Shining + AlithiA + Insolvency @ O'Sullivans Backstage by the Mill
O'Sullivans Backstage by the Mill - Paris
Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Shining en live était pour moi, jusqu'à présent, une valeur sûre : ambiance de folie systématique, déluge de titres plus incroyables les uns que les autres, travail soigné sur les lumières et le son ; chacun de leur concert est un pur régal. Sauf que, cette fois, une petite appréhension plane, l'éventualité d'un set gâché par les titres de leur dernier album (et monumental fiasco) n'est malheureusement pas à exclure. Mais avant que les Norvégiens n'investissent la petite scène du Backstage, deux groupes ont pour mission de préparer le public : les Français de Insolvency et les Australiens d'AlithiA.
Insolvency
La salle est encore pratiquement vide lorsque les nappes samplées servant d'intro au set d'Insolvency sont lancées. C'est donc devant un parterre très clairsemé que le groupe attaque le premier titre. Le quatuor délivre un metalcore qui m'aurait sans aucun doute bien plu si je les avais découverts au lycée, mais qui aujourd'hui ne m'intéresse pas plus que ça. Il faut néanmoins reconnaître que leurs compos sont bien faites, avec un riffing assez mélodique et des leads élaborés et techniques. Les breakdowns sont peut-être un peu moins inventifs, mais ils font leur office de décérébrage en binaire et c'est bien tout ce qu'on leur demande. Côté chant, si les screams et growls sont maîtrisés, la voix claire quant à elle n'est pas à la fête : pas toujours très justes, les lignes de chant se ressemblent beaucoup d'un titre à l'autre. Cela n'empêche pas Insolvency d'apparaître comme un groupe carré, et ce alors que, d'après les dires du chanteurs, cela faisait un moment que le groupe n'était pas monté sur scène. Même en étant devenu un peu hermétique au genre, je ne peux que reconnaître le potentiel d'Insolvency. Un poil plus de spontaneité (et de place, la scène étant réduite à son minimum du fait de la présence des instruments des groupes suivants) n'aurait pas fait de mal à la prestation, mais les Français s'en tirent avec les honneurs.
Setlist de Insolvency:
01. Divided (Instrumental)
02.Tears of The World
03.Antagonism of the Soul
04.Violation
05.Death Wish
06.Black Moon
AlithiA
Contrairement à Insolvency qui n'était là que pour la date parisienne, AlithiA suit Shining sur toute sa tournée européenne. Shining ayant toujours bénéficié de bonnes premières parties, je suis curieux de voir ce que nous réserve cette cuvée, le nom même d'AlithiA m'étant complétement inconnu. Et quelle bonne surprise ! Dans un registre (post)rock psyché et progressif, AlithiA va nous transporter durant son set dans des paysages musicaux envoûtants et lumineux. Avec six musiciens sur scène le groupe est un peu à l'étroit, d'autant plus qu'on sent que tout le monde a envie de bouger, l'aspect ritualiste des compos donnant immanquablement envie de se tortiller façon chaman en transe. Extrêmement riche, la musique des Australiens est immersive au possible : pour ne pas se laisser emporter par ces longues pistes à la progression incessante il faut être un sacré caillou. D'autant plus que sur scène les musiciens s'éclatent totalement, entre le percusionniste possédé qui exécute toutes sortes de grimaces joyeuses derrière ses fûts et autres cowbells, le guitariste qui plane en lâchant ses riffs stellaires et le chanteur tout simplement en transe d'un bout à l'autre du set (en plus d'offrir un performance vocale vraiment solide), il y a du spectacle en permanence. AlithiA se situe quelque part entre le postrock d'un Mono, du prog typé 70's (bien qu'avec une véritable modernité dans les claviers) et la musique rituelle, et c'est une véritable perle en live. Et, alors que j'ai tendance à préférer l'intimité des petites salles, je suis assez persuadé qu'avec plus d'espace et plus de lights, leur set pourrait atteindre une dimension encore plus impressionante.
