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Série Noire #15 - Antichrist Siege Machine, Belore, Agriculture, Darkthrone, Necrophobic, ...

jeudi 23 mai 2024
Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

En ce début d'été, notre fine équipe s'est sacrifiée pour vous en écoutant des riffs froids et des vocaux glaciaux malgré la chaleur impitoyable du soleil. Nous vous proposons donc notre deuxième sélection black metal 2024, du folk au sympho en passant par toutes les nuances qu'on a pu vous dénicher ces trois derniers mois.

Groupes évoqués : Agriculture | Antichrist Siege Machine | Korpituli | Ilat Mahru | Whoredom Rife | Belore | Khüll | Darkthrone | Ecr.linfNecrophobic | They Came From Visions | Labyrinthus Stellarum | Misotheist

 

Agriculture – Living is Easy
Black metal lumineux – Etats-Unis (The Flenser)

Dolorès : Il est parfois difficile pour les fans de black metal de se projeter dans un metal extrême qui soit également lumineux et joyeux. Non, pas doux ou poétique comme le proposent certains projets de blackgaze ou de post-black mais bien à la fois violent et extatique, comme le décrit le bandcamp du groupe Agriculture. J'ai fini, comme d'autres, par tomber dedans, à force de curiosité. Car bien que de nombreux groupes arborent des pochettes colorées et délicates ou des messages positifs (de Deafheaven à Gudsforladt en passant par Fluisteraars ou même certains titres de Sadness), rares sont ceux qui ont réellement embrassé cette facette dans leur musique même. Agriculture le fait à merveille, bien que l'écoute qui en découle soit parfois déroutante.

Est-ce que tout oppose black metal et joie ? Je peux faire un parallèle avec ma consommation de science-fiction : bien que je sois une immense fan d'univers dystopiques où tout semble s'effondrer de tous les côtés, j'ai récemment eu une révélation pour les fictions solarpunk, où règnent l'optimisme et la foi en un futur correct possible. Pas étonnant que, dans le monde qui nous entoure, à l'ère à laquelle nous vivons, on cherche des échappatoires et du repos là où on peut et parfois là où on ne les attendait pas. Agriculture, pour moi, c'est ça.

 

 

Antichrist Siege Machine – Vengeance of Eternal Fire
Black/death bestial – Pays (Label)

Dolorès : Ecrire sur Agriculture puis Antichrist Siege Machine, c'est quand même faire un sacré pas de côté. Après avoir exploré notre facette optimiste, il faut quand même avoir toujours dans sa besace une chouette bande-son pour les moments où on aurait envie de tout casser et c'est exactement ce à quoi répond le bestial black/death sans temps mort d'ASM.

Toujours chez Profound Lore Records, le groupe américain a bien compris ce qu'on attendait de ce troisième album : une sortie coup de poing, efficace et pas redondante. Vengeance of Eternal Fire coche les cases avec sa durée de seulement 25 minutes et ses 10 titres dont un seul dépasse les 3 minutes. S'il l'était déjà, le projet est aujourd'hui encore plus accessible que Revenge et Archgoat par exemple (pour les groupes phares qui sortent encore de la nouveauté de nos jours), grâce à la production bien plus claire ici que sur les albums précédents d'ASM... Ce qui peut être vu comme un avantage mais pourra également désintéresser certain(e)s fans de cette scène qui porte, par essence, une aura sale.

 

 

Korpituli - Pohjola 
Folk black metal – Finlande (Korpituli Productions)

Malice : Je dois vous avouer que j'ai dû vérifier à deux fois que le Korpituli dont je m'apprête à vous parler est bien le même que celui qui a sorti (l'excellent) The Ancient Spells of the Past en 2021. Certes, j'avais raté le deuxième album du groupe sorti en 2022, mais le passage d'un black atmosphérique à claviers assez classique et très Burzum-esque à ce Pohjola, c'est un changement radical. 

