Darkthrone (Fenriz)
Fenriz
Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)
« Arctic Thunder », le nouvel opus du duo norvégien Darkthrone, est sorti le 14 octobre dernier. L'occasion de poser quelques questions à un Fenriz très occupé mais toujours "too old, too cold".
Nostalmaniac : Salut Fenriz ! Comment te sens-tu ?
Fenriz : Salut Max ! Pour tout te dire, je suis épuisé et affamé.
Alors pour commencer, je vais te poser une question ultra-classique mais nécessaire. Comment s'est passé l'enregistrement de ce nouvel album ? Peux-tu nous expliquer le processus de composition ? Il m'a donné l'impression d'être plus sombre et crade que ses prédécesseurs...
Fenriz : Je ne peux évidemment pas parler à la place de Ted (Skjellum / Nocturno Culto) mais j'imagine qu'il fait de la musique avec ce qu'il a dans la tête et ses propres influences. Il s'asseoit avec sa guitare et il le fait ! De mon côté, j'ai eu une vision pour CET album, « Arctic Thunder ». Je voulais un Darkthrone plus "introverti" cette fois. Pourquoi ? Depuis que nous avons finalement eu notre propre studio (une initiative de Ted qui remonte à 2005 !) on a fait beaucoup d'enregistrements en freestyle. Notre dernier album incorporait beaucoup de styles différents et était un peu plus sérieux. On est très satisfaits de « The Underground Resistance» (2013) et personnellement, je voulais le surpasser. Les années sont passées et j'ai senti que cet album était une sorte de mammouth pour nous et c'était dur de trancher avec le fait qu'il fallait l'achever ou continuer avec. On a choisi la dernière option et j'ai opté pour raboter quelques styles en laissant en arrière mon talent de composer des morceaux speed metal à la façon suédoise 1983-1985. Donc, que me restait-il à faire ? du "SLOW HEAVY METAL" (sic). Quand j'ai doucement décidé d'essayer de composer pour un autre album (milieu 2015), j'avais quatre albums en tête. Ce qui ne veut pas dire que je me suis assis en les écoutant pour essayer de les copier, mais c'était plus comme un "road map", une sorte d'itinéraire.
Après avoir écouté de la musique durant toute ma vie, j'ai choisi parmi des milliers d'albums et de chansons. Néanmoins, je ne veux pas que mon inspiration se base sur ça à la place de créer une vision, une direction dans laquelle je veux me plonger. Ces quatre albums étaient « Journey Into Mystery» (1987) de Dream Death, « Within the Prophecy» (1987) de Sacrilege, « Mob Rules » (1981) de Black Sabbath et « Epicus Doomicus Metallicus » (1986) de Candlemass.
Quand tous les morceaux ont été enregistrés et que j'ai donné la copie de l'enregistrement à Ted, j'ai découvert qu'il n'y avait rien dans mes chansons qui ressemblait à du Candlemass donc tu peux voir que je ne travaille pas vraiment comme un robot malgré qu'on puisse retrouver certains riffs qui peuvent faire penser aux trois autres albums que j'ai cités. On retrouve aussi un peu de Iron Maiden, Hellhammer ou encore de vieux Exodus, Autopsy ou Necrophagia. En fait, un riff arrive comme un coup de foudre dans ma tête et j'ai besoin de le fredonner jusqu'à ce que j'aie ma guitare en main ou alors je l'enregistre sur mon téléphone. De là, je vais jouer ce riff et commencer avec d'autres riffs qui correspondront. Qui sait pourquoi je procède comme ça et ce qui m'inspire, mais c'est moi et toute la musique que j'ai écouté (et ça, mesdames et messieurs, ça fait BEAUCOUP). Ça peut expliquer aussi pourquoi je vais décider de garder un petit truc spécial. Je vais te dire un secret, ce que j'essaye vraiment d'écrire, c'est ce que j'aurais voulu écrire en 1988. Si 1) j'avais les techniques de composition et plus d'expérience à la batterie et 2) si on n'avait pas été dans une direction plus Death Metal. C'est ce qu'on faisait fin '88, début '89. Ce que j'écris, c'est "THE REAL ORIGINAL DARKTHRONE MUSIC" (sic) revenant à ses véritables racines. Je vois toujours dans les biographies en ligne qu'on a débuté comme un groupe Death Metal mais si tu écoutes notre première démo, c'est clair que ce n'est pas le cas, nous avions toutes sortes d'inspirations qui étaient plus vieilles que ça.
