Children of Bodom + Oni + Forever Still
File 7 - Magny Le Hongre
Avocat le jour, rédacteur sur Horns Up la nuit et photographe à mes heures perdues.
Qu’on le veuille ou non, un concert de Children of Bodom c’est toujours un petit événement dans le milieu du death metal mélodique. Le groupe jouit d’une réputation certaine même si, à l’instar de certains de ses illustres ainés, l’évolution musicale du groupe fait débat (depuis la sortie d'Are You Dead Yet? en 2005). Alors quand le groupe a annoncé qu’il envisageait une tournée pour fêter les 20 ans de Something Wild, l’album qui a tout lancé alors même que les Finlandais avaient tout juste 16 ans, les fans de la première heure dont je fais partie se sont réjouis. Réjouis de voir le groupe sur scène, évidemment. Mais l’on a surtout commencé à fantasmer en imaginant la setlist qui allait nous être concoctée dans de telles circonstances, après des années à devoir supporter quelques atrocités des périodes Blooddrunk et Relentless Reckless Forever.
Première surprise, le concert est annoncé non pas à Paris mais dans la charmante salle du File 7 à Magny-Le-Hongre. Implantée à côté de chez Mickey et loin du RER A, la salle n’est pas des plus accessibles même si elle s’est avérée être juste assez intimiste pour profiter d’un tel concert de la meilleure des manières.
Et alors que certains concerts - même avec de belles affiches - peinent à faire le plein dans des salles de banlieue (parce que nombre sont ceux qui ne peuvent pas rentrer chez eux ensuite, ou les parisiens pour lesquels le périphérique signifie la fin de toute vie civilisée), le File 7 affichait quasi complet ce soir ! C’est dire si le concert était attendu des fans !
Retour sur cette soirée en textes et en images.
Forever Still :
Lactance : Dommage pour Forever Still, mais je n'ai jamais été un très très grand fan des groupes "à voix féminine". Mes premiers amours metal m'ayant plutôt guidé vers la team Linkin Park/Rammstein, plutôt que vers la team Evenescence/Nightwish, moins séduisante à mes yeux paradoxalement... Pour autant, la soirée ne faisant que commencer, j'ai eu envie de laisser une petite chance aux Danois, qui passent tout de même les premiers et qui n'évoluent pas dans le même genre musical que les deux autres groupes. Malheureusement, le fait est que j'aurais peut-être dû rester sur mes gardes, car cette première partie aura surtout frôlé la catastrophe...
Comme bon nombre d'entre nous réunis ce soir, le mélange rock alternatif teenagers sur les bords / groove metal complètement daté / metal mélodique gnangnan a effectivement beaucoup de mal à passer et à me plonger dans l'ambiance. Un mix qui pourrait fonctionner davantage si les compos ne se montraient pas aussi poussives, que peu inspirées les 3/4 du temps, sans compter que le groupe frise souvent le zéro absolu en terme d'originalité et peine à imposer une véritable identité.
À mi chemin entre Amy Lee (Evanescence), Lacey Sturm (Flyleaf), mais aussi Alissa White-Gluz côté vestimentaire (Arch Enemy), j'en conclus que c'est sur les frêles épaules de la chanteuse que tout repose donc (comme chez de nombreux groupes "à voix féminine" de toute façon, où la frontwoman est souvent jetée en patûre au public...). Malgré cela, le résultat est loin d'être convaincant non plus de ce côté puisque le mixage, trop porté sur le couple basse-batterie, a du mal à mettre en valeur la voix de la chanteuse danoise qui cumule aussi, pour couronner le tout, un méchant rhume.
Finalement, après un quart d'heure de jeu, j'en ai ma dose et c'est sans regret que je quitte la salle, avant de retenter ma chance plus tard avec ONI.
Michaël : A peine arrivé, et déjà dans le dur. J’en ai connu des premières parties insipides en tout genre. Soit parce que le groupe n’était pas très bon sur scène - ce soir là ou en général -, soit parce que la musique du groupe n’était pas des plus remarquables, soit tout simplement parce que le genre musical était tellement aux antipodes du groupe en tête d’affiche que cela venait à contre-courant total.
