"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Eh oui, cette année Tamás Kátai nous a bien pris par surprise. Et le Hongrois expatrié en Ecosse s’est montré très productif cette année. Après son deuxième album solo Slower Structures et son nouveau projet solo Neolunar, voilà que presque sans crier gare débarque un nouvel album de Thy Catafalque, le 7ème full-length de son projet devenu principal depuis le split de Gire. Sans crier gare alors que Sgùrr, son précédent album, était sorti à peine 11 mois auparavant ! Tamás fait preuve d’une étonnante productivité, lui qui avait mis 4 ans à sortir le successeur de Rengeteg (2011). Le retard est rattrapé et Tamás semble encore avoir des choses à dire. Pourtant, il va falloir faire attention à ne pas aller trop vite, et même un projet si talentueux comme Thy Catafalque ne va pas déroger à la règle. Alors que Tűnő Idő Tárlat (2004) restera peut-être à jamais son album culte, le groupe hongrois devenu one-man band a connu diverses humeurs pour la suite de sa carrière, entre Róka Hasa Rádió (2009) qui creusait le côté electronica et folk, Rengeteg qui n’hésitait pas à caser de vrais tubes, et Sgùrr (2015) qui lui opérait un quasi-retour aux sources, entre les deux premiers albums (presque reniés mais que l’on a pu (ré)entendre au sein de la compil sortie par Blood Music, The Early Works) et Tűnő Idő Tárlat, soit le retour d’un certain souffle Black même si le fonds de commerce de Thy Catafalque reste le Metal avant-gardiste très personnel. Alors que nous réserve cette nouvelle fournée, inattendue si tôt, nommée Meta ?
Thy Catafalque ne va pas virer sa cuti, pas encore, et semble continuer à piocher dans les différentes facettes de sa discographie déjà existante. Ainsi, il apparaît bien vite que l’essence de Meta se situe entre celles de Tűnő Idő Tárlat et Róka Hasa Rádió, comme si en 2016 Tamás Kátai avait voulu combler le vide de 5 ans qui séparait ces deux albums à l’époque. Entre du Black avant-gardiste tranchant et des aspirations atmosphériques enivrantes, donc. Tout Thy Catafalque est là-dedans, Tamás retrouve d’ailleurs ses invités fétiches que sont Attila Bakos, Ágnes Tóth (The Moon And The Nightspirit) ou encore Zoltán Kónya (ex-Gire), en recrute de nouveaux (Gyula Vasvári de Perihelion ; Lambert Lédeczy d’Ahriman, Mörbid Carnage et Tyrant Goatgaldrakona, qui fut aussi guest pour Gire) et en perd d’autres (comme son violoniste Dimitris Papageorgiou ou le bassiste de Gire Balázs Hermann). Pour ce qui sera un pur album de Thy Catafalque, sans grande surprise. Sera-ce là le grand problème de Meta ? Il semblerait que pour le coup, Tamás Kátai n’ait pas grand-chose de neuf à apporter, n’a pas vraiment de nouvelles idées, et va pour une fois se contenter de faire un « nouvel album de Thy Catafalque », pas spécialement guidé par une philosophie musicale particulière comme l’avait pu l’être Sgùrr avec son côté plus Black. Après, il faudra juste que le charme opère, les talents de Tamás Kátai feront le reste, et quoi qu’il arrive le projet hongro-ecossais restera unique en son genre. Mais après un trio de chefs-d’œuvre et un Sgùrr satisfaisant et intéressant dans son parti-pris plus extrême, Meta va-t-il être en mesure de rivaliser et être digne de l’illustre discographie de Thy Catafalque ?
Pas de surprise déjà dès l’ouverture sur "Uránia", dont la structure fait penser aux départs de Róka Hasa Rádió ("Szervetlen") et Rengeteg ("Fekete Mezők"), en plus concis cependant (7 minutes). Les riffs typiques sont lourds et rampants, le chant de Tamás Kátai est écorché, mais les synthés sidérants et autres moments raffinés sont bien là, Attila Bakos vient illuminer le tout mais malheureusement c’est le seul moment de Meta où l’on entendra son chant ! C’est ensuite Ágnes Tóth qui vient également faire son one-shot pour l’aérien et très épique "Sirály", une pièce féérique là aussi « typique » de Thy Catafalque, de toute beauté et aux mélopées prenantes mais pour moi l’on atteint pas la classe de "Űrhajók Makón" ou de la première partie de "Vashegyek". Rien de bien révolutionnaire pour Thy Catafalque qui heureusement, avec "10^(-20) Ångström", va réussir à nous pondre un bon « tube » de derrière-les-fagots. Pas à la "Kel Keleti Szél" ou "Trilobita", mais une bonne tuerie aux accents extrêmes, plus varié que les morceaux de Sgùrr mais qui n’aurait pas fait tache sur ce précédent opus, avec ces cavalcades de riffs très entraînantes. S’il ne se réinvente à aucun moment, Tamás Kátai en a encore sous la semelle, n’hésitant d’ailleurs pas à nous abreuver de son étrange mais maîtrisé chant « clair » que l’on avait pu apercevoir chez Neolunar. On retrouve la vibe de certains assauts de Tűnő Idő Tárlat et l’art avant-gardiste mais néanmoins metallique de Thy Catafalque fait toujours mouche. Seulement Meta semble un peu en roue libre, frôlant même l’auto-repompe par moments. Mais heureusement Tamás Kátai dispose encore d’un peu de ressource.
