Salem (UK)
Simon et Adrian
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Rencontre avec Simon Saxby et Adrian Jenkinson, respectivement chanteur et bassiste du groupe Salem (UK), avant le concert donné au Klub à Paris le 19 octobre 2014.
Le groupe a été formé en 1980 et s'est séparé en 1983 après avoir sorti quelques démos. Vous l'avez remis sur pied avec le line-up d'origine presque trente ans plus tard, en 2010.
Pourquoi avez-vous attendu si longtemps avant de vous réunir et qu'est-ce qui vous a poussés à le faire ?
Simon : Paul [Macnamara, guitariste] a mis en ligne les démos originales sur Myspace en 2009 et beaucoup de gens ont commencé à s'y intéresser. Un label allemand [High Roller Records] a même voulu les ressortir. J'étais alors impliqué dans d'autres projets, nous étions tous occupés chacun de notre côté... Et puis, ça a fait l'effet boule de neige : le disque est sorti, il s'est plutôt bien vendu, on nous a proposé de faire quelques concerts, etc. Bref, le public a montré de l'intérêt, ce à quoi nous ne nous attendions pas, et tout ce qui s'est passé ces quatre dernières années est parti de là. Grâce à cela, nous avons pu voyager à travers l'Europe et c'était formidable.
L'année dernière est sorti votre premier album, « Forgotten Dreams ». Comment le décririez-vous en quelques mots ?
Simon : Ce disque n'est pas du Heavy Metal britannique traditionnel à proprement parler, même si l'on y retrouve certains éléments propres à ce style. Je pense qu'il reflète très bien la diversité de ce que nous écrivons. À l'écoute de cet album, tu peux identifier nos influences : Rainbow, Deep Purple, Led Zeppelin et aussi du rock américain. C'est différent de ce que nous faisions dans les eighties, je pense que c'est dû au fait que nous sommes devenus de meilleurs songwriters au fil des années.
Adrian : À quelqu'un qui ne l'a jamais écouté, je dirais : nous avons reçu beaucoup de bons retours, y compris de la part de personnes qui n'aiment pas le Heavy Metal. Certes, nous sommes sans aucun doute possible un groupe de Rock, mais les chansons sont bonnes et tout le monde peut y trouver son compte.
Parlez-nous du processus d'écriture au sein du groupe. J'ai jeté un œil au livret de « Forgotten Dreams » et cela a vraiment l'air d'être un travail d'équipe.
Simon : Je suis d'accord, chacun des membres du groupe apporte ses idées et nous travaillons en équipe. Par exemple, Paul arrive avec une idée de base et me donne un thème à aborder dans les paroles, puis tout le monde y met du sien et nous parvenons à y insuffler un rythme particulier.
Adrian : Dans les eighties, lorsque tu leur faisais part d'une de tes idées, les autres pouvaient très bien te dire : "c'est sympa, mais ce n'est pas assez heavy". Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Tout ce que nous avons, nous en faisons quelque chose. Tu l'as écrit ? On l'enregistre ! Et nous ne regrettons pas d'avoir procédé ainsi. C'est ce qui fait la grande diversité des morceaux sur l'album.
Simon : Et pour ce qui est des paroles, tu ne te sens plus obligé d'écrire sur les épées, la sorcellerie, les fouets et les chaînes, tu peux aussi parler de tout ce qui te passe par la tête, des choses de la vie... Tu fais ce que tu veux.
Il y a beaucoup de choses différentes dans « Forgotten Dreams », du morceau-titre accrocheur à l'inquiétant « Aftershock ». Avez-vous intentionnellement recherché cette variété musicale ou est-ce venu naturellement ?
Simon : C'est venu naturellement, parce que nous n'avons plus peur de rien. Prends le morceau "Kazakafnu". Tu peux penser que ce titre a une sorte de signification mystique. Eh bien, ce n'est pas le cas. La fille de Paul nous a simplement raconté qu'en Inde, elle avait marché depuis Kaza jusqu'à Kafnu. On s'est dit qu'on pouvait inventer un endroit étrange appelé "Kazakafnu" et en faire une chanson.
Adrian : Elle a parlé à Simon des étoiles, des bergers et de leurs moutons, et il a pris des notes. Le morceau sonne mystérieux, un peu comme "Kashmir" de Led Zeppelin.