Et là, ce fut un mix de tout ça. Forever Still pratique un metal mélodique pas toujours très inspiré, dont l’essentiel semble être de se reposer sur la personnalité et la voix de sa frontwoman, dont on ne tira d’ailleurs pas grand chose tant elle a pu être fébrile ce soir et – n’ayons pas peur des mots – quelconque. Et le look neo-metal du bassiste et du guitariste n’arrangent rien à un groupe qui semble être arrivé juste dix ans trop tard pour proposer une telle musique.
A confirmer sur CD mais, de prime abord, Forever Still ne me dit rien qui vaille.
Oni :
Lactance : 20h20, place maintenant au second groupe de la soirée, ONI, tout droit venu du Canada et repéré récemment par Metal Blade. Après quelques changements dans le running order, ce sont les Canadiens qui ont finalement le privilège de passer avant la tête d'affiche du soir, contrairement aux premières dates de la tournée française, où le groupe ouvrait le bal jusqu'alors (avant Forever Still). Un choix plus logique, plus stratégique aussi, sur lequel le groupe ne va évidemment pas cracher pour venir conquérir le public francilien.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que les Canadiens auront effectivement bien profité de cette opportunité pour nous faire oublier les travers du premier show. À peine arrivés sur scène, les six membres du groupe commencent déjà à se faire plein d'adeptes et à créer du remue-ménage dans les premiers rangs, plutôt réceptifs tout le long de ce concert, que je prends plaisir à suivre à quelques pas de la régie. Oscillant entre un metal prog' aux sonorités modernes, un tech-death pas trop branlette de manches et encore facile à suivre acoustiquement, mais aussi le djent par moment, le groupe en jette autant sur le plan musical et visuel en reprenant les meilleurs atouts de Protest The Hero, de Allegaeon, de Lamb Of God et de Between The Buried And Me.
Côté présence scénique, les Canadiens ne sont d'ailleurs pas en reste et font aussi carrément la différence par rapport au premier groupe (sans enfoncer le couteau dans la plaie). En plus d'être excellent sur ses refrains et sur ses lignes de chant clair (qui rappellent vaguement Cynic), c'est notamment le frontman qui attire tous les regards avec sa carrure imposante et son charisme de fou furieux. Lorsqu'on passe aux solos et aux passages plus techniques, c'est également un véritable plaisir de voir les guitaristes se donner en spectacle, avec leur guitare sans tête typique des progueux.
C'est enfin à ONI que revient la palme de la curiosité de la soirée, puisque j'ai oublié de mentionner que le groupe compte aussi un joueur de xylosynthé parmi ses membres (le détail qui tue quand même tout !). Armé d'une paire de baguettes dans chaque main, inutile de dire que le gars est juste hyper impressionnant en live et pourrait presque inviter Jordan Rudess à prendre sa retraite avant la sortie du prochain Dream Theater ! Un bon point supplémentaire pour le groupe, assurément, qui se sera avéré être une excellente surprise en live.
Michaël : Voilà de quoi redonner le sourire. ONI nous offre une prestation solide portée par un frontman étrangement charismatique, des guitaristes qui se donnent comme jamais et, faut-il le souligner, un son pas trop mauvais. Entre passages plus aériens et chantés, passages rapides, passages violents et toujours ce soin particulier de la mélodie, le groupe navigue entre les genres sans jamais se perdre ou ennuyer.
Distillant un metal technique mais pas outrageusement démonstratif, les Canadiens vont chauffer à blanc la salle que Forever Still avait plongé dans la torpeur. Les premiers mouvements dans la fosse se dessinent sous les coups de boutoir d’une musique à laquelle beaucoup de franciliens du soir s’intéresseront de plus près à coup sûr.
Pas toujours exceptionnel, pas toujours très original, ONI n'en demeure pas moins un groupe de metal énergique valant le détour. En plus, un groupe composé d'un gonze qui joue du xylophone sur scène en headbangant, ça envoie comme rarement. Rien que pour ça, kudos !
