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Album

20 octobre 2023 - ZSK

TesseracT

War Of Being

LabelKscope
styleDjent progressif
formatAlbum
paysAngleterre
sortieseptembre 2023
La note de
ZSK
8/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

A chaque fois qu’un des pionniers du genre sort un nouvel album, il convient de se poser la question : où en est la scène djent ? Eh bien, c’est vraiment pas folichon. Il est toujours aussi difficile de trouver de nouvelles formations de djent « pur » et concernant les gros noms, ça ne vole pas bien haut. En témoigne le dernier opus de Periphery, Periphery V : Djent Is Not A Genre sorti plus tôt cette année. Un album beaucoup trop indigeste où, bien que le groupe soit à son apogée sur la forme, l’inspiration est en berne et de nombreux passages frôlent la niaiserie gênante – sans compter les sempiternelles outros orchestrales très prétentieuses allongeant artificiellement un album déjà interminable en soi. Cela fait sept mois qu’il est sorti et j’ai toujours la flemme de le chroniquer – alors que j’ai chroniqué jusque là l’intégralité de la discographie du groupe ici ou ailleurs – je pense que cette transition vers son « concurrent » d’outre-Atlantique signe donc mon abandon. Pour en terminer sur l’état de la scène djent, cela en dit long et il y a eu peu de choses pour rattraper cette faiblesse, déjà que Monuments avait à peine assuré le minimum syndical avec In Stasis l’an dernier. Le dernier bon album de « vrai » djent (exception faite de Vildharta voire de Volumes qui ont leurs propres délires) était Ecdysis (2021) de Particle Thief (nouveau nom de Stealing Axion pour rappel, autre grand fondateur du mouvement djent) et pour le futur, je compte beaucoup sur les très méconnus SeeS qui avaient sorti les excellents The enD (2011) et Three Winters (2015), dont un nouvel album est dans les tuyaux. Bref, revenons-en à un des autres maîtres du djent, les Anglais de TesseracT. Qui pourtant, passé leur premier et très attendu à l’époque opus One (2011), s’étaient éloignés du djent pur et dur pour proposer quelque chose de plus aéré et progressif, quittant même Century Media pour le bien moins metal Kscope dès leur troisième album Polaris (2015). On ne comptait donc pas vraiment sur TesseracT pour sauver le djent vu qu’il avait depuis bien longtemps choisi une voie plutôt différente. Et pourtant…

Le court Sonder (2018) montrait déjà que TesseracT semblait un peu revenir vers quelque chose de plus direct et dynamique – même si dès le départ la formation anglaise n’a jamais fait quelque chose d’aussi foufou et technique que Periphery. War Of Being va enfoncer le clou et remettre un peu TesseracT dans le chemin du djent légèrement plus traditionnel, même s’il garde son identité bien à lui et reste toujours un groupe qui a une gueule d’atmosphère à tout instant. Dans le fond comme dans la forme (le line-up y compris, oui Daniel Tompkins n’a pas (re-)quitté son poste et enchaîne trois albums, waouh) TesseracT ne change pourtant pas et ses particularités se reconnaissent entre mille. Mais War Of Being est assurément son album le plus couillu depuis… toujours ? Même One était quand même pas mal feutré en son temps, malgré des baffes à la « Nascent ». Mais ici, Altered State et Polaris seront définitivement balayés. Certes, cela reste du metal prog qui respire beaucoup et c’est tout de même très relax pour du « metal ». Mais le djent revient en force, même si TesseracT ne s’est jamais vraiment distingué pour l’efficacité de son riffing. De toute façon il suffit d’écouter quelques secondes du départ sur « Natural Disaster » pour s’en convaincre. La riffaille djent nous accueille immédiatement, et encore mieux, Daniel Tompkins… gueule ! Et sur tout l’album, il gueule même… beaucoup ! Limite il ne gueulait pas autant… sur One ! Et quand on se remémore que même sur Sonder, ses « gueulantes » se comptaient sur le doigt d’une main, on se dit que ça suffit pour que TesseracT repasse du côté « metal » de la Force, quitte à passer pour le metalleux bas du front qui attend que ça gueule. Ce détail qui a toute son importance va faire évoluer l’aura de TesseracT vers quelque chose de plus remuant et frontal, et ça fait du bien. Car même si le groupe anglais avait su se distinguer avec ses ambiances éthérées, on sait qu’il en avait encore sous la semelle et était encore capable de pondre quelque chose de plus complet et équilibré. Ce jour est donc arrivé avec son cinquième album qu’est War Of Being.