Setlist de AlithiA :
01.The Sun
02.The Veil
03.Diamonds
04.Blood Moon
05.Empress
06.Sacrifice
Shining
Le dernier changement de plateau de la soirée commence, et comme d'habitude, ce sont les musiciens du groupe qui installent le matos. Premier constat rassurant : Shining n'a pas, comme je le craignais vaguement, pris la grosse tête et reste un groupe humble et proche de son publique. Après quelques balances de dernière minute, tout le monde quitte la scène et la salle est plongée dans le noir. En revanche, ce que je craignais pour de bon arrive pour de vrai : les premiers titres joués viennent du nouvel album, et ils ne brillent guère plus en live qu'en studio. La doublette d'entrée, Animal et My Church, laisse une large part du public de marbre. Là où j'avais l'habitude de voir la salle péter un plomb au bout de deux accords, le Shining de ce soir peine à faire vivre son audience. Audience qui d'ailleurs n'est pas venue en nombre ce soir, alors que leurs dates avaient auparavant fait des sold-out, il y a des signes qui ne trompent pas. Comme cela était (malheureusement) prévisible, les nouveau morceaux ne parviennent à convaincre en live. Mais un problème, plus grave à mon sens, émerge rapidement : même les morceaux plus anciens deviennent moins impressionant. Prenons, Helter Skelter, qui débarque juste après l'infâme Everything Dies, eh bien toute l'énergie barrée du titre semble avoir été aspirée par la mollesse du début de set.
Globalement, le concert se déroule dans une atmosphère bizarre d'attente : celle du public qui, en majorité, attend les morceaux qui butent pour de vrai, mais aussi l'attente du groupe. En tant que frontman, Jorgen se démène pour faire bouger la salle et faire participer le public, mais ses tentatives se soldent par des semi-échecs un peu tristes à voir (et à vivre). Pour lancer Smash It Up ! (le seul mroceau d'Animal qui tire vraiment son épingle du jeu en live), Jorgen tente de faire apprendre à la salle l'espèce de chant de supporter qui sert de choeur : il lui faudra s'y reprendre à quatre ou cinq fois pour que la salle réagisse avec un peu d'entrain et lorsque le titre est finalement joué pour de bon, le soufflé retombe mollement. Heureusement, en fin de parcours, Shining revient sur ses classiques avec l'imparable The Madness and The Damage Done qui reste pour moi un des titres les plus hallucinants à voir en live, et rappelle l'excellent Fisheye dans une version un peu plus longue avec un solo de sax survitaminé. La conclusion se fait sur un Fight Song réclamé par la (petite) part du public conquise par Animal, et encore une fois le fossé entre ce titre et le précédent ne fait que confirmer le sentiment que j'ai partagé dans ma chronique : la comparaison entre "l'ancien Shining" et sa version 2018 n'est assurément pas en la faveur de la seconde, même en prenant tout le recul et la distance possible.
Setlist de Shining :
01.Animal
02.My Church
03.Last Day
04.When The Lights Go Out
05.Everything Dies
06.Healter Skelter
07.My Dying Drive
08.Hole In The Sky
9.I Won't Forget
10.The One Inside
11.Smash It Up !
12.The Madness and the Damage Done
Rappel
13.Fisheye
14.Fight Song
C'est bien la première fois que je ressors d'un concert de Shining avec cette impression d'avoir assisté à un show en demi-teinte. Le groupe s'est bien rendu compte ce soir (et sans doute tout au long de sa tournée) qu'une large part de sa fanbase n'a pas réussi à le suivre sur sa nouvelle voie, Jorgen s'excusant presque au moment de lancer Hole In The Sky après un My Dying Drive qui était parvenu à réveiller le public, et s'il est bien sûr impossible de faire des pronostics, c'est potentiellement le genre de constat qui peut amener un groupe à se remettre en question. Seul l'avenir nous le dira.
Merci à The Link Prod pour cette soirée !