Leprous + Monuments + Kalandra @ Salle Pleyel, Paris
Salle Pleyel - Paris
hell god baby damn no!
Leprous n'a pas manqué de communiquer avec ses fans durant l'arrêt forcé des concerts dû au covid, et même depuis la reprise : livestreams, concerts virtuels, une tournée anniversaire en 2021... Avec tout ça, le groupe n'avait pas encore pu offrir à son septième album, Aphelion, une tournée digne de ce nom. C'est en ce début d'année chose faite avec une bonne floppée de dates européennes, dont un bon nombre en France. Embarquant au passage les compatriotes de Kalandra et les Britaniques de Monuments, la tournée s'arrête ce dimanche 12 février à l'emblématique Salle Pleyel pour une soirée de haute volée pour tout fan de metal progressif (et de vocalises).
Kalandra
Cela commence à faire quelques années que je suis Kalandra, et quel plaisir que de voir le trio norvégien tourner en Europe régulièrement sur d'aussi belles affiches. Savoir si le public metal est au rendez-vous est cependant toujours une autre question ; leur pop-folk est typique de ces groupes nés dans la sphère metal, qui en font de facto partie, sans pour autant y correspondre musicalement. Tirant cependant autant leurs influences d'Aurora que d'un Wardruna modernisé, ou encore de la tête d'affiche de ce soir, Leprous, il y a en tout cas de quoi plaire au fan de metal un peu ouvert à la découverte et sensible à la mélodicité et aux voix touchantes. Le groupe débute d'abord par « Borders », où le chant à cappella de Katrine capture immédiatement l'attention et nous emmène vite dans un univers sensible et ethéré, plein d'influences allant du prog au folk en passant par des sonorités électroniques rappelant des ambiances trip hop. Bon, on retrouve un problème assez récurrent lors des lives de ce groupe : les guitares et les subtilités des arrangements se retrouvent vite noyés dès que la batterie entre en jeu. Une vraie perte, car Kalandra propose pourtant une musique délicate et une approche moderne de la folk scandinave en y mêlant tantôt une pop douce, tantôt un rock plus trempé, comme sur « Brave New World » sur lequel le set se clôt. Cela ne m'a pour autant pas empêché de me laisser emmener planer par la musique du groupe et le chant volatile de Katrine, semblant elle aussi souvent perdue dans sa musique, jusque dans sa gestuelle. Un vrai bonheur que de les revoir encore (et d'avoir enfin l'opportunité de leur faire une petite place dans nos pages).
Monuments
La salle continue de se remplir, et Pleyel nous rappelle encore une fois que ce genre de concert n'est pas ce qu'ils font le plus avec une annonce automatique d'une “entracte de vingt minutes” (pendant laquelle le public peut se délecter d'une pinte de blonde à 11 euros).
Suite à cet interlude, changement assez radical de style et d'ambiance. C'est son nouvel album, In Stasis, que Monuments vient défendre ce soir sur scène devant une salle plutôt cliente. Le groupe a ses fans présents en nombre et Andy Cizek, le frontman, le leur rend bien. Chaleureux, bouillonnant d'énergie communicative, l'américain prend toute la place, quitte à quelque peu éclipser le talent indéniable des autres musiciens. Si son chant clair est puissant et maîtrisé, ses vocaux saturés se font cependant bien faibles dès qu'ils montent dans les aigus. Dommage, car la volatilité de sa voix est sinon un vrai atout.
Certes, toute personne qui me connaît de près ou de loin se doute bien que Monuments est à l'opposé du style de metal progressif que j'écoute. Trop tech (pour ne pas dire djent), trop metalcore. Mais résultat des courses, grâce à cette bonne humeur, à une musique sachant rester brutale, mélodique et intelligente, j'ai, sans prétendre avoir adoré, passé un bon moment.