En effet, fini la sorcellerie, les forêts sombres et le chant lointain et criard : Korpituli a décidé de raconter le folklore finlandais et de le faire avec une musique beaucoup plus... folklorique. Dès le morceau-titre « Pohjola » (rien à voir avec une célèbre marque de bière craft, mais bien le lieu qui, dans la mythologie finnoise, désigne l'ensemble des terres polaires), on se croirait dans un vieil album de Moonsorrow. Le chant alterne entre des vocaux typiques du black metal finlandais (Havukruunu, Faustian Pact) et des refrains scandés beaucoup plus folk/pagan.

Le tout ne perd pas son sens de la mélodie, même si d'une manière bien différente des débuts : on se retrouve toujours à siffloter l'air de l'un ou l'autre morceau à chaque écoute (l'enchaînement accrocheur au possible « Syyttä Suotta Sariolaan » - « Soittajapaimen » qui accélère presque comme un Finntroll de la grande époque). Sans instruments folkloriques ni pouet-pouet à tout va, Korpituli nous plonge la tête dans la première dans une sorte de sarabande profondément folk, qui pue presque l'excès de vodka (« Saunavihdat »).

LA grosse influence, en fait, dans l'approche (le chant féminin en moins), vient peut-être de Norvège et du projet Storm, qui n'a sorti qu'un seul album (Nordavind) en 1994. Album sorti du cerveau de Fenriz et Satyr, rien que ça, et devenu absolument culte. Scythe, cerveau de Korpituli, a d'ailleurs reconnu avoir repris l'air du « Oppi Fjellet » de Storm (basé sur une chanson folklorique nordique) pour le morceau-titre « Pohjola ». Il y a pire références. Dans tous les cas, si vous aimez cette approche très païenne et folkisante du black metal, Pohjola est pour vous, y compris si vous n'aimiez pas ce que proposait Korpituli par le passé.

 

Ilat Mahru – Incipit Akkadian
Black metal – Egypte (Death Prayer Records)

Matthias : Qui lit régulièrement mes chroniques sait que j'ai quelque chose avec les civilisations et les mythologies mésopotamiennes. Cela donnait toutes ses chances de retenir mon attention à cet Incipit Akkadian, premier EP du projet Ilat Mahru. Une formation qui, pourtant, nous vient d'Égypte et non de la contrée des deux fleuves. Pourtant, les berges du Nil ne manquent guère de ruines immémoriales et de tombeaux oubliés, bien assez en tout cas pour composer un black metal radicalement low-fi, voire raw, sur les millénaires des Pharaons. Mais Ilat Mahru préfère les rives du Tigre et de l'Euphrate, autre terre fertile de mythes, mystères, et autres divinités sanguinaires. Ce n'est pas moi qui vais trouver à redire à cette inspiration ; le projet est brut, mais ne manque pas non plus d'un certain sens de la mélodie, et ce gros EP – 34:20 – s'écoute aisément d'une traite. On se surprend à percevoir dans ce chant guttural les conjurations censées retenir les démons qui ricanent dans l'ombre sur « Through the Gates of Innana », tandis que Gilgamesh oscille entre fureur et folie sur le morceau-fleuve « Vengeance at the Spoiling of the Ruins ». Dans un style assez brut, qui d'ordinaire n'est pas ce qui m'attire le plus, Incipit Akkadian est un objet véritablement fascinant.

On rappellera au passage que jouer du metal, qui plus est extrême, dans un pays comme l'Égypte n'a rien d'une sinécure - l'occasion de renvoyer vers le reportage d'un de nos rédacteurs sur la scène locale. C'est pour moi une raison supplémentaire de soutenir un projet comme Ilat Mahru, dont je suivrai les prochaines sorties avec grand intérêt - d'autant plus que contre toutes attentes, il semble se produire en live.

