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En tant qu’album à part entière, Handful of Stars n’était pas un mauvais album. En tant qu’album signé Drudkh, c’était une autre paire de manche. Volonté d’évoluer, de se moderniser, Drudkh montrait une facette plus soignée, léchée et moins organique que par le passé, alors que même la redondance d’un album à l’autre chez les Ukrainiens n’était pas nécessairement considérée comme un drame. D'un point de vue personnel, j'avais salué l'audace de changement, sans être totalement séduit, mais le succès mitigé auprès des fans et les critiques nuancées de la presse ont sans doute dû mettre la puce à l’oreille du quatuor de l’Est, qui a annoncé cet Eternal Turn of the Wheel comme ‘un retour aux sources’.
Bah oui, forcément, comme beaucoup de groupes qui ont su à un instant T de leur carrière poser des joyaux sur bandes, à chaque nouvelle sortie le bon vieux fan des familles ne manquera pas de rappeler à Drudkh que bordel ‘c’est pas mal, mais ça vaut pas (rayer la mention inutile) Forgotten Legends/Blood in our Wells /Autumn Aurora.’
Alors Drudkh nous fait le coup du retour aux premières amours, et ce genre de déclaration, chez moi, ça provoque instinctivement la méfiance la plus vive. On nous l’a déjà faite celle-là, et on s’est suffisamment fait couillonner pour ne plus prendre ces déclarations pour argent comptant. Alors c’est parti, et décortiquons l’autoproclamé back to basics de nos Ukrainiens fétiches.
Passé Eternal Circle, la traditionnelle introduction instrumentale, les hostilités s’ouvrent réellement sur Breath of Cold Black Soil, qui réussi son entrée en matière. On peut dire que Drudkh a soigné son retour, l’accalmie de l’intro s’efface vite au profit d’un groupe qui n’avait pas sonné aussi énervé depuis longtemps. Morceau de bravoure massif, aux guitares hurlantes et à la rythmique incisive, Drudkh semblerait bien faire honneur à ses ambitions. Le morceau fait écho aux plus délicieux mets servis ils y a près de 10 ans, l’atmosphère rouge sang et l’énergie tellurique de Drudkh refont surface, le sentiment que nous sommes repartis arpenter les terres d’Ukraine s’immisce doucement dans le cortex, le morceau est un vibrant hommage au Drudkh que l’on n’espérait plus trouver. Exit les choix erratiques de production optés sur Handful of Stars, on revient à des sonorités moins rondes et moins chaleureuses, le mix est rêche, revalorise l’atmosphère, bref on cause avec le groupe entre connaisseurs, finalement, c’était le but avoué.
Alors Drudkh sera-t-il capable de séduire sur la durée d’un album, de reconquérir le podium sur lequel figurent ses 3 premières livraisons ? Malheureusement non. Car à l’écoute, l’ensemble ne transporte pas autant que ce à quoi on s’attendait, le propos semble calibré dans l’unique but de séduire le vieux fan, ne transpire absolument pas la sincérité poignante et hypnotique du passé. On sent l’ami Thurios moins en poumons mais toujours aussi haineux, et si bien entendu, Drudkh prouve qu’il est largement capable d’écrire de grands titres (les rayonnantes nuances de Night Woven of Snow, Winds and Grey-Haired Stars fleurent bon Blood in our wells), il se contente surtout de redonner un coup de verni sur l’héritage familial, ce qu’il est néanmoins le seul à savoir faire avec maestria, et s’avère sur la durée trop inconstant, là où la cohérence était d‘habitude l’apanage des Ukrainiens.
Sans complètement étouffer ses ambitions d’évolution entamées par Handful of Stars, dont le spectre plane ostensiblement sur la dispensable Farewell to Autmun’s Sorrowful Birds, Drudkh s’est retrouvé le cul entre deux chaises. Si Eternal Turn of the Wheel devait être résumé, on pourrait le décrire comme un pastiche un peu malhabile du meilleur du Drudkh d’antan, qui renoue avec ses atmosphères éthérées chères à son cœur, et aux nôtres, et un peu trop frileuse de sa dernière livraison, tout en évitant, fort heureusement, l’écueil d’un Old Silver Key décevant à plus d’un titre.
Drudkh a fait un pas en avant et deux en arrière, on ressent planer la volonté de se remémorer le bon vieux temps, mais le passage à l’acte est trop bancal, top incertain pour envoûter pleinement. La seconde moitié d’Eternal Turn of the Wheel s’essouffle un peu vite, les claviers occupent un peu trop l’espace, l’unité de l’album s’effondre car malmenée par des mélodies qui saupoudrent timidement la tradition de modernité, mais la mixture ne prend pas, et l’ensemble retombe comme un soufflet. Sans que l'on s'ennuie, on n'est pas captivés, happés par l'identité d'habitude si forte du groupe.
Alors bien entendu, Drudkh n’a pas pondu là un album nul à chier, il est plutôt agréable, ni plus, ni moins et essentiellement pour son premier et excellent morceau qui nous brosse largement dans le sens du poil, mais sa démarche avouée de retrouver ses racines est bien trop démonstrative et trop agrémentée d’éléments de Microcosmos ou d’Handful of Stars pour séduire le vieux fan bougon que je suis, qui voudrait que Drudkh tranche une bonne fois pour toute entre la complaisance (partagée) dans son berceau d’origine et volonté d’explorer autre chose comme ils l'ont fait précédemment, plutôt que de proposer un skeud incertain, qui ne sait pas trop où il va, qui est loin de faire honneur au potentiel du groupe.
Dommage, mais que ça ne vous empêche pas ni de vous pencher dessus, ni d'attendre avec impatience la suite.
1. Eternal Circle
2. Breath of Cold Black Soil
3. When Gods Leave Their Emerald Halls
4. Farewell to Autumn's Sorrowful Birds
5. Night Woven of Snow, Winds and Grey-Haired Stars