"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Je ne sais pas vous, mais moi quand on me parle de Mélodeath italien, j’ai des boutons qui poussent, les larmes d’horreur et de consternation qui montent, l’envie de hurler bien fort et d’aller courir dehors très vite. Ceci est dû à un conditionnement exécuté dans un passé webzinal ou nous recevions certes pléthore de CDs promos, mais hélas souvent des rondelles provenant de labels de seconde zone, les fonds de tiroir qui inondent un peu le marché et qui entraînent même des fermetures de crémeries (le sinistre feu-label autrichien Noisehead spécialiste des signatures centre-européennes sans intérêt). Parmi tout ceci, il y a la « scène » italienne. Tout un tas de groupes qui gravitent dans et autour d’écuries comme Nadir, Buil2Kill, Crash & Burn, Bakerteam, Beyond… Productions, les sous-labels de Scarlet et WormHoleDeath, et d’autres distribués par Twilight et Underclass (fermé lui aussi) en leurs temps. Rien que faire remonter ces noms à la surface me fait réactiver quelques ulcères. Enfin je ne vais pas m’en plaindre outre mesure, sachant que c’était aussi l’occasion de faire des chroniques expéditives marrantes. Toute cette « scène » Mélodeath italienne assez pathétique et ridicule, délivrant du Mélodeath circa 2002 de troisième zone absolument inintéressant, que ça soit pour les chroniqueurs et les potentiels (hum) auditeurs. Les Congiura, Dysthymia, Ever-Frost, HaddaH, ou encore Lahmia et sa repompe éhontée de "Monochromatic Stains" de Dark Tranquillity… des noms qui ne vous disent probablement rien (quoique, je sais que Ever-Frost a déjà foulé les planches du Metaldays) mais qui provoquent en moi un amusement perfide doublé d’un facepalm jusqu’à s’en faire rougir le front.
Cela provoque aussi en moi beaucoup de questionnements, que ça soit sur la facilité de faire du Metal en Italie, les jugements que peuvent avoir les propres musiciens et les fans locaux sur la qualité de ces « productions », ou l’équation du marché qui doit hélas ressembler à « label pay-to-sign » + « fils à papa » = « album de seconde division sans intérêt ». Aucun groupe italien issu de ces sorties ne m’a donc sauté à l’oreille. A part peut-être Disease Illusion, qui avait lui sorti en 2011 un album tout à fait correct sur le label… belge Ultimhate. Groupe dont je n’ai aucune nouvelle aujourd’hui comme, ô surprise, les Lahmia et consorts. Mais aujourd’hui, il va être question d’une révolution. Je pourrais dire que c’est dommage que j’ai du changer de webzine pour enfin avoir affaire à un groupe de Mélodeath italien vraiment prometteur mais tout ceci n’est que vile coïncidence. Déjà, nous n’avons pas affaire à un label de Série B italienne, mais à Apostasy Records, qui a tout de même un roster intéressant. Le nom concerné est Black Therapy, qui nous vient de Rome (plutôt côté Lazio) et existe depuis 2009. Il n’est pas un grand débutant vu que déjà contrairement à bon nombre de formations curieusement signées tout de suite pour un full-length, il s’était fait les dents sur une démo en 2010, avant de se retrouver chez Revalve Records (jamais entendu parler de celui-ci tiens) pour la sortie de Symptoms Of A Common Sickness en 2013. Apostasy Records repère donc la bête et l’extirpe de sa médiocre mais (soupir) florissante scène pour leur second opus, In The Embrace Of Sorrow, I Smile, qui va confirmer que s’il y a désormais un seul nom à retenir en matière de Mélodeath italien, c’est bien Black Therapy.
Et alors que bon nombre de ses compatriotes balancent grossièrement un Mélodeath typé 2002, entre Reroute To Remain et Damage Done de qui-vous-savez (sinon vous n’avez aucune crédibilité pour lire une chronique de Mélodeath), Black Therapy est remonté un peu plus loin, vers le milieu-fin des années 90. L’âge d’or du genre forcément, mais qui avait déjà amorcé son évolution, juste avant les Clayman, Natural Born Chaos ou Haven (de qui-vous-savez encore… hein). Bon, faire du Mélodeath typé nineties n’est pas ce qu’il y a de plus original à faire, on est d’accord. Mais même s’il y a quelques ratés, c’est bien ces nostalgiques qui sortent actuellement ce qui se fait de mieux en matière de Mélodeath, bien loin des exagérations modernes à base de chant clair, de synthés électro et de riffs syncopés. Symptoms Of A Common Sickness montrait déjà que Black Therapy était fait pour jouer dans la cour des Engraved Disillusion, Fallen Joy (cocorico) et EverRise (cocorico encore) ou bien sûr le retour d’At The Gates, et In The Embrace Of Sorrow, I Smile enfonce le clou. Il faut donc s’attendre à un Mélodeath qui a encore une identité Heavy/Thrash dans certains riffs, et qui pour le reste met la blinde de leads mélodiques gracieux, le tout accompagné d’une unique voix légèrement blackisante. Du pur Mélodeath 90’s qui a néanmoins quelques autres accroches, comme des ambiances plus mélancolico-doomesques qui renvoient à une partie de la scène finlandaise, on a parfois l’impression d’avoir affaire à un Insomnium qui aurait sorti des albums avant l’année 2000. Le reste se situe entre du In Flames façon Subterranean/The Jester Race, du At The Gates forcément, et du Soilwork jusqu’à A Predator’s Portrait, le tout un peu remis au goût du jour pour la forme.