 

Whoredom Rife – Den Vred Makt
Black metal – Norvège (Terratur Possessions)

Matthias : Dans la scène néo-norvégienne qui gravite autour de Terratur Possessions, Whoredom Rife fait partie des quelques groupes qui dénotent - à titre personnel, je citerai aussi Darvaza. Car soyons honnêtes, oui les Norvégiens ont apporté un vrai nouveau souffle aussi glacial qu'infernal dans les années 90, c'est incontestable, mais le Trve Norwegian Way-worshipping, ça a quand même ses limites. Les groupes actuels qui gravitent autour du courant Left-Hand Path ont tous, ou presque, une certaine tendance à se ressembler, même quand on a affaire à des musiciens confirmés.

Mais le projet que le compositeur et multi-instrumentaliste Vyl s'est créé déploie, lui, des mélodies entêtantes qui nous maintiennent dans la musique, et c'est d'autant plus vrai pour ce Den Vred Markt. L'album offre de très beaux morceaux mid tempo, comme le titre éponyme, « Fiender » et son solo de guitare glacial, ou encore la ballade spectrale « Phantom Sword ». A titre personnel je n'en retiendrai pas tous les morceaux, mais pour qui aime que son black metal reste fidèle à une certaine orthodoxie tout en offrant quelques belles compositions aux guitares plus aériennes, Den Vrede Makt est un album vraiment solide.

 

 

Belore – Eastern Tales
Black épique/symphonique – France (Northern Silence Productions)

Malice : Attention, chef d'oeuvre. Il n'y a pas d'autre mot pour décrire ce troisième opus de Belore, le projet d'Aleevok, bassiste de Darkenhöld. Un projet dont j'ai toujours apprécié la musique et reconnu les grandes qualités (le second album de Belore avait même les honneurs de notre... toute première Série Noire !), mais qui avait jusqu'ici manqué de ce petit « facteur X » qui me faisait y revenir.

Ce facteur X, il parcourt cet Eastern Tales de bout en bout. Belore, tout en étant naturellement toujours très influencé par les inévitables Summoning ou Caladran Brood, semble avoir trouvé sa voie et s'y est engagé à fond. « Sons of the Sun » nous plonge d'emblée dans des mélodies si oniriques et naïves (au sens noble du terme) qu'on croirait presque entendre la bande-son d'un classique de Disney (j'ai cru entendre une mélodie rappelant Le Roi Lion, c'est pour dire...).

Aleevok nous narre en tout cas avec énormément de passion la conclusion de sa trilogie, du chant clair solennel (l'intro acoustique de « The Hermit ») à un chant plus black. Mais surtout, Belore n'a jamais été aussi fort dans ses mélodies : « Storm of an Ancient Age » et son air de flûte fait presque penser à ce que le Nokturnal Mortum moderne a pu proposer sur Verity. Quant au final « Rise of a Sovereign », grandiloquent à souhait, il me reste bloqué en tête depuis des jours. Incontournable !

 

Khüll – Where Shadows Rise
Black épique/dungeon synth  – Espagne (Naturmacht Productions)

Malice : Voilà une approche un peu plus « old school » du black metal influencé par Summoning. Khüll est en réalité un projet solo espagnol qui, jusqu'ici, n'avait sorti que des titres très majoritairement dungeon synth. Un peu à l'image de son compatriote Elffor, dont la carrière est devenue presque impossible à suivre tant elle est prolifique, mais avec qui il partage énormément de sonorités.

Where Shadows Rise est le second album de Khüll et le premier vraiment orienté black metal, et il s'avère bien plus marquant que ses sorties dungeon synth précédentes. De celles-ci, Khüll a gardé une atmosphère très médiévale et épique, mais y greffe des moments bien plus centrés sur les riffs (l'excellent « Farkeng's Curse », la pièce de résistance « Son of the Shadows »). Seul bémol, une batterie qui sonne un poil factice, sans gâcher l'écoute. Peut-être pas l'album de l'année dans le genre, mais un projet à garder à l'oeil.

