Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Omonoia, premier long format d'Allochiria sorti en 2014, donnait à voir un groupe prometteur, déjà à l'aise dans les compositions à tiroirs et les ambiances mouvantes. Avec ses explosions de colère et ses accalmies plus cristallines, la musique des Grecs s'inscrit dans cette mouvance aux contours vagues qu'est le Post-Metal. Allochiria avait déjà pris son temps (quatre ans) pour passer du premier EP au premier album, et cette fois encore les Athéniens ont laissé mûrir leur projet pendant trois ans ; un groupe qui prend relativement son temps donc, mais pas pour rien.
Throes est une suite assez logique et attendue de Omonia. Sans aller jusqu'à dire trop logique et trop attendue, le groupe sachant évoluer par petites touches, Throes a quand même le défaut de réutiliser avec un peu trop de facilité et de redondance certaines ficelles de son aîné. Une partie des passages Post, dans l'ensemble bien amenés et bien construits, sont clairement des redites de ce que proposaient les mêmes séquences sur Omonoia : guitares éthérées et répétitives portées par une batterie jouant sur les toms, tout ça est bien fait mais manque de renouveau. Il y a quand même certains de ces moments plus calmes qui offrent d'agréables surprises, avec en tête un jeu de batterie bien plus axé sur les ghost notes et les accents (l'intro de Little Defeats, Tiny Victories ou encore celle de l'excellent Lifespotting) que sur de simples roulements de toms un peu convenus. En revanche, et c'est là un point fort de l'album, ces parties calmes sont plus vivantes et plus progressives qu'auparavant. Omonoia était plutôt un collage entre des ambiances calmes et colériques, alors que sur Throes, le groupe fait preuve d'une meilleure capacité à faire évoluer ses ambiances, sans passer par des ruptures soudaines. C'est donc un album mieux construit et, de ce point de vue, plus efficace que nous proposent les Grecs.
Mais si je m'étends un peu sur ces parties aérées, il reste encore les passages plus incisifs à traiter. Et là, Allochiria reste très solide. La production est vraiment léchée, les effets de progression dont je parlais plus haut sont très bien amenés avec ce son tantôt fin et léger, tantôt plus acéré et puissant. Et côté puissance, ça fait le boulot, comme on dit. La voix d'Irène est toujours aussi impressionnante, à la fois grave et écorchée, elle a quelque chose de désespéré ou de maladif, qui prend aux tripes en tous cas. Le riffing quant à lui peut être vraiment massif et sans fioritures (le final de Cracking Fractals, le riff central de Denoument) ou plus travaillé avec des constructions à deux guitares (Thrust, Counting Five).
Si sur les premières écoutes Throes semble vraiment très proche d'Omonoia, son identité propre se dégage lentement au fil du temps. Il y a certes une proximité parfois un peu trop évidente, mais ce deuxième album n'est pas une simple prolongation du premier. Allochiria prend des chemins plus progressifs, avec une architecture mieux maîtrisée et toujours cette capacité à manipuler les ambiances de manière fine. Et si certains moments semblent vraiment trop proches de ce que développait le groupe précédemment, il n'en reste pas moins qu'une évolution intéressante dans la construction des titres se fait sentir : moins patchwork ambivalent que cheminement dans l'imprévu, ce deuxième album reste intéressant. Peut-être pas aussi plein des promesses que j'avais senties dans Omonoia, mais quand même à la hauteur de son prédécesseur. Et ça, ce n'est jamais gagné d'avance.
Tracklist de Throes :
01.Thrust
02.Tiny Defeats, Little Victories
03.Cracking Fractals
04.Lifespotting
05.Counting Five
06.Denouement