Punkach' renégat hellénophile.
Jusqu 'à quel point peut-on accepter qu'un vétéran de la musique qui n'a plus rien à prouver se permette de faire n'importe quoi au nom de l'inspiration ? On en connaît tous, de ces groupes dont on écoute religieusement chaque sortie dans l'espoir d'y retrouver l'étincelle qui nous envoûtait. Et Darkthrone vire de plus en plus dans ce chapitre du livre de recettes où on se demande comment, et surtout pourquoi, le chef cuistot a pu concocter une si étrange marmite à partir d'une liste d'ingrédients pourtant dignes de confiance.
Bon, ça fait un moment que le père Fenriz assume de faire un peu tout ce qui lui passe par la tête sans grand souci de l'orthodoxie du black metal norvégien ; grand bien lui en fasse, d'autant que le résultat est parfois plutôt à la hauteur. Old Star, sorti en 2019, reste un très bon cru du Darkthrone récent, qui s'était d'ailleurs hissé dans mon top de l'année. La sauce avait toutefois déjà plus de mal à prendre avec un Eternal Hails...... et ses trop nombreux points de suspension sorti en 2021. Mais à titre personnel je ne m'étais pas montré trop sévère, parce que c'était Darkthrone. Avec ce Astral Fortress je me permettrai de l'être beaucoup plus, car justement c'est Darkthrone, et qu'à un moment il ne suffit pas de sortir des albums en rafale comme des punks trop pressés.
Le disque ne commence pourtant pas mal du tout, avec un « Caravan of Broken Ghosts » rétro et lancinant qui rappelle les compositions passées d'un habitant de Corrèze reconverti dans le stand-up, et dont chaque apparition en vidéo ne suscitait que des rires gênés - pas François Hollande, l'autre. Le problème c'est que la quasi-totalité de Astral Fortress semble tourner autour des mêmes riffs mid tempo d'une sorte de proto-black vaguement doomesque, avec à chaque fois la petite accélération qui va bien aux deux tiers de la piste. Parfois ça marche (« Stalagmite Necklace »), et parfois moins (« Impeccable Caverns Of Satan »). C'est encore « The Sea Beneath The Seas Of The Sea » - au titre qui tient du trolling enfumé, ce n'est guère possible autrement - qui se hisse au rang de piste la plus remarquable de l'album, mais c'est là un choix par défaut tant les bonnes idées semblent avoir manqué sur tout le reste. Astral Fortress n'est pas foncièrement mauvais, mais il est plus roboratif et répétitif que savoureux, sans que jamais un morceau ne se démarque assez pour qu'on ait envie d'y goûter à nouveau.
Cet album semble avoir été construit à l'image de son visuel : un choix étrange, peut-être teinté de dérision, mais qui au final tombe fort à plat et sera surtout retenu comme une preuve de fainéantise. L'ensemble parait finalement bâclé, avec une instrumentation tellement répétitive qu'elle semble pompée de l'album précédent, une voix qui ne porte plus guère pour Nocturno Culto, et des titres de morceaux absurdes qui ont visiblement phagocyté à eux seuls tout le travail d'écriture. Ce n'est sans doute pas le pire album de Darkthone ; mais cela fait un moment que devant ce genre de recette composée par automatisme et vaguement réchauffée sans grande passion, je préfère changer de boui-boui.
Tracklist :
1. Caravan of Broken Ghosts
2. Impeccable Caverns of Satan
3. Stalagmite Necklace
4. The Sea Beneath the Seas of the Sea
5. Kevorkian Times
6. Kolbotn, West of the Vast Forests
7. Eon 2