Chronique Retour

Album

27 février 2025 - Circé

Havukruunu

Tavastland

LabelSvart Records
styleEpic Black Metal
formatAlbum
paysFinlande
sortiefévrier 2025
La note de
Circé
8/10


Circé

hell god baby damn no!

Ah, la Finlande. Contrée aux mille lacs et aux forêts sans fin, au fond desquelles le black metal a naturellement vite fait son foyer (sûrement à cause des innombrables possibilités de photoshoots trve dans les bois). Sa scène est en quelque sorte partagée depuis toujours entre une tendance au black metal le plus austère et agressif possible, Sargeist et autres Impaled Nazarene d'un côté, et, de l'autre, une obsession pour les mélodies et l'imagerie pagan, dont Moonsorrow est depuis longtemps le plus fier représentant. On a vite une vision très stéréotypée de ce que peut être le black metal finlandais ; comme c'est le cas pour la Suède ou la Norvège, voire la France. Mais voilà qu'il y a 10 ans déjà sortait Havulinnaan, premier album d'Havukruunu, une entité qui, dans une scène pourtant vite consanguine, ne semblait avoir de lien avec aucune des grosses formations existantes. Mais surtout, Havukruunu semblait proposer quelque chose d'à la fois singulier et familier, souvent comparé à un Windir à la sauce finnoise : le son raw et les riffs agressifs d'une moitié de la scène, la sensibilité épique et mélodique de l'autre. Un mélange parfaitement réussi qui porte le groupe depuis maintenant quatre albums, et qui lui a vite permis de se faire reconnaître de tout l'underground comme une formation à suivre. Jusqu'à mener à une signature avec Svart Records pour ce nouvel opus, un label à la fois pointu et varié.

Tavastland est d'une écoute intéressante, partagée entre surprises et attentes satisfaites. Premier détail qui frappe : le son est plus propre, plus puissant. Et si cela enlève quelque peu ce qui faisait le charme des albums précédents, c'est également complètement cohérent avec ce que cet opus propose. Car contrairement à ses prédécesseurs, Tavastland n'est pas une avalanche de riffs mélodiques à vitesse grand V chevauchés par des vocaux agressifs. Ici, on prend son temps, et ce, dès le mid tempo guerrier du premier morceau. Bientôt, un chœur, et le doute s'installe : a-t-on lancé un album de Bathory ? Car c'est bien là l'influence principale qui domine la quasi-totalité de l'album. Havukruunu n'avait jamais caché son amour pour les chœurs ; mais on en retrouve ici sur tous les morceaux, entrecoupant les phases d'accélération et les hurlements plus classiques du chanteur. On peut d'ailleurs tirer des parallèles vers l'univers de Bathory jusqu'à la thématique de l'album, qui nous raconte la rébellion des habitants d'une province du sud du pays (le Tavastland) contre l'Église catholique, au XIIIe siècle. Sur les terres pagan du black metal nous sommes, donc.

Après l'avoir forgé dans la vitesse et l'épique, Havukruunu cherche à décliner son style au pas assuré et conquérant du mid tempo. Pour la première fois dans la discographie du groupe, il y a quelque chose de réellement lumineux et positif qui se dégage de certains passages. Les quelques notes acoustiques au milieu des envolées lyriques des chorus, des mélodies célestes, et puis bien sûr, il y a les solos. En 2020 déjà, sur l'album précédent, le quatuor avait magnifiquement commencé à incorporer ces parties très typées heavy au milieu de compos sinon complètement black metal. Une démarche sublimement effectuée, auquel aucun puriste ne pourrait objectivement faire de reproche tant le résultat n'en est que plus épique. Cela fait sens. Le groupe semble ici prendre encore plus d'assurance et en mettre de plus en plus, que ce soit par des solos plus typés prog', ou encore une démonstration de tapping. Et dans un album comme Tavastland, au rythme beaucoup plus varié que ses prédécesseurs, ces solos prennent vraiment une place à part entière dans les compositions. Les accélérations au blast beat et au tremolo picking n'en deviennent que plus efficaces, avec des mélodies qui restent en tête dès la première écoute. C'est peut-être là mon seul reproche à l'album : malgré des innovations, ce sont toujours les passages rapides et les riffs au tremolo picking qui me restent en tête.

Allier une esthétique résolument « trve » et des influences externes est un pari risqué, que les Finnois effectuent depuis longtemps avec brio. Avec un riffing à la fois agressif et mélodique, un traitement singulier de la voix, Havukruunu a aussi su se créer un son de base immédiatement reconnaissable, ce qui permet d'évoluer, de tenter de nouvelles choses, de varier le ton, sans jamais perdre l'auditorat. On se laisse directement happer par ce qu'on connaît, puis on se laisse surprendre par de nouveaux éléments.

Tavastland témoigne d'un groupe à la fois conscient de son identité et aventureux, au sommet de sa créativité. Les Finnois ont ce qu'il faut pour rallier à la fois les puristes du black metal et un auditoire plus curieux, et ce n'est pas une prouesse aisée – Havukrunnu prouve ici être l'un des grands groupes du black metal actuel.

Ne nous reste plus qu'à apprendre le finnois pour pouvoir reprendre haut et fort le chorus du morceau éponyme !

Les autres chroniques