pour y trôner désormais fièrement en tête de la catégorie metal et affiliés. Originaire du Minnesota et one-man band d'un certain D.L. qui a à n'en pas douter des origines tchèques, Kostnateni mélange allègrement ces deux influences... et un paquet d'autres. « Remen (The Belt) » donne l'impression qu'on s'apprête à découvrir un autre clone de Cult Of Fire ou Death Karma, avec ses riffs bondissants et cette voix grognée là aussi assez typique des formations tchécoslovaques. Un mantra scandé en seconde partie de morceau confirme ce côté ritualiste assez réussi, mais jusque là déjà entendu.
Mais Úpal révèle bien vite une toute autre profondeur. La dissonance parsème l'album, les riffs prennent par moments le dessus sur les ambiances (le plus direct « Rukojmí Empatie (Hostage of Empathy »)... avant que l'atmosphère se fasse arabisante : « Opál (Opal » prend tout le monde par surprise, son chant (ou plutôt ses vocalises à l'orientale) mêlé d'autotune (!) suivant de belles lignes mélodiques. Le bordel reprend ensuite sur « Skryt se pred Bohem (Hide from God) » , une folie qui m'a par moments rappelé ce que pouvait proposer les immenses Kzohh. Vous l'aurez compris : Úpal est difficilement définissable, porté également par ce batteur (Andrew Lee) aux plans à la Absu, qui donne une dynamique imparable à l'ensemble.
Si la scène européenne vous paraît par moments tourner un peu en rond et opter pour la facilité, jetez une oreille sur Kostnateni : chaque minute fourmille d'idées, d'influences, d'inspiration avec un grand i. Un second album bien plus mélodique et varié que son prédécesseur Hrůza zvítězí (2019), recommandable mais plus hermétique.