Leprous
21h approche, et il est temps de trouver un juste milieu entre le style des deux premiers groupes, et Leprous est au final une synthèse parfaite. Le changement de plateau se fait assez rapidement, quelques barres lumineuses sont installées en symétrie, promesse d'un show aussi chiadé que le sera la musique. La fosse se remplit mais ne semble pas aussi sold out que ce qui était annoncé– on est loin de se marcher sur les pieds.
Enfin, les lumières s'éteignent, et les premières notes d' « Have you ever » retentissent alors que les membres du groupe entrent un par un sous des lumières rouges opaques. Le groupe nous offre ce soir quelques classiques – rien de Bilateral, mais les paroles et mélodies de « The Price » ou « Illuminate », vite reprises en choeur par le public. Mais la setlist met sans surprise en avant Aphelion, un album dans la continuation directe de Pitfalls (duquel on aura aussi le droit aux morceaux les plus emblématiques). Cette nouvelle sortie nous montre un Leprous toujours moins metal, moins démonstratif dans la technicité, mais toujours plus riches en influences hors metal ainsi qu'en mélodicité et en exploits vocaux d'Einar Solberg dont les vocalises sont désormais iconiques. Et qu'est-ce qu'il est difficile de succéder à un tel monument, album quasi-parfait qui démontre toute l'intelligence et l'agilité de Leprous. On ne va pas se mentir, Aphelion n'est pas aussi marquant, mais il n'en reste pas moins un excellent album, comme le groupe nous le démontre ce soir. Des sonorités acoustiques d'un morceau plein de mélancolie comme « Castaway Angels » qu'Einar dédie d'ailleurs à l'Ukraine, aux riffs syncopés de « Nighttime Disguise » en passant par les sonorités électroniques de « On Hold », la versatilité de Leprous déploie ici toute son ampleur. Le sens de la mélodie, du refrain accrocheur, complémentent parfaitement les démonstrations techniques sans jamais que l'un ne prenne vraiment le pas sur l'autre ; un équilibre complexe que le groupe maîtrise plus que jamais – il n'est d'ailleurs pas rare que Robin ou Tor aux guitares ne montent sur le petit podium au devant de la scène pour complètement voler la vedette au frontman. Et en parlant d'Einar Solberg, ses prestations vocales sont toujours plus puissantes et maîtrisées, qu'elles aillent elles aussi puiser du côté de ses envolées lyriques démonstratives ou bien dans la douceur et l'émotivité.
Autre gros point fort de ce concert et de cette tournée, c'est évidemment la présence de Raphael Weinroth-Browne au violoncelle, tout comme sur le dernier album. Une présence discrète, malheureusement reléguée dans un coin au fond de la scène, mais qui reste tout de même bien audible et nous offre de très belles intros et transitions. Alors que le son avait quelques petits défauts sur les groupes précédents, notamment lorsqu'il s'agissait d'accomoder une musique saturée à des instruments acoustiques, ici les guitares électriques et le synthé opéré en alternance par Einar et Simen ne gâchent en rien le violoncelle, ni d'ailleurs la guitare acoustique. Il n'y a pas à dire, que ce soit le son, les lights, l'exécution et la prestation scénique, tout est réglé au milimètre pour un show très léché et esthétique. Une expérience totale servie par d'excellents musiciens à tous les postes et un public de fans. Le concert file à grande vitesse, et déjà Einar nous annonce qu'on approche de la fin. Après une brève sortie de scène, retour des lumières rouges, et le groupe termine de manière musclée avec « The Sky Is Red ». Probablement leur morceau le plus intense, que ce soit chez les guitares qui vont puiser directement chez Meshuggah, ou au chant nerveux et complètement possédé d'Einar. Un coup de poing au milieu de ces lights rouges qui ne font que renforcer l'urgence et l'oppression du morceau, pour un final magistral à un concert sans faute.
Setlist :
Have You Ever ?
The Price
Illuminate
Running Low
On Hold
Castaway Angels
From The Flame
Alleviate
Out Of Here
Slave
The Cloack
Below
Nighttime Disguise
The Sky Is Red
Merci à Base prod. pour l'accréditation !