"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Helheim n’est pas loin de devenir une véritable référence en son domaine à la croisée des chemins entre Black Metal, Pagan et Viking Metal, un Metal résolument nordique en somme. Déjà grâce à sa longévité vu que la formation écume sa scène depuis 1992. Ensuite grâce à une carrière protéiforme, partie de l’excellent Jormundgand (1995) avant de basculer petit à petit dans un Viking-Metal unique et moderne, véritablement lancé par Yersinia Pestis (2003) et définitivement confirmé par la tuerie qu’était Kaoskult (2008), avant de revenir à un esprit plus Pagan depuis le génial Heiðindómr Ok Mótgangr (2011). Très personnel voire unique en son genre, Helheim a aussi connu de petits passages à vide, ce qui est logique quand on ose et quand on tente constamment de faire évoluer son spectre musical. Mais le groupe est souvent en réussite et son seul accroc reste The Journeys And The Experiences Of Death (2006). On lui pardonne d’autant plus qu’avec Kaoskult et Heiðindómr Ok Mótgangr, Helheim s’était franchement fait désirer, et 4 longues années s’étaient écoulées jusqu’à la sortie de raunijaR (2015). Surtout pour un album assez particulier, mêlant suite de l’EP Åsgards Fall (2010) et une nouvelle tentative d’évolution de leur son. Et revoilà plus vite que prévu Helheim sur le devant de la scène, un petit peu plus d’un an après la sortie effective de raunijaR, avec ce qui est tout de même leur 9ème album pour bientôt 25 ans de carrière, landawarijaR.
Reprenons sur la carrière récente et en particulier sur ce qui est pour moi l’apogée du groupe, Kaoskult et Heiðindómr Ok Mótgangr. C’est ici que Helheim a livré ses meilleures compos mais a aussi procédé à la dernière grande cassure de sa carrière. Après le très couillu Kaoskult bourré de feeling et de morceaux immédiats et accrocheurs ("Northern Forces", "Om Tilblivelsen Fra Gapende Tomhet", "Altered Through Ages, Constant in Time"…), était apparu le très Pagan/Black Heiðindómr Ok Mótgangr, qui marquait la fin de la période « Viking moderne » et retrouvait un équilibre entre compos dures et efficaces ("Dualitet Og Ulver", "Maðr", "Nauðr") et atmosphères (la plupart des parties de "Viten Og Mot", "Element"), le tout avec l’intégration d’éléments folk (comme le cor français) et surtout une inspiration au top. Heiðindómr Ok Mótgangr et l’EP Åsgards Fall qui l’avait précédé servent de base à ce que Helheim fait actuellement, la période en cours s’identifie d’ailleurs au logo qui a souvent changé par le passé mais n’a pas bougé depuis 2010, comme il n’avait pas bougé entre Yersinia Pestis et Kaoskult, période la plus moderne et la plus expérimentale du groupe. Toutefois, Helheim n’est pas un groupe qui reste figé et aussi raunijaR exploitait d’autres contrées sur les bases Pagan/Viking de Heiðindómr Ok Mótgangr, avec l’intégration d’éléments plus atmosphériques et psychédéliques, presque progressifs, à grand renfort de chants clairs, bref un aspect plus lumineux qui contrebalançait le côté sombre de Heiðindómr Ok Mótgangr, même si le fonds de commerce du groupe reste toujours ce riffing plutôt cru qui descend directement du Black norvégien.