J'imagine que votre label (Peaceville Records) ne vous met pas la pression pour les sorties ?
Fenriz : C'est le cas effectivement...
Alors qu'on ressent et qu'on entend surtout que vous êtes influencés par beaucoup de styles de Metal, je pense qu'on peut toujours placer Darkthrone sous la bannière du Black Metal. Cela te paraît possible un jour de sortir un album totalement Thrash ou Heavy Metal ? Ou alors pour un side project différent de Darkthrone ?
Fenriz : J'ai eu beaucoup de projets entre 1987 et 1996, ce qui m'a crâmé. Plus jamais ! Je n'aime pas sentir quelque chose de totalitaire.
Nous n'avons pas de plan et nous ne savons pas quelle sorte de morceaux nous avons jusqu'à ce que nous enregistrions. Je pense que Darkthrone pratique plusieurs styles et ne se cantonne pas à un seul car nous avons un contrôle total sur ce que nous écrivons. Tout le processus de création se fait à l'intérieur du groupe. Pour cet album, j'ai essayé de faire seulement des morceaux de Heavy Metal lent et j'ai réussi, mais d'autres styles lents sont apparus. D'une façon, c'est ce qu'on appelle la composition. On ne sait jamais comment une compo en cours va se terminer.
Quels sont les albums ou morceaux qui te rendent fiers ? Et ceux qui ont une valeur sentimentale ?
Fenriz : Clairement, « Under a Funeral Moon» et le morceau "Snowfall". Pour l'aspect sentimental, je dirais que ça concerne tout ce que nous avons fait depuis mars 1991...
J'ai l'impression d'un revival du Heavy Metal en ce moment. Par exemple, en France, nous avons de nouveaux festivals qui émergent dédiés au Hard et au Heavy Metal comme le Pyrenean Warriors Open Air ou le Fall of Summer qui a souvent de vieux groupes Heavy/Thrash à l'affiche. Les vestes à patch n'ont jamais été aussi présentes dans les festivals. De plus, plus le temps passe plus je ressens l'influence du Heavy Metal tradi' dans vos compos. Que penses-tu de ce regain d'intérêt pour le genre ?
Fenriz : Vraiment ? On retrouve cette "ambiance" depuis 2004 dans toute la scène, et même plus typiquement 1998 avec certains groupes et scènes. Pour certains, ça n'a même jamais disparu. Il y a aussi que, depuis 2004, le monde a découvert que les gens ont arrêté de suivre bêtement les tendances comme avant. Les gens ont commencé à écouter de tout. Il y a encore des tendances qui restent bien sûr, mais plus tellement. Et c'est une bonne chose. Le monde du Metal est tellement vaste que chaque style mérite de l'attention. Quand j'ai remarqué ça, c'était en 2004 en tout cas, mais j'étais long à la détente.
Depuis quand est-tu fan de Heavy Metal ? C'est quoi ton premier coup de coeur et tes groupes préférés ?
Fenriz : Je suis né en 1971 et j'ai découvert le "Born to be Wild" de Steppenwolf sur la bande originale du film Easy Rider que j'avais en 1974 ! C'était le premier morceau avec le mot "Heavy Metal" dedans. Ensuite, il y a eu Uriah Heep la même année. Puis j'ai reçu des albums de mon oncle et j'ai grandi "normalement" comme beaucoup d'autres métalleux d'ici avec des groupes comme Kiss, AC/DC, Black Sabbath, Iron Maiden, Metallica, Slayer etc., de 1980 à 1985. Il y avait beaucoup d'autres groupes, mais nous n'avions pas assez d'argent pour tout découvrir. Les jeunes de maintenant peuvent désormais tout découvrir avec Youtube et d'autres plateformes du genre qui ont explosé et le monde du Metal est meilleur depuis. Je ne peux pas commencer à te mentionner tous les albums que j'ai aimés ou découverts plus jeune, on va y passer la semaine !
Je ne vais pas te faire l'injure de te demander si tu connais la scène française...
