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dimanche 23 mars 2025

Cernunnos Pagan Fest 2025 - Jour 1

La Ferme du Buisson - Noisiel

Varulven

"The sound of falling, when the pictures are moving"

Présent depuis presque 20 ans dans le cercle des festivals metal en France, le Cernunnos Pagan Fest possède une longévité qui force le respect. S’il est toujours difficile de pérenniser un événement metal de niche, cela l’est d’autant plus lorsque cette niche est le pagan/folk metal. Scène ayant connu – pour le meilleur comme pour le pire- un pic de popularité au début des années 2010, elle connaît depuis lors une certaine stagnation, tournant souvent autour des mêmes recettes et clichés esthétiques et musicaux.

C’est cet état des lieux de la scène actuelle qui nous donne les deux raisons majeures pour reconnaître au festival tout l’intérêt de sa démarche : D’abord, cette ferveur à mettre en lumière les nouvelles pépites (notamment françaises) du folk metal, qui se démarquent de la masse de groupes folk recyclant ad nauseam les mêmes esthétiques sonores. Mais, surtout, cette volonté de proposer une programmation couvrant les différents aspects, mêmes opposés, de cette scène. Au fil des éditions, l’équipe du Cernunnos a donc fait cohabiter dans sa programmation folk metal festif et éthylique, pagan black sérieux et solennel avec des artistes de musiques traditionnelles ou néo traditionnelles originaires de toute l’Europe, voire du monde entier.

Alors, pour sa 15ème édition, l’organisation a sorti le grand jeu. Après trois dernières éditions faisant la part belle au folk, l’édition 2025 renoue avec la tradition éclectique du festival. Avec une affiche mêlant grosses pointures du style tels que Moonsorrow, Arkona ou Thyrfing, nouvelles pousses pagan black comme Vermilia ou Ildaruni et artistes de musiques folk talentueux, Horns Up a décidé d’y faire son retour pour vous rapporter son impression globale de ce festival si atypique.

 

Organisation globale et animations extérieures

Avant de vous faire un traditionnel retour sur les concerts du festival, il nous faut vous faire un résumé des points positifs comme négatifs sur tout ce qui entoure le festival : le lieu, l’organisation, la nourriture, etc...

Concernant les points positifs, la personnalité du lieu fait toujours son effet sur mon expérience globale en tant que festivalier. Lieu historique devenu centre culturel, l’espace de la Ferme du Buisson est parfaitement exploité pour valoriser la dimension multi-artistique du festival. Chaque espace est dédié à une facette bien particulière. Les scènes de la Halle et de l’Abreuvoir accueillent les concerts, tandis que le Hall est occupé par l’espace de merchandising du Festival et le disquaire/label Adipocere, bien connu des maniacs de metal extrême dans les années 90 et 2000. Enfin, une bonne partie des stands d’artisans bijoutier, de travail du cuir, ou d’écrivains et maisons d’éditions indépendantes étaient installés dans le Caravansérail, tandis que les autres stands, incluant le travail des métaux et des minéraux par exemple, étaient répartis en extérieur. On peut dire que le mariage entre concerts metal et fête médiévale, avec stands d’artisans et activités d’initiation aux danses traditionnelles, aux contes et à la forge fonctionne bien. Cela offre au public un bon moyen de s’aérer l’esprit si l’un des groupes ne nous convient pas. Et c’est toujours plaisant de prendre quelques minutes pour discuter avec les exposants pour en apprendre plus sur leur activité.

De plus, on ne peut que louer la volonté du festival de dépasser le cadre stricto sensu du festival metal, en proposant des activités périphériques accessibles à un public plus varié que le simple public metal. Des activités qui s’inscrivent dans une véritable démarche d’échange et de transmission entre exposants/intervenants et public plus « tout venant ». Cela place le Cernunnos dans une position d’acteur culturel participant au sens large au maillage socio-culturel local,et pas seulement au développement de la scène metal en France.

Mentionnons également la nourriture qui, après plusieurs années en demi-teinte en raison d’un manque de variétés en terme de choix, s’est bien amélioré. On a désormais la possibilité de varier un peu les plaisirs, avec un stand végétalien et un stand de ramens qui se sont ajoutés aux traditionnels stands de « cuisine médiévale » et de pain viking.

