Watain + Abbath + Tribulation + Bølzer @ Paris
Elysée Montmartre - Paris
hell god baby damn no!
De la moiteur du métro bondé (et en retard) au joli chaos sonore et olfactif du fourmillant boulevard de Rochechouart, une sensation de rentrée “normale”, pré-covid, flotte dans l'air en ce mois de septembre. Et avec elle bien sûr, le retour des dates Garmonbozia. On ne va pas se mentir : l'odeur de pisse n'a manqué à personne, mais il y a un certain confort dans la familiarité de se joindre à une queue de trente mètres de long de chevelus de deux fois ma taille habillés tout autant en noir que moi. C'est un gros plateau qui nous attend ce soir avec deux gros blockbusters du Black Metal, l'un entretenant fièrement son statut de meme des internets, l'autre se voulant toujours aussi true. Il n'en n'est pas moins que Watain et Abbath se partagent la vedette ce soir, comme deux facettes d'une même pièce, et que le public (le même) attend tout autant l'un que l'autre. Les premières parties sont tout aussi attractives, puisque c'est le duo Black/Death Bölzer qui ouvrira la soirée, suivi du death mélo gothique de Tribulation.
Une date comme ça en semaine, ce n'est pas forcément l'idéal : ouverture des portes à 17h, Bölzer annoncé 45mn plus tard... Histoire de finir vers 22h30. On ne s'étonne guère de voir la salle si peu remplie pour les Suisses. Les deux frères sont en train de faire leurs soundchecks lorsqu'on arrive, et commencent au final à jouer avec une quinzaine de minutes de retard – on capte d'ailleurs à peine que le set commence réellement, tant il commence immédiatement sans sortie/retour sur scène.
BÖLZER
Si vous avez suivi mes aventures à l'In Theatrum Denonium l'hiver dernier, vous vous souvenez peut être de ma déception face à l' annulation de Bölzer suite à une blessure du batteur. La configuration très particulière du groupe, avec uniquement une batterie et une guitare sous accordée comme une basse, donne une atmosphère très singulière sur album, avec des compositions brutales et mystiques, dissonantes, desquelles émerge une voix hallucinée à la limite entre le chant clair et le growl. Bref, Bölzer a une aura toute particulière, que je n'avais jamais eu l'occasion de voir en live. Et... Et ça ne passe pas. Les éléments sont là, les rythmiques décousues font leur effet, mais la guitare se noie dans le reste, les basses sur lesquelles tant se joue sur album noyées par la batterie. Même sur les passages les plus mélodiques, l'atmosphère n'arrive pas forcément à se créer, et on se trouve à suivre plus les oscillations de la grosse caisse qu'autre chose. “The Archer” reste le morceau le plus reconnaissable dans ce magma sonore, et le meilleur moment du set pour moi. Le chant, lui aussi souffre un peu, mais la présence scénique de KzR n'est tout de même pas négligeable, même lorsqu'il reste stoïque, seul occupant du devant de scène. Seulement, lui aussi semble à peine convaincu par son set et sort brutalement à la fin de celui ci en mode “fuck it”. Un début en demie-teinte et une déception pour l'un des deux groupes que j'attendais de pied ferme pour cette soirée – la musique de Bölzer, si particulière, n'a tout simplement pas une configuration faite pour le live.
TRIBULATION
Changement de registre : ce sont les Suédois de Tribulation qui prennent le relai. Large backdrop avec leur logo et lumières verdâtres, les goths du melodeath se lancent en pleine forme pour ce premier jour de la tournée, avec une bonne énergie communicatrice. La salle se remplit un peu plus, et même si l'audience reste clairsemée, on perd cette impression de vide qui se faisait sentir face à Bölzer alors que l'énergie du groupe fait son effet. Le son est tout de suite bien meilleur, et n'a rien à voir non plus avec celui auquel j'avais eu droit en août à Bergen. Je n'arrête vraiment pas de voir Tribulation, surtout pour un groupe que je n'écoute pas tant que ça chez moi (même si je me répète que je devrais à chaque fois), et il est drôle de me rendre compte que je commence vraiment à reconnaître certains morceaux malgré tout. La prestation de ce soir me rappelle en tout cas fortement celle d'il y a quelques années à Petit Bain, pleine de groove, de mélodies et de solos possédés. Le groupe joue en tout cas apparemment beaucoup du dernier album, When gloom becomes sound, ainsi que le dernier single “Hamartia”. Tribulation reste une valeur plus que sûre en live, et oui, je vais m'y mettre sérieusement cette fois-ci.