 

Darkthrone – It Beckons Us All
Black/doom/death metal – Norvège (Peaceville)

Circé : Nouvelle année, nouveau Darkthrone. Comme toujours, on aborde un peu le nouveau rejeton du duo norvégien avec des pincettes, avec à la fois peu et beaucoup d'attentes. Ceci dit, on commence à savoir ce qu'on va écouter : chaque décennie semble avoir son style de Darkthrone. Pour la décnnie 2020, le ton a été donné par Eternal Hails...... en 2021, où les riffs s'étiraient tout autant en longueur que la ponctuation pour un résultat quelque part entre du doom, du black 80s et la facette plus pesante du death old school, ponctué des vocaux Tom G. Warrior-esques de Nocturno Culto. Si les riffs et les compos n'étaient pas mauvaises en soi... On avait pourtant du mal à aller jusqu'au bout de l'album sans avoir l'impression de pédaler au milieu des mêmes riffs depuis cinq morceaux.

Pourtant, je sais qu'Eternal Hails...... a ses amateurs. Si vous en faites partie, c'est votre jour de chance, car It Beckons Us All continue sur la même route et celle d'Astral Fortress. Avec même un peu plus d'inspiration. Sans dire qu'on innove, vu que le mantra du groupe en est l'antithèse complète, on a un peu plus de variations, et des riffs un peu plus marquants. « The Bird People of Nordland » recycle même un peu de thrash sur sa fin. Un peu plus d'atmosphère et d'entrain, notemment avec les chants clairs et passages acoustiques. N'en reste pas moins que la moitié des riffs de l'album sont interchangeables avec ceux des deux précédents et qu'on a, à force, l'impression d'entendre le même squelette de morceau façonné différemment.

Mais bon, peut on vraiment en vouloir à un groupe devenu la mascotte de l'old school, gardien des archives de l'underground, qui de toute façon jouera ce qu'il a envie de jouer ?

 

Ecr.linf – Belluaires
Black metal voltairien – France (My Kingdom Music)

ZSK : Ecr.linf… curieux nom pour une formation de black metal n’est-ce pas ? Eh bien pour votre culture, sachez que « Écr.l'inf. » est un slogan, abréviation de « écrasons l’infâme », utilisé par Voltaire à la fin de ses lettres pour dénoncer l’obscurantisme religieux. Ce qui vaut ainsi à Ecr.linf d’être désigné comme « black metal voltairien ». Cette nouvelle formation parisienne compte notamment dans ses rangs Krys, vocaliste passé par de nombreux groupes de la scène française (Nerv, Jarell, 6:33, Område, Mur, Demande à la Poussière…), ici accompagné d’ex-Jarell et d’ex-No Return, du batteur Remi Serafino (Crusher, Dissident, ex-Svart Crown), et de Jean Lassalle aux claviers (si, si, je vous l’assure).

Pour son premier album Belluaires, uniquement précédé de deux singles alors que le groupe existe depuis 2021, Ecr.linf va pratiquer un black metal assez particulier. Si la promo parle de Deathspell Omega et Behemoth, on pourra trouver de multiples influences là-dedans mais Ecr.linf a déjà sa propre patte, sous le joug d’un black metal assez massif, souvent blastant ; mais aussi avec une touche hardcore relativement prégnante notamment de par le chant éraillé de Krys, qui assure l’héritage du « blackcore » de Mur entre autres. « Le Désespoir du Prophète » convainc d’emblée et tout du long des 41 minutes de Belluaires, Ecr.linf se montrera très inspiré dans les compos avec quelques riffs bien croustillants notamment quand l’ensemble tend vers un black/death plutôt efficace.

Mais Ecr.linf tente à chaque instant d’affirmer une certaine singularité, notamment de par les claviers de Jean Lassalle (si, si) qui amènent ici et là un côté plus classieux, ou encore avec des passages autrement plus remarquables (l’accordéon sur « La Danse des Crânes », le chant récité sur le plus aéré « Missive »). « Mon Ultime Projection » résume bien tout ce que Ecr.linf a à offrir, entre black/death remuant et breaks épiques, mais le pinnacle de Belluaires est atteint sur le fleuve « Valetaille », très inspiré et porté par un Krys aux vocaux vraiment fédérateurs. Si rien ne sort tellement des sentiers battus là-dedans, Ecr.linf sait néanmoins se distinguer avec ce black metal très « français » mais surtout très intéressant et même accrocheur, et Belluaires est un album à découvrir, que l’on adhère au concept « voltairien » ou pas.