Simon (à propos de "Aftershock") : j'étais chez moi, je m'occupais de ma sœur qui était malade. À la télé, il y avait un programme hommage aux Dam Busters, les gars de la Royal Air Force qui ont fait un raid sur les barrages allemands lors de la Seconde Guerre Mondiale. Nous vivons assez près de là d'où ils sont partis. Cela m'a beaucoup intéressé et nous avons donc écrit un morceau à ce sujet.
En tout cas, on ne peut pas dire que ayez oublié votre rêve, vous êtes même en train de le vivre !
Qu'est-ce que cela vous fait d'être de retour sur la route après toutes ces années ?
Simon : Nous avons joué dans de petites salles et aussi lors de festivals tels que le Ages of Metal en Belgique [en 2012]. C'est fantastique. Nous répondrons présent tant que l'on nous en offrira la chance. Regarde un type comme Sammy Hagar [ex-chanteur de Van Halen], il a 67 ans mais fait encore bien son boulot. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas y arriver nous aussi.
Adrian : Dans les eighties, nous étions très jeunes, et nos egos étaient surdimensionnés. Nous voulions être des rock stars. C'est différent aujourd'hui : nous sommes cinq amis qui voyageons à travers l'Europe et qui jouons du rock & roll. Nous ne pensons plus au succès, désormais. Nous prenons du plaisir à faire ce que nous faisons et à passer du bon temps les uns avec les autres.
Est-ce que cela signifie quelque chose de spécial pour vous d'être en France aujourd'hui, et particulièrement à Paris ?
Simon : C'est la première fois que je viens à Paris. Donc oui, forcément. Nous sommes souvent passés dans le coin, mais nous n'avions jamais eu l'occasion de nous arrêter auparavant. Nous avons vu l'Arc de triomphe, nous avons pris des photos devant la Cathédrale Notre-Dame, et c'était trois ou quatre fois plus beau que ce que j'avais pu imaginer... Hélas, je n'ai pas eu le temps de voir tout ce que j'aurais voulu voir, mais rien que le fait d'être dans un autre pays, de rencontrer de nouvelles personnes, c'est fantastique. On apprend énormément en voyageant.
Adrian : Nous sommes très reconnaissants envers les gens qui viennent nous voir en concert, ce sont eux qui nous donnent cette opportunité.
Comment aimez-vous occuper votre temps libre en tournée (je suppose que vous en avez...) ?
Simon : À vrai dire, nous avons plus de temps libre qu'autre chose. Le concert dure deux heures au maximum et nous devons être sur place longtemps à l'avance. Contrairement à autrefois, nous ne pouvons plus dire "allons dans un bar et pintons-nous", parce que nous serions couchés à 22h si c'était le cas. Nous faisons une promenade, comme aujourd'hui, et nous tâchons de profiter au maximum de l'endroit où nous nous trouvons.
Parlez-nous de vos concerts à venir. Y a-t-il une chance pour que reveniez en France rapidement ?
Simon : Nous serons en Grèce début novembre [le 9, à Athènes] et aussi au Music Room à Dubai le 28 novembre. Nous comptons repasser par la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas et l'Allemagne l'année prochaine. Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose d'autre de prévu en France pour l'instant, mais Paul est toujours à la recherche de nouvelles dates et essaie de nous faire jouer autant que possible. Nous aimerions beaucoup revenir en France et découvrir de nouveaux endroits.
Adrian : Pour répondre à ta question, nous sommes programmés un peu partout en dehors de la France (rires).
Simon : En France comme ailleurs, il n'y a que très peu de salles dédiées à cette musique, et un grand nombre de groupes doit se les partager. Tu ne peux pas toujours jouer là où tu veux quand tu le veux, tu dois attendre ton tour.
Lorsque j'écoute « Forgotten Dreams », je me dis à chaque fois – et je sais que c'est un peu paradoxal – que cet album est tellement old-school que je le trouve rafraîchissant. Et l'on ne peut pas dire que je sois le seul à avoir ce ressenti quant au Metal traditionnel.
Que pensez-vous du succès que rencontre actuellement la scène « revival » Heavy Metal ? Écoutez-vous certains des jeunes groupes qui en font partie ?
Simon : Je discutais de cela hier soir avec JP Binois [l'organisateur du concert], il y a d'excellents nouveaux groupes, nous avons d'ailleurs travaillé avec certains d'entre eux. C'est dommage que la scène soit si peu développée, on ne leur donne pas vraiment la chance de faire des concerts et de s'améliorer. Je pense notamment au groupe Amulet (UK) : ces gars-là sont super sympas et sont de très bons songwriters, ils devraient pouvoir aller plus loin car ils travaillent dur pour y arriver.
