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Saga Black Sabbath part 3
Les années 70, l’époque révolue du « Je te sors un album (de qualité de surcroît) tous les six mois ». A peine 1971 sonnée que Black Sabbath est déjà en marche pour sortir son troisième album, Master of Reality avec un line up identique.
Devant l’enthousiasme médiatique qu’a créé le groupe avec Paranoid, Black Sabbath aurait pu gentiment continuer sur cette voie royale du succès commercial et donner naissance à pleins de petits « Paranoid ». Mais Black Sabbath n’a pas créé sa légende autour de la facilité. Au contraire, Tony Iommi, Ozzy Osbourne, Geezer Butler et Bill Ward sont plutôt les rois de la remise en question.
Alors que Paranoid était une usine à tubes, Master of Reality est déjà bien moins immédiat. « Sweet Leaf » est bien le seul titre qui a les capacités pour devenir un tube intemporel. Dans mes autres chroniques du groupe, je vous ai parlé de Black Sabbath comme d’un précurseur du Doom ce qui est vrai mais sur Master Of Reality, c’est le coté Stoner qui ressort bien plus et « Sweet Leaf » en est un des titres précurseurs. Un gros riff lourd (sûrement le plus lourd jusque là) et gras revisité tout le long du morceau et un Ozzy déchaîné qui est bien le seul à en faire des caisses sur cet album incroyablement sobre.
On connaissait l’amour du groupe pour les jams grâce à Black Sabbath et Paranoid. Cette relation est mise à mal par ce Master Of Reality plein de maîtrise. La ligne directrice de chacun des morceaux est proprement respecté et les breaks ne partent plus dans tous les sens. Black Sabbath a t-il perdu sa folie d’antan ? Non, il la contrôle mieux pour créer un album plus cohérent avec toujours cet objectif de continuer à évoluer. En effet, hormis « Sweet Leaf » où on sent un brin d’ironie et de délire (et encore seulement dans la voix d’Ozzy), les titres sont très sombres et font de l’album un monolithe dont même la surprenante « Solitude » (reprise plus tard non pas par Candlemass mais par Ulver) n’arrive pas à nous sortir. « Solitude », c’est l’exemple parfait de la sobriété de l’album. Un titre tout calme organisé principalement autour d’une conversation entre le chant déprimant d’un Ozzy au fond du trou et la basse étourdissante de Geezer Butler.
Des morceaux comme « Children Of The Grave » ou « Into The Void » témoignent de la capacité à maîtriser sa fougue d’antan. Le groupe donne l’impression de faussement se contenir alors qu’il est pourvu d’une grande richesse. Alors que sur Paranoid, ces deux titres aux rythmiques implacables auraient donné lieu dans 99 % des cas à un break mélodique dansant comme jamais, là au contraire, le groupe souhaite jouer la carte de la cohérence quitte à se répéter un peu plus. Mais, c’est aussi comme ça qu’on crée des ambiances plus profondes et au final, ce qu’on prenait pour une déception (Où sont les tubes ?) devient le meilleur album de Black Sabbath jusque là.
Pour revenir aux morceaux dont je parlais plus haut, ils jouent sur la répétition des riffs très gras des basse et guitare mais comportent des passages soli et des breaks extrêmement intéressants. On pense aussi aux percussions de Bill Ward, véritable plus value sur « Children Of The Grave ». Hormis « Sweet Leaf » et « Solitude », le chant d’Ozzy n’est qu’un élément parmi tant d’autres dans la musique du groupe. Ca pouvait être vrai pour les précédents albums, ça l’est encore plus sur Master Of Reality. Pas de refrains entêtants, pas de passages à chantonner sous la douche. Rien de tout ça. On se retrouve justement plutôt à taper du pied sur « Children Of The Grave » ou à fredonner cette basse qui groove sur « After Forever ».
Si vous voulez des tubes, jetez vous sur Paranoid, pas sur celui là. En revanche, si vous voulez des morceaux plus sombres, moins immédiats et plus profonds, Master Of Reality est l’album qu’il vous faut. En écoutant ce disque, on assiste, les yeux ébahis, à la naissance du Stoner.
Merci.
1. Sweet Leaf
2. After Forever
3. Embryo
4. Children of the Grave
5. Orchid
6. Lord of this World
7. Solitude
8. Into the Void