Children of Bodom :
Michaël : En musique, il y a toujours une énorme partie d’affect. J’ai écouté Children of Bodom sur de si longues parties de mon existence que j’assimile plus ou moins chaque titre à des évènements, des personnes. Si bien qu’en voyant la setlist de la tournée du groupe, qui fait la part belle à Something Wild et Hatebreeder avec des titres jamais ou peu joués, j’étais conquis avant même que les Finlandais commencent à jouer la moindre note.
Et que dire quand le groupe débarque sur Deadnight Warrior ? Ca faisait bien trop longtemps qu’on avait pas entendu ce titre qui est la quintessence même de la musique du Children of Bodom des premières heures : mélodies endiablées, riffs acérés comme des lames et un break à vous filer 15 jours de RTT ou une hernie discale, au choix.
Dès le début du concert, plusieurs éléments sautent aux yeux. Déjà, Alexi Laiho a clairement nettoyé son jeu et son discours. Finie la période alcoolisée à outrance où tous les soli et autres leads étaient sacrifiés. Finie aussi la période où il parle trop dans un langage inutilement châtié et un tantinet ridicule. On aura tout juste eu le droit ce soir à quelques phrases, quelques blagues avec Janne et puis basta. Ensuite, petit bémol, le son n’est pas des plus clean sans protections auditives alors même que le niveau sonore global permettait de ne pas en porter. En revanche, le groupe paraît beaucoup plus proche de son public qu’il ne l’a été par le passé. Sourires, petits regards, mains tendues vers le public, on est bien loin de ce que le groupe proposait par le passé. Est-ce l’effet petite salle ou simplement une envie de se rapprocher ?
Quoi qu’il en soit, le groupe enchaîne avec la très rare In the Shadows et la surcôtée Needled 24/7, dont seul le break parvient toujours à me filer un petit frisson de plaisir. Le public s’en donne déjà à cœur joie dans le pit et ne cessera d’ailleurs jamais de la soirée. Circle pit, mosh pit ou autres slams, j’ai rarement vu autant d’activité dans une petite salle sur l’intégralité d’un concert !
Et là, sorti de nulle part, Children of Bodom nous claque Black Widow. BLACK PUTAIN DE WIDOW. Le titre qui te claque 100.000 riffs, mélodies en tout genre et termine par une descente de gamme qui en a fait pleurer de l’apprenti guitariste. Plus d’énergie et de notes dans ce titre que dans toute la discographie de Coldplay. Quelle tuerie ! Je sais que je ne suis pas objectif parce que j’adore ce titre et que je n’avais jamais eu l’occasion de l’écouter en live, mais le rendu est excellent (notamment ce petit break vers 1min30). On n’en arrive juste à regretter qu’Alexander Kuoppala ne soit pas encore là pour se sentir rajeunir de 15 ans ! Car, il faut me tenir, le nouveau guitariste rythmique (Daniel Freyberg) fait de la figuration, ni plus ni moins.
Non satisfait d’avoir fait jouir 1/3 de la salle en balançant un titre inespéré, le groupe enchaîne avec le classique mais toujours efficace Lake Bodom avant de nous repasser sur le râble façon bulldozer avec la puissante, mélodique et intense Warheart sur laquelle le public a beaucoup donné de la voix, me confirmant qu’étaient présents dans la salle beaucoup d’amoureux des premières heures. Il faut dire que les aficionados des 4 derniers albums n’ont eu aucun titre à se mettre sous la dent ce soir !
Après le petit instant émotion avec la entendue et réentendue Angels don’t kill – dont on ne se lasse pas vraiment mais qui mériterait d’être périodiquement remplacée par l’une des autres mid tempo du groupe comme, par exemple, Punch Me I Bleed voire même Banned for Heaven – le groupe nous lance une seconde grosse surprise de la soirée avec Red Light In My Eyes Part 2. Même si j’aurais préféré entendre la Part. 1, bien plus intense, le plaisir est immense d’entendre pour la première fois ce titre en live après avoir vu le groupe d'innombrables fois en dix ans.