Beaucoup de points très positifs donc, mais qui ne peuvent rien contre le fait suivant. Le plus gros inconvénient du Cernunnos est aussi sa plus grande qualité : sa multitude d’activités. En tant qu’habitué du festival, je n’ai jamais réussi à assister à la plupart des concerts tout en participant aux autres activités culturelles proposées (excepté la visite du marché médiéval). Il en fut de même pour cette édition 2025. Et même s’il est parfaitement logique de ne pas pouvoir être partout en même temps, cela reste très frustrant d’avoir l’impression de ne pas profiter de tout ce qui est offert par le festival. Heureusement, l’affiche de cette année était on ne peut plus intéressante, et méritait que l’on s’y attarde longuement, en éclipsant un peu le reste.

 

Samedi 22 février 2025 - Jour 1

Groupes évoqués : Originem | Saramates | Lannog | Vermilia | Dordeduh | Ildaruni | Arkona | Thyrfing 

Photos prises par Deuskin Photography et Nicolas Chaigneau

 

Originem
l'Abreuvoir

Cette première journée débute à 14h avec le groupe vainqueur du classique tremplin du Cernunnos, qui se tient au mois de janvier. Groupe de rock médiéval, comme ils se définissent, Originem est un trio originaire d'Occitanie, qui développe son univers dans des thématiques médiévales liées à sa région. Cela passe aussi bien par des histoires autour de croyances populaires sur la mort, ou encore par le biais de chants traditionnels revisités (le loup, le renard et le lièvre). Toutes ces histoires sont à chaque fois enrichies par le petit laïus explicatif du guitariste chanteur, laïus non sans une bonne dose d'humour. Au vu de l’identité très marquée du groupe, il est dommage que les parties d'instruments folk soient samplées. Car de vrais instruments traditionnels auraient apporté plus de corps et de vie aux compositions. Surtout lorsque ces dernières sont loin d’être inintéressantes. Le guitariste-chanteur se charge de les sublimer, en les abreuvant de solos endiablés aux couleurs tantôt médiévales, tantôt hard rock. Une bonne découverte, qui malgré un son global parfois trop fourni en basse, aura constitué une bonne entrée en matière dans le festival.

  

Setlist :
Bells (chant grégorien)
Maudita Raça de Criminau
Siguetz Maudit
Seditionem
Terra Nostra
Ai visit lo lop
Abilhat d'Argela Roja
Vèrs la Lutz

 

Sarmates
la Halle

Le premier projet à fouler les planches de la grande scène est une petite curiosité. Groupe français assez récent sur la scène, Sarmates se définit comme du folk ethnique, centré en grande partie autour des cultures eurasiatiques et de ses aspects les plus mystiques. Une identité que les quatre musiciens mettent en avant jusque dans leur scénographie, à base de pétroglyphes sur les backdrops et de tenues de scènes encapuchonnés. Comme pour le premier concert sur l'Abreuvoir, le mix est loin d'être optimal. Les basses fréquences sont parfois trop présentes, ce qui empêche de rentrer complètement dans le set. Et cela, malgré plusieurs éléments intéressants qui sortent un peu du lot : les chants diphoniques en particulier, mais aussi quelques parties folk assez hypnotisantes, qu'elles soient l'oeuvre d'un oud ou d'une guitare électrique. Des points positifs donc, mais qui ne m'ont malheureusement pas permis de m'immerger à fond dans le concert. Et vu la singularité thématique du groupe, c’est vraiment dommage. 

 

Lannog
l'Abreuvoir

 

Premier groupe entièrement acoustique et folk de cette édition 2025, Lannog officie dans une version épurée et intimiste des musiques traditionnelles et néo trad. Loin des ambiances biniou de fêtes du village, les Bretons réussissent à nous saisir avec peu de choses, certes, mais qui sont vectrices d'émotions fortes. Des accords de guitare acoustique bouclés, des mélodies de harpes brillantes, et une voix grave aux allures de plainte, qui nous content des histoires d’hommage aux morts, de bruit des vagues sur la pierre ou encore sur l'inquiétante beauté de la nuit. Le ton global est très mélancolique, voire déchirant, et se rapproche parfois de la facette la plus dark folk d'un Agalloch. Et malgré une certaine redondance dans la formule, on se retrouve captivés par la grande émotion que dégage Lannog. A revoir dès que possible.

