U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !
Il y a une ou deux semaines, je regardais la téloche et je suis tombé sur la publicité pour une émission prévue en prime-time le samedi suivant sur France 2. C'était un énième programme à la gloire de l'escroc Aznavour et de la chanson française. Je ne vous raconte pas le niveau... Enfin bref, une phrase de l'escroc m'a interpelé. « La chanson, c'est avant tout un texte » qu'il disait... Mon dieu, cette tristesse venant de sa part... Comment lui faire comprendre que c'est avant tout une question de savant dosage comme en cuisine ?
Heureusement que Therion m'est venu en aide en sortant Les Fleurs Du Mal. Vous me croirez ou non mais le concept de ce nouvel album est quand même bien couillu. Vous connaissez le style musical des Suédois, à savoir un Metal symphonique autant influencé par le Metal que par l'Opéra avec de la grosse guitare, plusieurs chanteurs (dont certains ont vraiment officié dans des Opéras) et des orchestrations ultra pompeuses. Ici, Christofer Johnsson a souhaité faire un album constitué uniquement de reprises de morceaux de chanson française de la fin des années 60 (Évidemment, en Français dans le texte). Au programme, du très célèbre (France Gall, Serge Gainsbourg, Sylvie Vartan et Marie Laforêt) et de l'inconnu sorti de nulle part (Victoire Scott, Léonie Lousseau ou Claire Dixon). Il n'est donc pas étonnant que cela ne sorte pas sur Nuclear Blast, le label habituel du groupe, mais sur End Of The Light en étant totalement financé par Christofer lui même. C'est qu'il le voulait cet album qui sera, pourtant, longtemps décrié et moqué (déjà que beaucoup n'avait pas besoin de cela pour cela), y compris par les fans.
Pour ainsi dire, tout le monde s'attendait à un nouveau Lulu, à un nouvel Illud Divinum Insanus. J'avoue que j'étais même le premier à lâcher un petit sourire quand j'ai entendu cette reprise de « Poupée De Cire, Poupée De Son ». Cependant, j'ai été vite séduit par cette version d'« Initials B.B. » qui m'a entêté quelques jours durant (la reprise de la Symphonie N°9 d'Antonín Dvořák jouant, quand même, énormément), m'obligeant à me procurer l'album pour me faire une réelle idée sur la chose. Ce titre m'a fait me rappeler la fameuse phrase d'Aznavour que je vous ai citée auparavant parce que Therion ne fait pas que reprendre ces morceaux juste pour le plaisir de les reprendre mais avec une grosse volonté de rendre à certains de ces titres les interprétations qu'ils méritent. Le mot interprétation ne doit rien dire à ce monsieur. A l'époque, on avait des championnes en France pour chanter des textes qu'elles n'avaient pas écrits et qu'elles ne comprenaient même pas. Entre la France Gall qui chantait des textes de Serge Gainsbourg qui se moquaient ouvertement d'elle sans s'en rendre compte ou une Marie Laforêt qui te chantait la chanson sur l'amour de sa vie avec un tel détachement qu'on se demande si elle était tombé déjà tombée amoureuse avant d'avoir lu ce texte et je préfère ne pas parler de Sylvie Vartan... Une chanson, ça ne se lit pas, ça se vit! Comment expliquer que des étrangers ne parlant pas la langue de Molière semble plus concernés par un texte que des jeunes blondes françaises d'époque ? L'étude des textes ? Je dis cela sans aucune misogynie, c'est juste que sur cet album, il n'y qu'« Initials B.B. » qui est à l'origine chanté par un homme qui, lui, croit en ce qu'il chante (par contre la voix du refrain, « Beurk »).
Pour avoir comparé les reprises avec les originales, je peux vous dire, sans trop sourciller, que Therion dépasse les travaux d'époque même s'il y a du bien et du moins bien. Déjà, des titres comme « Poupée De Cire, Poupée De Son » qu'on a en deux versions en plus (l'une entièrement chantée par Lori Lewis et l'autre en duo avec Thomas Vikström), « La Licorne D'Or » ou « Wahala Manitou » n'ont que peu de potentiel à la base et passent ainsi du stade médiocre à moyen (encore que la première à un coté second degré assumé qui fait bien rire). « Soeur Angélique » est peut être la seule reprise à moins valoir le coup que l'originale, c'est dire sa faiblesse. Pour le reste, je vous le dis haut et fort, ce n'est pas ce que Therion a fait de mieux mais c'est du tout bon. Christofer Johnsson ne s'est pas emmerdé pour les compositions reprenant les thèmes originaux avec des riffs Heavy et quelques soli par-ci, par-là. Il s'est aussi débrouillé pour rendre le tout pour le moins théâtral à l'image de « J'ai Le Mal De Toi », « Une Fleur Dans Le Coeur », « Polichinelle » ou « Lilith ». Sa plus grosse facétie reste cette version de « Je N'ai Besoin Que De Tendresse » complètement folle, tout en second degré, encore une fois (Thomas Vikström y est totalement déchainé). Il s'est surtout concentré dans sa tache de producteur pour encadrer l'interprétation des morceaux afin que les chanteurs rendent la performance la plus proche de ce qu'aurait du être l'originale. Cela donne des choses vraiment intéressantes comme « Initials B.B. » dans une vision cent fois plus érotique, comme « Mon Amour, Mon Ami » qui devient une vraie déclaration d'amour, comme « Dis-Moi Poupée » plus sérieuse, comme la tristesse amplifiée d'« En Alabama ».
Le plus con pour moi, c'est de me retrouver en soirée et de me mettre à fredonner « Mon Amour, Mon Ami ». Quand les autres s'en aperçoivent, je passe de suite pour un ringard. Quand je leur dis que c'est une reprise de Therion, on se fout encore plus de ma gueule. La vie est cruelle. Pourquoi, Therion avec un concept aussi bancal ne nous a pas sortis pas un album à la Metallica et Lou Reed ? Ça m'aurait évité de chanter comme un idiot un morceau bidon qui se trouve sublimer pour l'occasion mais dont personne ne s'apercevra. Les étrangers n'accepteront surement pas ce chant entièrement en Français tandis que les Français auront trop de fierté pour écouter la bête et encore plus, pour avouer le fait qu'ils l'aiment. Il n'y a que ceux qui auront fait l'effort d'écouter Les Fleurs Du Mal d'un bout à l'autre et non pas juste de l'entendre, qui pourront voir que Therion a su passé ce test avec maîtrise en attendant l'Opéra Rock...
1. Poupée De Cire, Poupée De Son (France Gall)
2. Une Fleur Dans Le Coeur (Victoire Scott)
3. Initials B.B. (Serge Gainsbourg)
4. Mon Amour, Mon Ami (Marie Laforêt)
5. Polichinelle (France Gall)
6. La Maritza (Sylvie Vartan)
7. Soeur Angélique (Annie Philippe)
8. Dis-Moi Poupée (Isabelle)
9. Lilith (Léonie Lousseau)
10. En Alabama (Léonie Lousseau)
11. Wahala Manitou (Léonie Lousseau)
12. Je N'Ai Besoin Que De Tendresse (Claire Dixon)
13. La Licorne D'or (Victoire Scott)
14. J'ai Le Mal De Toi (Betty Mars)
15. Poupée De Cire, Poupée De Son (France Gall)
Bonus
16. Les Sucettes (France Gall)