ABBATH
Si je dois établir un ratio attentes / vécu de cette soirée, c'est étrangement Abbath qui remporte la palme. Il faut dire que mes attentes étaient très basses, proches de l'inexistance, pour ne pas dire négatives. Et voilà que l'ex-Immortal débarque sur scène avec sa troupe, apparemment sobre, ou quoi qu'il en soit capable de tenir son instrument et d'en jouer tout en beuglant parfaitement ses lyrics. Les compos n'ont certes rien d'extraordinaires : un peu aggressif mais pas bourrin, un peu mélodique mais pas mielleux, entraînant. Du gros son, comme on dit. On dit aussi, “ça fait le taf”. Je n'ai vraiment pas d'autre expression pour en parler : rien de mémorable, mais oui, sur le moment, ça fait bouger la tête. On s'échauffe et ça s'enjaille un peu dans le pit, et je me prends au jeu. Sur scène, la deuxième partie de set monte légèrement en grade après une série de morceaux des derniers méfaits du frontman : ça balance un petit “Warriors” de I, le vieux projet Black'n'roll d'Abbath et King ov hell, et on finit sur trois titres d'Immortal. Ca tient la route et franchement, c'est tout ce qu'on demande.
WATAIN
Oui, vous l'aurez compris, c'est pour Watain que je me suis déplacée ce soir ; un de mes premiers groupes de Black Metal. Je reste fort attachée aux démons suédois, à leur espèce d'aura, peut être un peu surfaite sur les bords et clairement surexploitée, qui m'avait cependant clairement marquée à l'époque. Il faut aussi dire que leur dernier album, The agony and ecstasy of Watain, revient sur des compositions plus abouties, plus variées et plus marquantes que la plupart de ce que le groupe a pu produire après Lawless Darkness. Un retour également vers plus de brutalité avec des morceaux réellement nerveux et destructeurs, et ce dès les premiers notes de l'album. Bref, un Watain possédé avec un Erik véhément derrière son micro. Enfin en raccord avec l'image sans compromis que le groupe affiche. Et c'est exactement ce à quoi on aura droit sur scène ce soir.
Le show se fera sans pyro, évidemment, les séquelles de l'incendie de l'Elysée Montmartre sont trop fraîches pour la prise de risque. On ne va pas se mentir : ça enlève à la prestation, surtout lorsqu'on a l'habitude d'avoir la sensation de cuire en enfer dans les premiers rangs tant la température monte. L'absence de flammes n'affecte en revanche en rien l'énergie du groupe qui débarque sur “Ecstasies In Night Infinite”. Un des meilleurs du dernier album, et une vraie bombe en live : le public s'échauffe, ça headbang et ça scande. “The Howling” et le plus mélodique “Serimosa” passent eux aussi très haut la main le test de la scène, et j'espère retrouver régulièrement les riffs vénéneux de ce dernier titre à l'avenir. La setlist alterne entre nouveautés et classiques en privilégiant toujours les choix les plus brutaux – on enchaîne donc, entre le petit rituel du calice avec lancer de sang, avec “I am the Earth” et “Reaping Death” avant que “The Devil's blood” ne vienne remettre une (relative) touche mélodique. Watain nous matraque sans relâche avec une ferveur qu'on lui rend bien ; la hargne explose, un torrent de haine porté par la furie des musiciens. “Malfeitor” finit d'enflammer la salle et de détruire ma nuque, et Erik reste seul sur scène agenouillé devant le petit autel avant que les lumières ne se rallument. Une partie de moi reste cependant sur ma faim: le concert m'aura paru extrêmement court, et la setlist manquant un peu d'un morceau ou deux (je n'ai en outre eu droit à rien de Sworn to the Dark, mon album favori). Le dernier album confirme cependant toutes ses qualités en live, et c'est tout ce que j'en attendais.
Setlist :
Ecstasies in Night Infinite
Black Salvation
The Howling
I am the Earth
Reaping Death
The Devil's Blood
Serimosa
Not Sun nor Man nor God
Before the cataclysm
Malfeitor
Merci à Garmonbozia pour l'accréditation !