Setlist :
Bleizi Dihunet
Ar Mor Bras
Erv Vili
Darioù An Noz
Klev Ar C'hwezh
Noz-Teñval Sac'h
Ti Eliz Iza

 

Vermilia
la Halle

Depuis 2020 et son premier concert en France, Vermilia en a fait du chemin. Deux autres albums ont suivis, dont le plus récent sortie une semaine avant le festival, et chroniqué il y a peu dans nos pages.

J'avais gardé un excellent souvenir du concert des Finlandais il y a cinq ans sur la petite scène de l'Abreuvoir. De retour sur la très grande scène, Vermilia nous gratifie d'un show maîtrisé à la hauteur de sa réputation. Seul (gros) bémol, et qui sera malheureusement une constante de la journée sur la Halle : le son qui, sans être catastrophique, demeure parfois brouillon au niveau du rendu global ou du mix des guitares.

Pour Vermilia (l’artiste), cela s'améliore à la moitié du set, et l'on peut ainsi mieux s'imprégner de l'aura puissante et spirituelle dégagée par la compositrice. Chaque refrain, en voix claire comme growlée, donne le ton du morceau, et nous emporte dans le mysticisme des forêts finlandaises en restant gravé dans notre tête. Contrairement à 2020, où le groupe tout entier portait les morceaux, il y a ici un vrai contraste entre un groupe assez effacé (car souffrant d’un son moyen) et une frontwoman de premier plan, qui porte tout le concert sur ses épaules. Cela donne malgré tout une prestation assez réussie, qui même amputée d'un son optimal, nous démontre une nouvelle fois tout le charisme d'une artiste au combien singulière. 

Setlist :
Veresi
Vedestä Vieraantunut
 Hautavajo 
Karsiko
Vakat
Sanoittaja
Tuonen Joki
Marras
​Kaipus

 

Dordeduh
la Halle

Je décide volontairement de manquer le concert de Celtibeerian. D'une part, pour récupérer des forces afin de pouvoir tenir jusqu'à ce soir. Mais aussi parce que le folk metal ultra pouet-pouet et festif, ça ne passe pas chez moi. Je reviens donc pour l'un des groupes que j'attends le plus, Dordeduh. Habitués du Cernunnos, où ils se produisent pour la troisième fois, les Roumains reviennent forts d'un deuxième album sorti en 2021, et qui demeure tout aussi profond et riche que le premier. 

Comme lors de son précédent concert en 2017, Dordeduh délivre avec brio ses progressions transcendentales aux teintes de transe chamanique. Chaque riff, chaque partie instrumentale possède son lot d'éléments progressifs, mais toujours joués avec une fluidité qui rend le tout très accrocheur. Longues plages post rock, mélodies lancinantes, riffs progy sophistiqués ou encore furie black metal, tout ces ingrédients s'enchaînent parfaitement et nous mettent à genoux. Ravi de la réaction d'une audience acquise à sa cause, Dordeduh prend le temps de remercier à plusieurs reprises le public, puis conclut un set déjà magistral avec « Jind de tronuri », long morceau d’ouverture de son premier album. Histoire de nous faire voyager un peu plus dans des paysages sylvestres et  brumeux. La première grosse claque du festival, de la part d’une entité musicale toujours aussi riche et singulière. 

Setlist :
Timpul întaîlor
Descânt
De neam vergur
Vraci de nord
Jind de tronuri

 

Ildaruni
l'Abreuvoir

Et de claque, il va aussi en être question avec l'artiste suivant. Ildaruni, l'une des pépites de cette édition 2025, monte sur les planches avec l'idée d'en découdre, visiblement galvanisé par un public effervescent. Lors de la chronique de Beyond Unseen Gateways faite par Matthias, notre plume héllénophile avait insisté sur l'influence majeure de Rotting Christ sur la musique des Arméniens. Dans l'omniprésence des atmosphères ésotériques et les mélodies méditerranéennes qui dépeignent une certaine grandeur, que l'on associe souvent à l'Antiquité.

Pour ce qui est du live, le groupe est également comme Rotting Christ. Il est beaucoup plus tranchant, direct et in your face une fois sur scène. On le ressent surtout sur les quelques extraits du futur album joués ce soir, qui ont l'air beaucoup plus guerriers que les deux morceaux extraits du premier opus. Petite particularité pour ce premier concert français, puisque c’est un chanteur français qui remplace le frontman originel, resté en Arménie pour des problèmes d’ordre administratif. Si son implication scénique et la promotion envers son groupe d’accueil sont admirables, le fait qu’un frontman se mette autant en retrait dans ses interventions au public fut assez étrange à vivre en tant que spectateur. Pour autant, cette attitude modeste n’a pas empêché Ildaruni de donner l’un des meilleurs concerts de cette première journée. Vivement le nouvel album !