Fenriz : Le premier groupe français que j'ai aimé, c'était Mutilator/Mutilated (Ndlr : formation Death Metal originaire de Bourg-en-Bresse) que j'ai découvert via le tape-trading avec Nicke Andersson (Ndlr : alors batteur du groupe Nihilist, qui deviendra Entombed) en 1987. Quinze ans plus tard, j'ai découvert les excellents groupes que sont Trust, H-Bomb, ADX, Blasphème, Sortilège et bien d'autres. J'aimais bien aussi Antaeus ! J'avais quelques albums d'eux fin '90/début 2000 ou quelque chose comme ça. Bien sûr, je te parle que de la partie visible de l'iceberg ! Depuis 2004, je découvre trois-cents nouveautés tous les ans alors c'est impossible de me souvenir de tout. Il faudrait que je regarde dans ma collection...
On connaît depuis longtemps ta position sur Darkthrone et les live mais continuez-vous à recevoir des propositions, de la part du Hellfest par exemple ?
Fenriz : Oui, on a pu recevoir de très généreuses propositions de leur part mais c'était déjà le cas il y a dix ans. Certains se font une raison maintenant mais on reçoit encore des propositions, pas plus qu'avant cependant.
Si ce n'était pas déjà pas flagrant, Radio Fenriz nous rappelle ton amour du old school : hard rock, heavy, speed, thrash, doom... Mais que penses-tu de la nouvelle scène norvégienne ? Quels groupes aimes-tu ?
Fenriz : Je mets ce que j'aime dans mon show mais j'ai mes préférences bien entendu. J'ai adoré le dernier Faustcoven, « Hellfire and Funeral Bells » paru en 2012. Furze est très bon aussi, surtout depuis que je les ai vus au Hellbotn Metalfest à Kolbotn l'an dernier. Je ne suis pas du genre à mettre des murs entre les genres. Pour exemple, j'ai plus l'impression d'écouter du Black Metal quand je mets un morceau de Deathhammer que n'importe quel groupe autoproclamé Black Metal de toute façon.
Tu semblais beaucoup plus discret par le passé. Maintenant j'ai l'impression qu'on te voit de plus en plus. Ton show radio, les interviews, ta présence sur les réseaux sociaux et le petit buzz qu'a suscité ton élection en tant que conseiller municipal de ta ville. Tu es devenu moins misanthrope ou quoi ?
Fenriz : Non, encore plus ! Je vois moins de gens maintenant qu'à la fin des années '80 où j'étais très présent dans l'Underground : jouer dans un groupe, faire des live, mais aussi des interviews et du tapetrading. Début 90, j'ai retrouvé mon adolescence perdue. J'allais au pub trois à cinq jours par semaine jusqu'en 2005 où je suis retombé doucement dans la vie underground. J'avais un ordinateur qui me permettait d'éviter les interviews au téléphone. Aussi, entre 1991 et 1997, on n'a pas répondu à beaucoup d'interviews. En plus de faire de nouveaux albums, on travaillait beaucoup et je devais m'occuper de ma vie sociale. Les choses ont changé drastiquement en 2005 comme je l'ai dit et pour le moment, je passe beaucoup de temps à la maison. La radio, ce n'est pas du social, c'est extrêmement introverti. Toute la communication est une communication à sens unique, et c'est aussi le résultat d'écoutes extrêmement introverties en plus de choper les promos. Je vois peut-être trois ou six amis par mois. C'est comme ça. Mais oui, depuis 1998 j'ai été interviewé constamment. Peut-être mille fois pour différents médias à travers le monde.
Sinon, tu penses quoi de cet hologramme de Dio apparu lors du dernier Wacken ?
Fenriz : J'ai vu ça passer sur le fil d'actu de mon compte Facebook. J'ai remarqué qu'il y avait des gens plutôt pour et d'autres contre mais comme d'habitude je n'ai pas eu le temps d'approfondir le sujet ou de me soucier de ce débat. Ce qui m'intéresse le plus c'est que "Shame on the Night" contient peut-être le meilleur riff doom jamais écrit à 3 minutes 22 !
Un mot de conclusion pour les fans francophones ?
Fenriz : N'oubliez pas d'écouter le dernier Malokarpatan !
Propos recueillis le 22 octobre.