Il faut tout de même avouer que Meta comporte un peu de remplissage… Avec notamment l’atmosphérique et cotonneux "Osszel Otthon" qui aurait aisément pu figurer sur l’album de Neolunar, mais heureusement ça reste plaisant, car le talent de Tamás Kátai est toujours là même s’il sonne déjà-entendu chez lui. En revanche, l’outro "Fehérvasárnap" qui reprend la mélodie des intro-outro "Zúgó" du précédent album, est un peu inutile même si elle ne fait pas honte à l’ambiance Thy Catafalquesque, notamment appuyée par ces spoken-words à la fois mystiques et touchants. Thy Catafalque sort donc très peu de ses sentiers battus, les nouveaux invités apportent tout de même un plus, notamment Gyula Vasvári de Perihelion pour de jolis vocaux sur le posé et mélodique "Vonatút Az Éjszakában" ainsi que sur le plus lourd et varié "Mezolit" qui bénéficie également des subtils growls de Lambert Lédeczy. Depuis la sortie de Zeng de Perihelion, j’avais souhaité que Gyula Vasvári apparaisse sur un album de Thy Catafalque, c’est chose faite même si on aurait aimé l’entendre encore plus, vu ses qualités équivalentes voire même supérieures à celles d’Attila Bakos. Reste alors les pistes « longue durée » qui à l’instar des 3 précédents albums, sont encore au nombre de deux. Je passe rapidement sur "Ixión Düün" qui, malheureusement, à part son intro monumentale, n’apporte vraiment rien de significatif en 9 minutes, enchaînant surtout les riffs blackisants et mélodies typiques du projet. En revanche, chapeau bas pour "Malmok Járnak", la pièce la plus longue de Thy Catafalque à ce jour (plus de 21 minutes). Démarrant de manière bien cossue à l’aide de Zoltán Kónya, ce morceau-fleuve passionnant finit par partir dans des sonorités de plus en plus féériques, et l’on finit par virer dans l’ambiant électronique avec une nouvelle voix féminine (de Orsolya Fogarasi), l’ensemble se permettant même de rivaliser avec les moments les plus intimistes de "Molekuláris Gépezetek". Le grand final est lui très touchant et prouve que Tamás Kátai a quand même encore des choses à dire même si son Meta est relativement convenu dans sa globalité.
Difficile de parler de déception, car en matière de Metal avant-gardiste, il y a eu, il y a et il y aura toujours Thy Catafalque et les autres. Mais oui, Meta est clairement son moins bon album depuis Tűnő Idő Tárlat. Parce que l’ensemble commence tout de même un peu à tourner en rond, riffs et mélodies comme synthés et ambiances, tout a déjà été entendu sur les 4 précédents opus et Tamás Kátai fait surtout une nouvelle démonstration de son savoir-faire plus qu’autre chose. Il est dur de lui jeter la pierre car Meta reste un album de qualité, avec des moments forts comme "10^(-20) Ångström" et "Malmok Járnak" au milieu d’autres choses plus anecdotiques même si l’ensemble est rarement insatisfaisant. C’est paradoxalement un des albums les plus complets du projet, réunissant presque tout ce qu’il a fait depuis 2004 (hormis les tubes à la Rengeteg) avec de légères touches d’old-schooleries descendant directement de Sgùrr, mais c’est forcément le moins « original » de ses albums car il n’y a pratiquement rien de neuf, juste du Thy Catafalque à 100%. Cela fait plaisir d’entendre de nouvelles compos seulement une petite année après Sgùrr, c’est certain, mais et même si des morceaux de Meta ont probablement été composés il y a quelques temps, il n’y a pas eu d’attente à combler, et malgré la surprise de l’été cette sortie est finalement devenue « banale ». Un projet si créatif qui sort un nouvel album aussi vite alors qu’il s’était fait désirer par le passé, c’était trop beau pour être vrai. Meta confirme certes et s'il le fallait encore le talent de Thy Catafalque dans les sonorités et le style si cher à Tamás Kátai, et s’il est clair que pris tel quel c’est un splendide album de Metal avant-gardiste, il y a malgré tout eu des précédents et du moment qu’on a bien creusé la discographie de Thy Catafalque, ce n’est pas l’album le plus marquant de la formation d’origine hongroise.
Tracklist de Meta :
1. Uránia (6:59)
2. Sirály (6:11)
3. 10^(-20) Ångström (4:02)
4. Ixión Düün (9:09)
5. Osszel Otthon (4:44)
6. Malmok Járnak (21:16)
7. Vonatút Az Éjszakában (5:56)
8. Mezolit (6:30)
9. Fehérvasárnap (2:00)