 

Arkona
la Halle

Onze ans. 11 ans que je n'ai pas vu Arkona sur scène. La première fois, c’était lors de mon tout premier concert de metal, en compagnie d’Eluveitie et de Skalmöld. Depuis lors, le groupe de Masha a fait du chemin. Le virage beaucoup plus sombre pris sur ses deux derniers albums n’a fait que renforcer l’idée qu’Arkona est l’un des groupes les plus qualitatifs et crédibles sur la scène folk metal / black folk actuelle.

Ce virage sera au coeur même du set, permettant de poser une atmosphère cohérente durant toute la prestation des Russes. Le ton global reste très solennel et tortueux, aidé en cela par des morceaux aux arpèges parfois à la limite de la dissonance. Comme pour Vermilia, on constate une différence importante entre les musiciens et la vocaliste et leader Masha : c’est elle qui porte tout le groupe et qui lui insuffle sa singularité et son identité slave. Elle alterne growls colériques et chants clairs plus tourmentés sous la forme de complaintes païennes. Après ces quelques extraits de son récent répertoire, Arkona nous gratifie de l’imposante « Goi, Rode, Goi ! », pièce épique dont la majesté fait toujours mouche, avant de conclure sur leur répertoire plus folk metal issu de l’album Slovo, aidés par leur sonneur de cornemuse. En plus de 50 minutes de show, Arkona aura montré, malgré un certain déséquilibre entre sa chanteuse et ses musiciens, qu’il est toujours capable de proposer un certaine maîtrise lors de ses apparitions scéniques.

Setlist :
Kob'
Ydi
Na strazhe novyh let
Tseluya zhizn'
Goi, Rode, Goi !
Zakliatie
Zimushka
 

Thyrfing
la Halle

Alors que j’avais prévu de voir les Portugais de Gwydion (par curiosité de moitié d’ascendance), je finis par renoncer quand je vois arriver sur scène des cosplayers déguisés en viking de wish pour nous jouer du sous Ensiferum à base de gros claviers bien cheap. Le pagan metal pouet pouet en plastique, très peu pour moi.

Heureusement, ce qui clôture cette première journée est d’un tout autre acabit. C’est un réel plaisir de voir enfin Thyrfing en France, et surtout dans le cadre d’un Cernunnos Pagan Fest. Groupe culte dans la sphère pagan black scandinave, Thyrfing est pourtant souvent relégué au second plan lorsque l'on évoque cette scène, à l'inverse du Enslaved première période, d'un Kampfar ou d'un Manegarm.

C'est dans le cadre de leur tournée anniversaire des 30 ans que les Suédois nous ont rendu visite à Noisiel. Et c'est un concert digne de son annonce auquel nous avons droit. Le groupe pioche dans toute sa discographie durant son heure et demie de concert. Si le son est (une fois encore), brouillon au niveau des guitares, c'est la cohésion de tout le groupe derrière son frontman qui rend la prestation vraiment captivante. Contrairement à Arkona ou Vermilia, tous les musiciens soutiennent Jens Ryden dans son rôle de leader, ce dernier parvenant à compenser ses limites techniques par sa présence scénique. Les morceaux s'enchaînent et l'on passe allègrement des pièces romantiques ou plus dansantes des premiers disques (« Vargavinter » « Going Berserk » ou « Storms of Asgard ») aux titres plus noirs de Farsotstider, en passant par les extraits du petit dernier (la majestueuse pièce épique « Jordafärd » fonctionne toujours autant.) Thyrfing nous a promis une rétrospective complète de ses trois décennies de carrière. On peut dire que le contrat a été bien rempli. 


Setlist :
Mjölner
Storms of Asgard
Vargavinter
Ssweoland Conqueror
Digerdöden
Jordafärd
Fredlös
...Ty mörkret skall falla
​Far åt Helvete
Jag spår fördärv
Från stormens öga
Veners förfall
​Mot Helgrind
Going Berserk
​Kaos återkomst

*

Un grand merci à l'équipe du Cernunnos Pagan Fest pour l'organisation du festival et pour l'accrédiation 

Retrouvez dans une semaine le compte rendu de la deuxième et dernière journée du festival !

 

Crédits photos : Deuskin Photography et Nicolas Chaigneau