Black Therapy est donc encore un groupe italien qui sonne à 100% scandinave mais il a su trouver la bonne recette, et surtout a de l’inspiration pour nous sortir quelques modèles du genre. Une recette assez simple, mais qui contrairement à d’autres, fonctionne. Une intro bien tristounette pour aller de pair avec la pochette et poser son côté mélancolique, et In The Embrace Of Sorrow, I Smile est lancé avec son morceau-titre. Et Black Therapy convainc déjà facilement grâce à de jolies mélodies, une section rythmique qui pète bien, un chant à fleur de peau et des breaks enlevés pour mettre un peu d’émotion (sniff). Et dès "The Foolishness of Existence", Black Therapy montre sa capacité pour pondre de bons petits hits de Mélodeath 90’s, efficaces et mordants, thrashy en diable, pour un album qui mine de rien est pas mal contrasté. Le « Mélodeath » savait aussi être agressif à ses débuts et le montre bien avec ce très dur "The Foolishness of Existence", qui laisse place ensuite à de bonnes petites tueries : le génial "She, the Weapon" au riffing percutant et aux mélodies de premier ordre (je pense parfois à un Mors Principium Est en hypothétique version 1997), le classique mais très entraînant "Voices in My Head", l’excellent et complet "Theogony", ou encore le super "The Final Outcome" qui comme la majorité de l’album déborde de l’esprit Mélodeath 90’s par tous les pores. C’est sur le plus posé mais toujours plaisant "Infected" que ce termine cette belle surprise de l’année 2016, et même la surprise de la décennie en matière de Mélodeath italien. Voire même de toute l’Histoire.
Bon tout n’est quand même pas parfait dans cet album, ça aurait été un peu trop beau quand même après tout. Il y a des choses dispensables dans ce disque pas spécialement court mais pas très long non plus (42 minutes et demie), je pense en particulier à la sorte de ballade/super interlude à chant trop triste "Paintings of A Black Ocean" qui casse plus l’intensité de l’album qu’autre chose ainsi qu’au plutôt raté "Stabbed" aux leads qui font crisser les oreilles (mais que leur est-il arrivé là-dessus ?). Mais en 7 véritables morceaux le contrat est largement rempli et surtout Black Therapy enterre sans vergogne des dizaines de ses compatriotes officiant dans le même style. Déjà avec la recette « c’est dans les vieux pots… » qui met ici en exergue un Mélodeath nineties avec une science et des codes de composition parfaitement assimilés pour un rendu adéquat et réussi. Ensuite avec tout simplement un très bon album du genre, possédant mine de rien de sacrés hits qui auraient pu finir dans les playlists de l’année 2016 si l’album n’était pas sorti aussi tard dans l'année - et passé un peu inaperçu. Bon il faut dire que « Mélodeath italien », ça ne sera jamais vraiment attirant, et je sais un peu de quoi je parle. Mais ouste les a priori, Italien ou pas Black Therapy a pondu avec In The Embrace Of Sorrow, I Smile, un bon petit modèle de Mélodeath 90’s avec tout ce qui fait le charme des meilleures années du style, entre riffs efficaces et mélodies entraînantes. Pas encore parfait à 100% à cause de petits ratés, et aussi soyons francs d’un manque criant de singularité, mais ce n’est pas ce qu’on recherche spécialement avec ce genre de groupe « old-school » qui fait ce qu’il a à faire et bien. Espérons que contrairement à ses compatriotes, Black Therapy parvienne à percer et faire encore mieux, il en a les moyens et a su grâce à son efficacité et son inspiration en plus d’influences bien digérées, se sortir de la médiocrité transalpine en matière de Mélodeath. Enfin !
Tracklist de In The Embrace Of Sorrow, I Smile :
1. Tears of Innocence (1:32)
2. In the Embrace of Sorrow, I Smile (6:13)
3. The Foolishness of Existence (4:15)
4. Stabbed (4:18)
5. She, the Weapon (4:31)
6. Paintings of A Black Ocean (3:51)
7. Voices in My Head (4:47)
8. Theogony (4:52)
9. The Final Outcome (3:56)
10. Infected (4:20)