Et puis l’inspiration est bien là vu que War Of Being démarre en trombe. Si « Natural Disaster » est déjà un départ « pied au plancher » dans le style du groupe avec même quelques moments assez monumentaux, les hits s’enchaînent pour un groupe qui n’avait pourtant pas pris pour habitude de proposer de vrais tubes. C’est pourtant le cas de l’accrocheur et rafraîchissant « Echoes », de l’excellent et remarquable « The Grey » au somptueux refrain, et du cossu et catchy « Legion » avec des riffs mordants. Polaris et Sonder avaient certes des quasi-hits sympathiques mais qui ont déjà disparu de notre mémoire, mais là TesseracT s’est surpassé pour donner du corps à de vrais tubes, et War Of Being semble avoir ce truc en plus. Même si le groupe se lâchera encore différemment vu que passé le plus planant « Tender », le morceau-titre se permettra d’aligner 11 minutes ininterrompues de djent progressif. Ça ne sera malgré tout pas le momentum attendu de War Of Being, mais TesseracT y résume bien toutes ses capacités, et surtout son inspiration – retrouvée ? – avec des compos vraiment djent, genre qui avait fini par se diluer et s’étioler dans son style épuré. « Sirens » assure encore la caution cotonneuse de l’art de TesseracT mais le dernier bonbon de War Of Being sera « Burden », morceau certes encore aérien mais vraiment entraînant, et surtout porté par une prestation XXL de Daniel Tompkins qui ne s’était jamais autant lâché qu’ici – mais pas sur les screams, bien sur les écarts de voix assez impressionnants. Ajoutez à cela quelques moments assez incroyables sur « Legion » ou le morceau-titre et le vocaliste prouve encore ici qu’il est le MVP des chanteurs djent et ce sans contestation. Alors en plus le fait qu’il reprenne plus sérieusement les gueulantes… n’en jetez plus et prosternez-vous, oui même vous M. Sotelo. Se terminant sur la longue conclusion encore bien complète et inspirée qu’est « Sacrifice », War Of Being ne révolutionne pourtant rien, ni le djent, ni le metal prog, ni TesseracT. Il y a peut-être des passages qui feront bailler et niveau riffing, ce n’est pas toujours de la haute technique et c’est même parfois redondant (avec notamment ces « solos » de basse sautillante). Mais War Of Being est assurément l’album le plus réjouissant de la discographie de TesseracT, l’album qu’on attendait après One et qui ne nous arrive que 12 ans après, même si entre temps les variations de leur style auront pu être appréciées à leur juste valeur par certains. Meilleur que One qui demeure une référence du djent, seul l’avenir et le recul nécessaire nous le diront. Mais leur meilleur album depuis One, assurément, surtout quand il y a de vrais tubes pouvant succéder à l’intemporel « Nascent ». Une vraie surprise, pas dans le sens où on l’attendait certes – surtout quand on a envie de dire « enfin! », mais qui fait plaisir et justifie bien quelque part que TesseracT est un groupe avec deux majuscules.

 

Tracklist de War Of Being :

1. Natural Disaster (6:06)
2. Echoes (5:46)
3. The Grey (6:07)
4. Legion (6:00)
5. Tender (4:37)
6. War of Being (11:02)
7. Sirens (4:57)
8. Burden (6:34)
9. Sacrifice (9:34)

 

 

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