Tu disais que tu trouvais l'album rafraîchissant, cela ne peut être qu'une bonne chose. Je pense que la musique que nous jugions bonne quand nous avions 18 ans l'est toujours. Et je suis peut-être un peu vieux jeu sur ce point, mais il faut bien dire que des types comme Sammy Hagar ou David Coverdale [chanteur de Whitesnake] chantaient plus qu'ils ne hurlaient, et recherchaient constamment la qualité. Nous en sommes restés là et c'est ce que nous essayons de faire aujourd'hui.
Beaucoup de jeunes doivent se dire : j'aimerais être en 1983, quand Iron Maiden était en train de faire de la NWOBHM [la nouvelle vague de Heavy Metal britannique] quelque chose de grandiose... Ceux que nous rencontrons lors de nos concerts sont largement influencés par Iron Maiden, Saxon... Or, quand tu écoutes Bruce Dickinson [le chanteur de Iron Maiden] ou Adrian Smith [l'un des guitaristes de Iron Maiden] parler de leurs influences, ils peuvent te citer les Beatles, et ce ne sont pas des artistes connus pour avoir simplement fait du bruit. C'est pour cette raison que j'ai toujours pensé que les bons groupes de Metal sont, 99,9% du temps, avant tout composés de grands musiciens.
Quel est l'accomplissement dont vous êtes le plus fiers lorsque vous considérez votre carrière dans son ensemble ?
Simon : Nous sommes encore vivants. C'est un privilège, cela veut dire qu'il y a toujours des gens qui pensent à nous. Nous sommes fiers d'avoir encore une forme de pertinence, si faible soit-elle, en 2014.
Adrian : Pour moi, c'est l'album. Quand nous nous sommes retrouvés et que nous avons décidé de faire quelque chose ensemble, je me suis dit, en tant que producteur, si seulement nous pouvions enregistrer tous les cinq ne serait-ce qu'une bonne chanson, qui sonnerait professionnelle, alors je serais heureux. Et nous avons fini avec un album complet. C'est facile à dire pour moi, mais je pense qu'il est super. Nous l'avons écouté dans la voiture en venant ici, pas parce que nous avons la grosse tête, mais parce que nous y prenons du plaisir.
Simon : Et je ne me souvenais pas de toutes les paroles (rires).
Adrian : Tu peux passer cet album après n'importe quel autre, et il sonnera bien. C'est une grande réussite à mes yeux.
Je sais que vous êtes actuellement en train de travailler sur votre second album. Que pouvez-vous nous en dire dès à présent ? À quoi pouvons-nous nous attendre ?
Adrian : Nous procédons exactement de la même manière que pour le premier album. J'ai bâti un petit studio afin que nous puissions enregistrer chez moi. Jusqu'à maintenant, les morceaux sont aussi bons que ceux qui figurent sur "Forgotten Dreams". Ce sera un peu comme la seconde partie de "Forgotten Dreams". Je ne pense pas que tu seras déçu lorsque tu l'écouteras.
Pour finir, quels conseils donneraient des vieux de la vieille tels que vous à un groupe débutant dans la scène Metal ?
Simon : Je dirais juste : n'abandonnez pas. Continuez à croire en vous. La scène ne peut pas devenir plus vaste qu'elle ne l'est déjà. Ce qui est épatant avec le Heavy Metal, c'est qu'il est toujours là et qu'il sera toujours, c'est une musique qui ne disparaîtra jamais vraiment. Même à notre grand âge, c'est parce que c'est ce que nous aimons que nous continuons à en faire. Donnez tout ce que vous avez, qui sait ce qui peut arriver ? Qui ne tente rien n'a rien.
Adrian : Je dirais : mettez de côté votre fierté et gardez à l'esprit que, peu importe à quel point vous êtes bons, vous connaîtrez dix échecs pour chaque succès remporté. Tout le monde est logé à la même enseigne. Vous devez être prêts à accepter l'échec et à en tirer des leçons. Ce n'est pas facile, mais il faut continuer d'avancer.
Merci à vous, Simon et Adrian, pour le temps et l'attention que vous m'avez consacré. Je suis sûr que le meilleur reste à venir pour le groupe.