 

Necrophobic – In The Twilight Grey
Black/death mélodique – Suède (Century Media)

ZSK : Nous avions laissé Necrophobic il y a six ans avec Mark of the Necrogram, son assez décevant huitième album qui marquait le retour d’Anders Strokirk, chanteur sur le premier album du groupe The Nocturnal Silence (1993). Malgré l’excellence absolue du single « Tsar Bomba », force était de reconnaître que les Suédois marquaient le pas suite à Womb of Lilithu (2013) après une discographie quasi irréprochable jusque là. Depuis, le line-up s’est (enfin) stabilisé même si le poste de bassiste a bougé par deux fois, et Necrophobic a repris un peu de verve avec le correct Dawn of the Damned (2020). Même si on est encore loin du trident de référence qu’était The Third Antichrist / Bloodhymns / Hrimthursum, auquel on peut encore ajouter Death To All (2009).

Le groupe suédois continue maintenant son petit bonhomme de chemin, lui qui est mine de rien un des derniers groupes « historiques » de la scène suédoise a être en activité un minimum soutenue. Voilà donc son dixième album, In the Twilight Grey. Sans surprise, Necrophobic fait toujours du Necrophobic, soit du black mélodique suédois qui bénéficie néanmoins d’un certain héritage death, genre qu’il pratiquait davantage à ses débuts. Bien que correct, Dawn of the Damned manquait de véritables accroches et se distinguait plutôt sur son aspect mélodique assez inspiré, en témoignait le fleuve « The Return of a Long Lost Soul ». Ça tombe bien, In the Twilight Grey va se situer dans cette lignée, même si la première chose qui frappe reste une production relativement plus old-school qu’à l’accoutumée. Soit.

In the Twilight Grey sera même franchement généreux avec pas moins de trois morceaux dépassant six minutes, pour 54 unités de black suédois au total. C’est beaucoup et ce disque ne sera donc pas exempt de longueurs (cf. un « Shadows of the Brightest Night » très inégal puis un « Mirrors of A Thousand Lakes » dispensable). Mais Necrophobic est globalement en bonne forme, et après une ouverture classique mais efficace, convainc déjà son auditoire avec un « As Stars Collide » très enlevé puis un « Stormcrow » très complet. In the Twilight Grey se clôturera alors - avant son outro - par l’excellent morceau-titre où toute l’inspiration de la composante mélodique ressortira bien. Cela ne suffira pas à convaincre un autre auditoire que les indécrottables amateurs de Necrophobic, et même si ses meilleures années sont derrière lui, le groupe est toujours bien là et ne fait nullement honte à sa scène. C’est dans les vieux pots que…

 

They Came From Visions – The Twilight Robes
Black Metal – Ukraine (Eisenwald)

Malice : Horns Up trying to sortir une Série Noire sans groupe ukrainien challenge – impossible. Sérieusement, on parle de l'Islande comme du pays comptant le plus de groupes de black metal par tête de pipe, mais l'Ukraine a son mot à dire. Et le dit généralement bien, ce qui ne va pas changer avec They Came From Visions. Fort d'une identité visuelle marquante avec ces fameuses tenues tout droit sorties du folk horror le plus trendy, le combo de Kiev a fait un petit buzz avec ce second album The Twilight Robes. 

