Celeste + Conjurer @ Tourcoing
Le Grand Mix - Tourcoing
hell god baby damn no!
Le rythme des concerts commence à sérieusement reprendre, et pourtant, il y a quelque chose de l'ancien rituel de se rendre dans une salle qui ne revient pas totalement. Malgré l'enthousiasme, j'ai bien l'impression que nous sommes un petit nombre à être devenus plus feignants. Outre le fait que le public prend désormais majoritairement ses places à la dernière minute, conséquence du climat incertain de ces deux dernières années, il faut se forcer un peu, pour sortir de chez soi au lieu de se contenter d'y écouter sa musique. C'est en tout cas mon sentiment alors que je grimpe dans le métro depuis mon nouveau chez-moi lillois, direction Tourcoing.
Deuxième fois pour moi avec Céleste, que j'avais d'ailleurs plus ou moins découvert en live il y a quelques années. Et première fois au Grand Mix, salle que je découvre être taille parfaite pour les “gros concerts underground” du type de celui dont il est question ici. Située à deux pas de la bouche de métro, on apprécie également bien la localisation idéale. La soirée n'est apparemment pas sold out mais la salle est tout de même bien remplie sans pour autant qu'on se marche sur les pieds, et ce dès le premier groupe.
Le premier groupe en question est Conjurer, quatuor anglais signé chez Nuclear Blast, dont le second album, Pathos, sortira cet été. Les britaniques ont tout de même un EP, un split et un album à défendre sur scène, et auront de quoi jouer pour environ une bonne heure. N'étant pas du tout familière avec le groupe, j'y vais en me fiant à l'étiquette donnée par metal archives “sludge/doom/post-metal”. Ce qui veut donc dire que je m'attends à m'ennuyer de pied ferme, n'étant pas très friande de lenteur pachydermique (et la présence d'un ex Esoteric à la batterie n'améliore rien à mes pronostics). Mais voilà qu'au final, Conjurer se révèle être une bonne surprise. Outre les lumières roses-violettes type salle des fêtes qui accompagnent certains des morceaux de manière pas très appropriée, Conjurer est plein d'énergie et de surprises, varie le tempo assez pour tenir en haleine tout le long du set et satisfaire tout autant les fans de lourdeur que de blasts. On n'est pas dans la finesse, que ce soit dans les passages les plus doom ou les plus death – Conjurer est là pour montrer qu'il en impose, et que, comme le chanteur nous le montre en s'élançant sur l'avant-scène sans micro au milieu d'un morceau, il n'a pas besoin d'amplification pour que son growl porte. Le public semble assez réceptif (bien que statique), et pour quelqu'un comme moi qui n'est pas du tout le public cible, je n'y trouve que peu de longueurs et le set passe bien vite.
La salle se remplit encore un peu plus avant que Celeste ne prenne la scène. Lampes frontales rouges, guitares lourdes et tempo monolithique, impossible de ne pas être directement absorbé, englouti, par la violence glaciale qui s'abat sur nous. L'univers visuel du quatuor est ce qui m'a fait rentrer dans leur univers, autant épuré que radical, que ce soit sur les visuels des pochettes d'albums que sur les prestations live. On est perdus dans le noir avec ces seules lampes frontales rouges pour repères, qui vascillent selon les mouvements des musiciens. Celeste réussit à créer une expérience live totale avec si peu de choses, pour un résultat beaucoup plus marquant que tant de groupes abusant d'aparat pour se produire sur scène. La musique, bien sûr, y est pour quelque chose, dans un registre purement post-black lent et écrasant, saturé au possible, mais cette recette est au finale bien assez connue aujourd'hui pour que ce qui fasse la différence soit ce que le groupe parvient à créer sur scène. Niveau setlist, Celeste axe le choix, comme on pouvait s'y attendre, sur le nouvel album qu'ils sont venus défendre. Assassine(s), sorti en début d'année chez Nuclear Blast, poursuit le chemin dans la suite logique d'Infidèle(s) : on a bel et bien laissé la frénésie des débuts sur le bord de la route pour s'enfoncer plus profond dans les influences sludge des français, des riffs monolithiques plutôt que chaotiques, le tout animé par les rythmiques d'une batterie qui semble plus vivante que les guitares. Et résultat, en live, ça marche plutôt très bien, même si Assassine(s) manque encore peut être de titres bien reconnaissables comme son prédécesseur pouvait en avoir (la preuve étant “Comme des amants en reflets”, encore imparable ce soir). Même si les albums plus anciens tels Morte(s) Née(s) auront toujours ma préférence, il n'y a pas à dire, Celeste en live reste une expérience intense. On est en apnée pendant tout le set, baignés par les faisceaux rouges, lumière-phare sinistre dans l'obscurité – au delà des strobos blancs qui éclatent ça et là.
Lorsque la houle des guitares et des cris se taisent et que la lumière revient, c'est en se sentant un peu vidé, drainé, qu'on termine sa soirée. Une bonne vieille soirée de concert si annodine et qu'on savoure pourtant toujours autant.
Merci à Celeste et Conjurer pour la musique, et à Voulez-vous danser pour l'accréditation !