La mort par intoxication ; ou une infinie constellée de mille lumières aux couleurs éclatantes comme linceul. Des vapeurs aux teintes dorées et d'ambre comme cortège, un goût de laudanum et d'opium comme habit, un embranchement de feuilles d'absinthe et de mandragore comme couronne. Et comme adieu, un dernier baiser sur de mortes lèvres desséchées.
Ce baiser, c'est moi qui le porte sur ces lèvres carmines. Rouge, comme une blessure, comme la source de l'écoulement d'un vin amer qu'on ne peut boire qu'une seule fois. Et en buvant à même ces lèvres, ces lèvres si froides et si cruelles, c'est tout un orchestre qui s'élève pour accompagner mon acte. Explose autour de moi violons désaccordés et autres instruments à cordes en un fantasque et dramatique concert, m'enlisant à jamais dans les nappes obscures d'une drogue trop pure. Chaque gorgée n'est qu'un pas de plus dans un puits enténébré dont je ne connais ni les parois ni les profondeurs. Mais est-ce que mon voyage s'arrête là ? Un arrière goût subtil et poussiéreux, presque terreux, continue de lécher mes sens endormis. Nuit de toutes les nuits, sa danse durera tant que son caprice le voudra. Une douce effluve sucrée, un léger zéphyr pourpré m'appelle alors plus profondément dans le sein de cet empyrée du dessous, où dansent à jamais les oubliés et les morts de toujours, fêtant la disparition du tyrannique point du jour.
Torpeur volontaire et progressive remontant le fleuve sanguin de mes veines, et comme le ferait une fumerie d'opium imaginée, je plonge dans un engourdissement rituel présidé par Artemisia et autres fées vertes hallucinées. Le fracas des hématies précipitées se répercute dans mes tempes alourdies et le battement vital de mon être ralenti pour laisser place à l'ultime et sublime léthargie.
Urfaust visait depuis déjà longtemps les étendues célestes, mais désormais, il y a établi sa résidence et son domaine. Il a versé son nectar neuf fois plus sucré que le miel dans le vide reposant entre les étoiles et le soleil. Il a soufflé son haleine chargée de stupéfiants aux visages de tous ceux qui ont voulu l'entendre. Plus lourd, plus lent et plus répétitif que ses prédécesseurs, il n'en est que plus hypnotisant. Il étire et fait lentement éclore ses notes saturées comme tant de fleurs au parfum enivrant et fait ainsi de sa musique l'objet de l'endoctrinement. Gourou, chef religieux ou véritable prête cultiste, qu'importe. Il impose sa doctrine à qui veut bien la recevoir. L'Église est la voûte et le fidèle est l'astre. L'espace fiévreux est son royaume.
Urfaust ne semble vouloir ni entendre, ni écouter les prières de ceux qui le suivent, traçant son sillon brumeux dans les vapeurs d'une drogue dont lui seul a le secret. Il est un astre à part, d'où coule sur l'esprit en un long murmure les flots d'une conscience altérée. Car il se fait plus que jamais l'apologie du si désirable narcotique, et il se fait le psychopompe des victimes du coma artificiel qu'il a lui-même engendré.
La mort par intoxication. L'ascension par inhalation. L'oubli par consommation. Voilà ses dogmes.
Son chant résonne comme l'écho d'une chimère semblable à la sirène, irrésistible, impitoyable. Tous se présente à sa porte la tête humblement baissée, et tous se jettent dans les précipices oublieux s'étendant à ses pieds. Il dirige sa barque invisible entre les battements d'un océan d'airain constellé d'étoiles dorées, embarquant avec lui les victimes d'un trop fort désir de goûter et boire plus puissant plaisir. Ce n'est pas si cruelle fin de partir ainsi, avec encore en bouche le goût tant convoité de l'ambroisie.
Le passage forcé vers un territoire inexploré, un ultime voyage au goût de ciguë, l'épopée d'un microcosme subjectif rêvant sa propre mort. Le corps n'est qu'enveloppe de chair renfermant le plus précieux des trésors. À l'image d'une émanation rongeante ou d'un lierre grimpant, The Constellatory Practice étend ses bras et se répand le long de l'écoute. Car il n'est non pas seulement stellaire et halluciné, mais il suinte aussi un miasme délirant et vénéneux, syphilis de l'esprit. Véritable herbier hallucinogène et toxicologique ou manuel de botanique ésotérique, de ses pages s'échappent les spores d'une mauvaise herbe envahissante dont la terrible beauté n'a de rivale que sa langue empoisonnée. Et sa morsure est addictive. On ne veut que trop rapidement sentir et ressentir ses fragrances toujours chargées d'une nouvelle subtilité. Le crâne se fait terrarium d'une semence corrosive, parasite aux racines cartographiant les dessous de la peau et aux ronces venant étouffer les os. D'écouteur attentif, je deviens hôte temporaire.
Retour douloureux des sens aussi cruel qu'intense, le corps a frôlé la mort mais l'esprit n'en est que plus vivant. Ne reste d'important que le bileux désir de repartir arpenter quelque dimension éloignée afin de mieux échapper à une réalité promesse de tourments. Le craquement de l'allumette se fait la mélodie d'un jeu de flûte à mon oreille. Ma tête retombe lourdement en arrière et ma volonté s'égare derrière le voile de mes paupières pour défiler dans ses propres abysses intoxiqués. La fumée n'est qu'une humeur exhalée s'échappant de ma chair dépendante. J'expire, mais la sève de mon être s'embrase et s'élance dans les voûtes délirantes aux nuages opiacés. Non, ce n'est pas si cruelle fin de disparaître de cette manière, au-delà des limites de la conscience et des affres de la Terre, plongé dans ces douces contrées nées d'un sommeil artificiel, et où l'anesthésie rituelle est devenue doctrine maîtresse. Me voilà enfin Urfaust, je viens de nouveau me noyer dans ton étreinte empoisonnée.
Tracklist :
1. Doctrine of Spirit Obsession
2. Behind the Veil of the Trance Sleep
3. A Course in Cosmic Meditation
4. False Sensorial Impressions
5. Trail of the Conscious of the Dead
6. Eradication Through Hypnotic Suggestions