Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Depuis quelques albums, The Haunted pratiquait les chaises musicales : entre chaque sortie, le groupe annonçait le départ ou l'arrivée de nouveaux membres (voire même le retour d'ex-membres). S'en est suivi une logique perte d'identité et des changements de style réguliers, avec en point d'orgue, pour ce dernier point, Unseen et son approche bien plus apaisée que le reste de la disco du groupe. En revanche, pour la sortie de Strengh In Numbers, le line-up des Suédois reste inchangé par rapport à Exit Wounds, à savoir : l'indéboulonnable Jonas Björler à la basse, Adrian Erlandsson à la batterie, la doublette Englund/Jensen aux guitares et Marco Aro au chant.
Line-up stabilisé donc, pour un temps au moins, est-ce que cela suffit à donner un second souffle à une carrière en dents de scie ces dernières années ? D'une certaine manière oui, mais pas sur la totalité de l'album. Sur quelques titres, The Haunted retrouve sa hargne d'antan et sa propension à balancer du riff ultra catchy et rentre-dedans. À titre d'exemple on notera Brute Force (tout est dans le titre), un premier morceau qui déboite tout en moins de trois minutes : batterie nerveuse, chant colérique, guitares assassines, tout est là pour vous gratouiller les tympans en version musclée et agressive. Dans le même registre, on peut également relever Tighten The Noose, qui, dès son hurlement en guise d'entrée en matière, vous fait savoir que ça va cogner ; et ça cogne dur : The Haunted retrouve son côté mélodeath bien nerveux et serré qui lui convient si bien.
Mais si quelques coups d'éclat de ce type ponctuent l'album, The Haunted propose également des titres bien moins convaincants. L'un des défauts principaux de ces morceaux qui peinent à faire mouche est une approche mélodique complètement à contre usage. Si une accalmie, toute mélodique soit-elle, traverse un titre et qu'elle est bien amenée, il y a toutes les chances qu'elle donne plus de saveur au reste. Le problème ici, c'est que les mélodies viennent se greffer à des moments parfaitement inopportuns. Le refrain de Preachers Of Death, par exemple, avec un Marco Aro hurlant à tout-va, n'est qu'un petit riff tout moelleux et (presque) guilleret. Et forcément, niveau émotion, on sait plus trop où se foutre et le titre tombe un peu à plat. Certains soli tirent également un peu trop vers les mélodies "enjouées" (le mot est un peu fort) : quand Englund se sert de ses armes pour densifier le propos rythmique, il est imparable ; quand il verse trop dans la démonstration, l'énergie dévorante est rompue.
Restent certains éléments qui donnent à penser que The Haunted a encore un potentiel de renouvellement, sans tomber dans le changement de style un peu forcé qu'était Unseen. Avec un morceau comme This Is The End (OK, on aura fait plus original comme titre...), le combo de Göteborg s'aventure, le temps de quelques mesures, dans un mid-tempo au relent de Pantera qui, s'il n'égale évidemment pas le groove des Américains, donne un peu de variété à l'ensemble et, par conséquent, de relief aux agressions frontales du titre suivant, The Fall (qui lui aussi se termine sur un tempo ralenti intéressant).
Strengh In Numbers ne renoue pas avec l'efficacité et la puissance des premiers albums de The Haunted. Mais est-il seulement possible de retrouver la rage d'un début de carrière fracassant ? Vaste question que je vais soigneusement éviter, tant elle dépasse le cas propre de The Haunted. Quoiqu'il en soit, ce nouvel album contient quelques très bons titres, mais on y retrouve globalement les défauts qu'avait Exit Wounds : une prise de risque minimum pour un résultat qui, s'il n'est pas décevant, n'apporte pas de surprise.
Tracklist de Strengh In Numbers :
01.Fill The Darkness With Black
02.Brute Force
03.Spark
04.Preachers Of Death
05.Strengh In Nubmers
06.Tighten The Noose
07.This Is The End
08.The Fall
09.Means To An End
10.Monuments