Non.
Il y en a un qui a réussi à marquer l'année 2014, et c'est un Allemand qui répond au nom de Niklas. A la fois frontman de Cross Vault et homme à tout faire chez Latitude Egress, on ne peut pas nier que les albums respectifs sortis en 2014 de ces projets se soient fait entendre dans le milieu du Doom.
Tandis que Latitude Egress se fait plus discret, on entend à nouveau parler de Cross Vault, en multipliant peu à peu les concerts, mais surtout en proposant un nouvel album assez rapidement, à l'automne 2015, seulement un an après le premier jet qu'était « Spectres Of Revocable Loss ».
Sans surprise, Cross Vault lorgne toujours autant du côté de Warning, figure tutélaire de ce Doom si particulier qui continue dans son essor. Une influence loin d'être nouvelle quand on sait que l'album précédent comportait notamment une reprise d'un de leurs fameux titres, « Footprints », évidemment moins convaincante, tandis qu'ils avaient au moins le mérite d'assumer leurs points d'accroche.
Au programme, toujours cette mélancolie contemplative, dans la lignée de l'album précédent. On observe peu de réels changements si ce n'est une production largement plus claire et beaucoup moins caverneuse. Adieu la reverb à outrance, on sent qu'on passe un pallier, plus pro certainement. Sans être un défaut, j'avoue trouver qu'il s'agissait d'un point qui faisait l'originalité de Cross Vault sur son premier album, notamment au niveau du chant. On avait une sorte de lointain écho constant, une version plus grave et solennelle de ce qu'a pu proposer Brett Campbell de Pallbearer dans le genre. Ici, on supprime toute cette aura pour revenir à un chant plus naturel et brutal. Sa manière de chanter s'adapte en conséquence, et on remarque rapidement que Niklas module beaucoup plus sa voix que sur « Spectres Of Revocable Loss ». Passant d'une voix intimiste à des élans plus agressifs sans gêne, et surtout plus fréquemment et subtilement qu'auparavant, il est difficile de ne pas voir en ce « The All-Consuming », une sorte de synthèse de ce que Cross Vault peut avoir dans le ventre en s'imprégnant un peu plus de Latitude Egress et en laissant mûrir tout cela.
C'est un ressenti constant dans l'écoute de cet opus, car si cela saute aux yeux au niveau de la performance vocale, ça se poursuit également dans le choix d'une production plus claire et de titres à la composition plus variée. On est beaucoup plus amenés à traverser des émotions et des intensités plus opposées, sur un tempo moins fixe. Là où le groupe prenait son temps auparavant, offrant une masse prenante, il s'est un peu plus tourné vers des montées en puissance plus brusques, secouant ses habitudes. Finalement, cet album prend un peu plus de libertés, gagne en hétérogénéité sans que cela soit à aucun moment un point faible.
Parmi les nouveautés, on a ces passages lents qui insistent sur une mélodie éthérée de la guitare lead au premier plan (« Revocable Loss »). Ils tendent à rappeler ces instants lumineux qu'on connaît bien chez Pallbearer et que Cross Vault utilise aussi pour varier ses atmosphères ici. Grâce au mix, on a aussi l'occasion de profiter pleinement des parties de basse qui, dans leur subtilité, apportent beaucoup à certains passages, comme le petit élément qui fait la différence.
Pour ceux qui n'accrochaient pas à cause du chant de Niklas, cela ne risque pas de s'améliorer puisqu'il s'agit indéniablement de l'élément le plus mis en avant, en étant clairement vu comme un atout pour ceux qui accrochent. Sans être réellement exceptionnels, avouons que ce grain de voix et ces textes ont cette capacité incroyable d'apostropher l'auditeur directement. Ce chant comporte une émotion constante, une maladresse et une fragilité parfois à la limite de la justesse, mais qui donnent cette tension incroyable dont « Simple Marksman In The Pines » me semble être l'exemple le plus marquant.
C'est après quatre titres assez variés que l'album se termine sur « The Words That Pierce No Soul », la pièce à la fois la plus longue et la plus homogène, suivant une ligne directrice plus marquée. Des boucles lascives, des élans niais mais convaincants, formant petit à petit un cocon rassurant et doux d'où s'élèvent quelques pics de clarté et d'évidence touchants. Un clin-d’œil, certainement.
Cross Vault, lorsqu'on y est sensible, est toujours une réelle expérience, loin d'être banale. Cela se confirme sur ce second essai. Cela prend aux tripes, papillonne dans l'estomac, ouvre les paupières, déséquilibre et révèle quelque chose.
« And seal these lips forever. »
1. Revocable Loss
2. Simple Marksman In The Pines
3. Amber Nights
4. The All-Consuming
5. The Words That Pierce No Soul