Après toutes ces vieilleries, le groupe nous offre un enchaînement Hate Me, Downfall, Everytime I Die et Hatecrew Deathroll qui finit de faire monter le mercure dans une salle entièrement acquise à la cause des Finlandais. Une intensité vraiment impressionnante de la part du groupe auquel le public répond avec une grosse activité en chantant et avec les bras levés. L’occasion pour Laiho de nous dire, d’une façon qui a paru plus honnête que 95% des fois où l’on entend ce genre de phrases, que l’on était le meilleur public de la petite tournée qu’effectue le groupe. Et on a pas eu trop de mal à le croire pour le coup.
Après nous avoir brossés dans le sens du poil, le groupe nous lâche Bed Of Razors puis Children of Decadence en intégralité (pas coupée en deux pour éviter le break comme avait pu malheureusement le faire le groupe il y a quelques années). Autant dire que là, le groupe a fait mal. Pliez les gaules, rangez le matos, la messe est dite. Je ne comprends toujours pas comment, à ce jour, Bed Of Razors ne fait pas partie intégrante de la setlist de base du groupe au même titre que Downfall. Ce titre a tout. TOUT.
Et alors même qu’on ne pensait pas pouvoir passer une meilleure soirée, le groupe revient sur scène après un petit break pour nous jouer The Nail (!!@#!%!) et Toward Dead Ends (!!!). Mais merde ! Qu’a t-on fait pour supporter pendant des années les In Your Face, Are You Dead Yet ? ou autres Blooddrunk alors que le groupe est assis sur une mine d’or de titres incroyables ? Et encore, le groupe aurait pu nous jouer Children of Bodom, Silent Night Bodom Night, Kissing the Shadows, Follow The Reaper, Sixpounder ou bien encore Bodom After Modnight que l’on aurait pas été mécontent. Bon, je suis un peu partisan. J’accepte tout de même quelques titres des derniers albums, mais à dose homéopathique.
Bref, Children of Bodom a donné ce soir un concert très convaincant, porté par une setlist des grands jours qui a rappelé à tout le monde que sur la période Something Wild / Hatebreeder / Follow The Reaper, les Finlandais étaient au sommet de la scène Death metal mélodique.
Lactance : Que dire de plus après l'exposé clair et précis du collègue, qui a parfaitement résumé ce live hors-norme à tous points de vue, avec plein de détails et d'anecdotes dans lesquels je me reconnais aussi complètement ! C'est pas si lointain, mais je me rappelle que j'avais déjà pris une bonne grosse claque au Download 2016, lors de la journée du dimanche, avec un set qui nous ressortait quelques oldies pour notre plus grand plaisir, préfigurant justement une tournée anniversaire dans les mois à venir.
Mais je dois dire que ce show 100% old-school aura tenu encore plus ses promesses en salle, avec une ambiance de taré dans le pit jusqu'à la toute fin du concert, mais qui nous aura aussi fait ressentir beaucoup d'émotions sur certains titres extraits des quatre premiers albums, comme The Nail ou Deadnight Warrior. Backdrop Something Wild, des classiques à la pelle pendant 1h30 qui n'ont pas pris une seule ride en live, un Alexi Laiho qui ne foire pas ses parties chant comme avant, ni ses solos à la gratte... Autant dire que Children nous a offre ici un aller simple pour l'année 1999, et un bon coup de vieux aussi, avec une ambiance digne de celle présente sur le live de Tokyo Warhearts !
Moi qui pensais que le groupe en aurait peut-être marre des cadres intimistes de leurs débuts, après des années et des années de tournée, me voilà agréablement surpris par cette date exceptionnelle, où j'ai l'impression que COB ne s'est jamais montré aussi proche de son public. En tout cas, j'espère que cette tournée anniversaire redonnera des ailes au combo sur les prochains albums, bien que Halo Of Blood et I Worship Chaos vaillent déjà le coup d'oeil.
Setlist :
Deadnight Warrior
In the Shadows
Needled 24/7
Black Widow
Lake Bodom
Warheart
Angels Don't Kill
Red Light in My Eyes, Part 2
Hate Me!
Downfall
Everytime I Die
Hate Crew Deathroll
Bed of Razors
Children of Decadence
The Nail
Towards Dead End
Merci au File7.