"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Depuis quelques années, Watain fédère autant qu’il divise. Si ses deux premiers méfaits, Rabid Death’s Curse (2000) et Casus Luciferi (2003) n’ont juste pas trouvé grâce aux oreilles de ceux qui n’aiment pas leur Black trop cracra, la discussion se sera entamée ensuite. Entre un Sworn To The Dark (2007) jugé trop simpliste voire « commercial », un Lawless Darkness (2010) avec son hommage à Dissection un peu trop voyant, et un The Wild Hunt (2013) assez chelou avec ses morceaux bien doux comme "They Rode On". Et on passera sur l’approbation de sa doctrine satanique très appuyée. Watain évolue, joue avec ses codes et ses influences, et finit par diviser son auditoire. Allez donc savoir ce qu’il lui fallait faire pour remettre tout le monde d’accord… Des hymnes immédiats comme sur Sworn To The Dark ? Des mélodies endiablées comme sur Lawless Darkness ? La poursuite jusqu’au-boutiste des expérimentations de The Wild Hunt ? Un retour aux sources ? Rien de tout ça, un peu de tout ça à la fois, une direction ou l’autre, la question va être posée avec le 6ème opus des Suédois. Et la réponse se fera bien vite avec la parution du premier single de Trident Wolf Eclipse, le morceau d’ouverture "Nuclear Alchemy", crade, bourrin, primitif. Bien évidemment, cela ne veut rien dire car même un The Wild Hunt comportait des morceaux bien bruts à côté de bizarreries à la "They Rode On". Mais il ne faudra pas aller bien loin dans l’écoute de Trident Wolf Eclipse pour comprendre où veut aller Watain : dans la direction opposée à The Wild Hunt, sans faire un vrai retour en arrière. C’est sûr, pour attaquer 2018, Watain est bien vénère.
L’équation de Trident Wolf Eclipse sera alors très simple : prenez les morceaux les plus rentre-dedans de The Wild Hunt comme par exemple un "De Profundis" et répétez la formule autant de fois que nécessaire, et voilà le travail. Le résumé est certes un peu facile car il y aura dans Trident Wolf Eclipse des morceaux un peu moins « rapides » que "Nuclear Alchemy", mais ce qui est déjà sûr, c’est qu’hormis le final "Antikrists Mirakel" et ses sortes de vocaux incantatoires, il n’y aura sur Trident Wolf Eclipse absolument aucune trace de chant clair à la "They Rode On". C’est déjà ça de pris et ceux qui avaient été repoussés par cet aspect de la musique de Watain sur The Wild Hunt peuvent revenir immédiatement dans le giron satanique des Suédois. Surtout que Watain va encore plus loin, Trident Wolf Eclipse bénéficiant d’une prod particulièrement crade, étouffée, peu puissante mais très tranchante. Le groupe prend clairement une direction Black/Thrash sur cet opus, s’éloignant des préceptes du Black/Death suédois qu’il arborait jusqu’à Lawless Darkness. Watain ne se réinvente pas non plus, pas plus qu’il ne signe un retour à quelque chose qui ressemblerait à Rabid Death’s Curse. Non, il prend juste un certain contrepied à The Wild Hunt en lavant tout ce qui était « clair » dans cet opus, et en conservant tout la composante la plus violente. Le retour d’un Watain bien méchant, avec son sang de porc et ses cloutières, qui se prend limite pour Deströyer 666 mais a toutes les chances de le faire bien. Inutile de dire que si vous aviez été déçus de The Wild Hunt, Trident Wolf Eclipse fera du bien par là où il passe, en se posant directement comme l’album le plus bastos de Watain.
"Nuclear Alchemy" est un parfait opener, tout en finesse (ou pas), et est d’ailleurs le morceau le plus court de l’album. Un album qui, d’ailleurs, si on l’ampute du final "Antikrists Mirakel", ne dure que 35 minutes. Watain va donc profiter de ce temps qui lui est alloué pour envoyer du bois, ralentissant très rarement la cadence (à vrai dire et hors breaks ici et là, pour deux morceaux seulement, "Teufelsreich" et le plus appuyé "The Fire of Power"), pour le reste c’est l’agression qui prédomine, dès l’excellent et bien percutant "Sacred Damnation" où le chant d’E. est particulièrement entraînant. Le bien méchant "Furor Diabolicus" qui porte bien son nom et le très tranchant "Ultra (Pandemoniac)" se feront encore bien remarquer parmi ces assauts sanglants, mais Watain n’oublie pas ses fondamentaux et se rappelle tout de même ses origines suédoises dès qu’il sort les mélodies ("Sacred Damnation", "A Throne Below", "Towards the Sanctuary"). Et il n’y a pas plus à en dire tant Trident Wolf Eclipse va droit au but. Inspiré, Watain fait souvent mouche avec cet album très efficace à défaut d’être original (qui sonne même déjà-entendu par moments). Toutes les qualités de composition de Watain sont là-dedans et font oublier les écarts un peu ratés de The Wild Hunt. Peut-être que certains auraient préféré que le groupe ose un peu plus plutôt que de donner dans un Black/Thrash un peu balisé par moments. Mais même s’il se digère vite, Trident Wolf Eclipse cartonne suffisamment pour se poser comme un album de Black-Metal de qualité, surtout que le groupe suédois ne donne pas non plus dans le primitif bas du front et travaille toujours ses compositions. Underground ou pas/plus, on pourra se poser la question pendant des heures, Watain va encore diviser mais son choix sur cet album semble clair : pas de chichis, on envoie du gras, tout en restant nous-mêmes, sans trop dévier d’un Black-Metal blasphématoire mais toujours un peu mélodique. On adhèrera ou pas, mais si on voulait revoir un Watain agressif qui arrête de s’amuser avec des chants clairs hors de propos ou qui singe Dissection dans tous les coins, Trident Wolf Eclipse réussit son office et appuie là où ça fait mal.
Tracklist de Trident Wolf Eclipse :
1. Nuclear Alchemy (3:07)
2. Sacred Damnation (4:41)
3. Teufelsreich (4:26)
4. Furor Diabolicus (4:43)
5. A Throne Below (4:09)
6. Ultra (Pandemoniac) (4:01)
7. Towards the Sanctuary (4:54)
8. The Fire of Power (4:42)
9. Antikrists Mirakel (7:09)