landawarijaR, qui nous arrive donc presque sans crier gare alors que la gestation de raunijaR avait semblé interminable surtout après un album de la trempe de Heiðindómr Ok Mótgangr, va alors rééquilibrer tout ça et se poser tout simplement comme le chaînon manquant entre ses deux prédécesseurs. On prend les bases issues de Heiðindómr Ok Mótgangr et les nouvelles idées de raunijaR et on fait un entre-deux, et c’est aussi simple que ça. On constate déjà que Helheim ne va pas réellement apporter de nouveauté pour cette cuvée 2017, juste faire ce qu’il sait faire dans son style actuel. Entre son riffing râpeux, les vocaux de V'gandr et H'grimnir, les quelques écarts guitaristiques semi-acoustiques ou des leads déglingués, le cor et les percussions, les ambiances Viking bien noires qui nous font dire que nous avons affaire au plus Pagan des groupes de Viking et/ou l’inverse, tout le Helheim des années 2010 se trouve dans les 7 morceaux de landawarijaR. A partir de là, je dois hélas constater que ce 9ème album des Norvégiens sent un peu la redite, ou un groupe en légère panne d’inspiration, qui n’a plus d’idées et en recycle d’autres. A peu près tout sonne déjà-entendu sur les deux précédents albums, et sachant que raunijaR n’était pas forcément un album abouti malgré ses quelques évolutions, inutile de dire que Helheim n’a jamais vraiment réussi à transformer l’essai de Heiðindómr Ok Mótgangr. Quand on connaît leur créativité passée et leur capacité à pondre des compos terribles dans différents registres et différentes ambiances, landawarijaR est un album quelque peu décevant et on doit presque dire que le meilleur du groupe semble déjà derrière lui.
Bien sûr, on appréciera toujours les particularités propres à Helheim, que ça soit leurs choix de production bien organiques, les riffs norvégiens bien croustillants, ou encore les vocaux typiques bien menés, ainsi que certaines mélodies enivrantes. landawarijaR démarre d’ailleurs plutôt bien avec le relativement posé "Ymr" mené par des riffs désertiques et des voix claires, le single "Baklengs Mot Intet" qui rappelle un peu "Dualitet Og Ulver" avec des riffs épiques et le duo cor/tambour qui fait mouche, ainsi que le plus enlevé "Rista Blodørn" avec l’aspect psychédélique personnel à la raunijaR. Mais très vite, les défauts de forme se constatent, avec notamment des morceaux trop longs bourrés de longueurs et de redondances, d’ailleurs "Baklengs Mot Intet" n’y échappe déjà pas. Le morceau-titre propose de jolies mélodies, tout comme "Synir Af Heidindomr" qui trouve un bon équilibre entre mélodies et riffs durs avec un étrange chant féminin (?), mais les compos sont affreusement répétitives et on se lasse vite de cet album finalement assez linéaire, avec en point d’orgue le très (trop) classique "Ouroboros" et le final plus lumineux "Enda-Dagr" qui ne convainc pas malgré sa conclusion très psychédélique. landawarijaR ressemble même parfois plus à un Taake en version atmo/prog qu’à du Helheim, d’ailleurs c’est la première fois de sa carrière que le groupe ne met pas un interlude éponyme dans une de ses sorties. Bref, il y a encore quelques qualités latentes car Helheim reste assez unique en son genre, mais le groupe norvégien n’arrive pas à retrouver ici la verve de Heiðindómr Ok Mótgangr tout comme il ne parvient pas à poursuivre l’effort entrevu sur raunijaR, et se retrouve le fessier entre deux chaises. Trop classique, trop timoré, trop long et trop redondant même par rapport aux précédents albums, landawarijaR déçoit un peu, apportant le minimum syndical sans panache même si le groupe continue à oser et à se mettre à part. Pas une catastrophe mais à part quelques bons moments, on préfèrera se remettre les précédents albums dans les feuilles plutôt que d’insister sur cet album qui n’apporte pas grand-chose de significatif, si ce n'est de nouveaux morceaux d'Helheim dans leur style actuel. Les fans trouveront encore quelques compos et idées qui fonctionnent avec le touché si particulier du groupe, mais Helheim a fait mieux, a surtout fait plus inspiré, et va peut-être devoir prendre un nouveau virage pour se relancer et échapper à un vrai passage à vide…
Tracklist de landawarijaR :
1. Ymr (5:59)
2. Baklengs Mot Intet (7:19)
3. Rista Blodørn (8:23)
4. LandawarijaR (9:45)
5. Ouroboros (7:20)
6. Synir Af Heidindomr (7:53)
7. Enda-Dagr (8:34)