Tout, ici, crie « Ukraine » : ces riffs qui tombent en déferlante pendant de longues minutes, ce chant écorché, haineux (et un peu surmixé), mais aussi ces interludes acoustiques inquiétants. La formule reste un peu prévisible, avec ses moments de brillance, comme l'incroyable riff central de « Burning Eyes, Blackened Claws », mais aussi ses ralentissements inutiles qui empêchent l'effet coup de poing. On pense par moments à leurs fantastiques compatriotes de Svrm, sans forcément en atteindre le niveau d'émotion brute (le chant en anglais plutôt qu'en ukrainien n'aide pas). Quoi qu'il en soit, pour les amateurs de black metal slave truffé de mélodies poignantes (le final de « The Sign of Damnation »!), The Twilight Robes reste une écoute plus que recommandable en ce printemps morose.

 

Labyrinthus Stellarum – Vortex Of The Worlds
Black metal cosmique – Ukraine (Indépendant)

Malice : Premier point : je me fiche un peu de savoir si la pochette de ce second album de Labyrinthus Stellarum a été générée par IA ou non, elle CLAQUE. Et surtout, elle colle totalement à la musique complètement over the top des Ukrainiens (décidément...), qui ont poussé les potards à fond pour ce deuxième opus encore plus bardé de pouetpouetblipblipdzioummmdzioumm que le premier. 

Oubliez le black « à l'ukrainienne » : Labyrinthus Stellarum fait du Mesarthim. Du black spatial qui déborde de sonorités étranges, comme ces étranges voix robotiques dès l'inaugural « Transcendence ». Là où Tales Of The Void, le précédent opus, était accrocheur (le morceau « The Eternity » avait été mon tube de l'été 2023), Vortex Of The Worlds va encore un peu plus loin, comme un Mechina qui aurait été infusé au black plutôt qu'au death. On a même droit à du chant clair au vocoder sur l'immense « Interstellar Wandering », avant que « From the Nothingness » vienne rappeler les débuts de Mesarthim (qui nous manquent parfois, on peut l'avouer).

Bien moins atmosphériques et oniriques que Midnight Odyssey, plus lisses et accessibles que Lustre (dont ils rappellent tout de même clairement les ambiances), les Ukrainiens ont réussi à se créer une personnalité quelque part dans la galaxie du black metal cosmique. Et ils font même du live, même si compte tenu des circonstances, on ne les verra pas tout de suite par chez nous. Clairement un duo à suivre que celui des frères Misha et Alexander Andronati. 

 

Misotheist – Vessels by Which the Devil is Made Flesh
Black metal orthodoxe – Norvège (Terratur Possessions)

Varulven : La réputation de la scène « Nidrosian Black Metal » de Trondheim n’est plus à faire dans les cercles d’initiés. Nous mêmes il nous arrive, au sein de Horns Up, de disserter de temps à autre à propos de Vemod, Whoredom Rife et bien sûr Darvaza. Et de vanter la créativité et la dévotion ardente dont tous ces projets font preuve au gré des sorties. Je vous parlais il y a quelques temps du premier album de Funeral Harvest, jeune formation suivant les traces encore brûlantes d’un Darvaza, entre violence et ferveur spirituelle des plus hermétiques. Voici aujourd’hui un autre apôtre ignominieux, qui hante à son tour les cryptes infernales de l’ancienne Nidaros.

Pourtant plus confidentiel que ses illustres camarades, Misotheist n’en est pas moins tout aussi intéressant. En proposant une version plus étirée et fleuve du black metal orthodoxe si caractéristique de cette micro scène. Ce troisième essai, Vessels by Which the Devil is Made Flesh, reprend à son tour les codes distillés dans les précédents opus, autant dans la forme que dans le fond. Trois longs morceaux, entre 6 et 20 minutes, qui développent progressivement leurs ambiances noires et tortueuses. Tantôt furieuses et incandescentes, tantôt profondes et étouffantes. Blast beats et trémolos pickings d‘un côté, nappes dissonantes de l’autre, on passe de l’un à l’autre de ces deux essences opposées. Qui convergent malgré tout vers un même dessein, une même émotion : l’apologie de l’occulte et la dévotion au Malin. Un territoire sans surprise, certes. Mais dans lequel il est toujours captivant de s'aventurer.