Revue d'actu #14 : Saor, Idle Hands, Imperial Triumphant, Havukruunu, etc.
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Pour cette 14e édition de la revue d'actu, quelques sorties très attendues de projets en plein ascension, puisque Kelle Surut Soi d'Havukruunu comme Vile Luxury d'Imperial Triumphant, deux des sorties Black les plus appréciées de la fin de la décennie dernière, vont connaître un successeur cet été. On notera aussi un nouvel EP d'Idle Hands, ainsi qu'un remaster de l'immense Aura de Saor, qui, sorti il y a six ans à peine, bénéficie déjà d'un vrai petit culte chez les amateurs de Black Metal atmosphérique. On vous laisse donc à ce beau programme !
Imperial Triumphant
Traleuh : Le morceau Rotted Futures comme la pochette d'Alphaville l'indiquaient : Imperial Triumphant s'est trouvé. Il s'est trouvé, paradoxalement, là où le flux informatif est le plus brouillé, cacophonique : dans le fog conspirationniste d'un New-York octopode, terrain des instincts claironnés, ce New-York morne et mythique, celui déjà dépeint par John Zorn dans son Naked City.City Swine, c'est l'enfant issu des testicules hargnement palpées du Charging Bull ; cet affairisme grégaire transformé en phénomène pulsionnel. Des hurlements adipeux, mélange concupiscent entre un Mamaleek et un Mikko Aspa ; une batterie comme porteuse de cette masse humaine permanemment grouillante, suintante. Imperial Triumphant c'est ce nouveau roi des rats, campé dans son arsenal luxueux à la somptuosité technique clinquante ; comme un souverain démiurgique qui dénude cette corpulente hétaïre à la peau d'or, cet or vif et irascible qui ne dort jamais.
Idle Hands
Malice : Comme vous avez pu le constater dans notre sélection des années 2010, et même si je pense qu'il y a là biais de récence dans le chef de la rédaction, le premier album d'Idle Hands nous a marqués, de par ses mélodies sombres teintées de post-punk, accrocheuses et crépusculaires. Après Mana, on ne dit pas non à un peu de rab, même si ce n'est que sous la forme d'un 7" intitulé Don't Waste Your Time II.
Au programme, rien de neuf : comme l'explique le combo de Portland, ces deux morceaux auraient dû figurer sur le premier EP (Don't Waste Your Time, donc) et avaient été enregistrés en 2017. Notes éthérées, refrain accrocheur, et toujours cette voix de crooner si particulière de Gabriel Franco qui fait merveille. Deux titres qui auraient pu être ajoutés à Mana sans en altérer la qualité, It Doesn't Really Matter ayant même le potentiel pour en être un des tubes. Plus que jamais, Idle Hands a notre attention !
Emyn Muil
Malice : Alors, oui, pour beaucoup, Emyn Muil n'est qu'un énième Summoning-like sans grande personnalité, critique inévitable pour le one-man band aux textes intégralement inspirés par Tolkien depuis son premier opus Turin Turambar Dagnir Glaurunga et dont le mimétisme avec le duo autrichien est parfois confondant. Le second album Elenion Ancalima m'avait cependant paru tenter de s'éloigner un peu de l'ombre fort envahissante de son inspiration principale, sans bien sûr changer outre mesure son approche ; surtout, Emyn Muil propose une esthétique franchement épatante, plus fouillée que celle de Summoning, et la musique de Saverio Giove s'avère moins dépouillée.
Le troisième opus annoncé à la fin du mois de juin, Afar Angathfark, s'est déjà présenté via pochette, tracklist et un teaser de quelques minutes. Sans m'attendre à être aussi transporté par Emyn Muil qu'à l'écoute de Minas Morgul et Old Mornings Dawn, je préfère vivre dans un monde où de bons Summoning-like proposent de la qualité que voir le Maître sortir d'autres With Doom We Come ...
Tracklist :
1- Afar Angathfark
2- Halls Of The Fallen
3- Noldomírë
4- Heading Eastward
5- Udûn
6- Where The Light Drowns
7- Black Shining Crown
8- In Cold Domain
9- BONUS TRACK: Arise In Gondolin [extended version]
Total playing time: 68:51
Saor
Malice : Je ne peux pas le cacher : je voue un véritable culte à l'album Aura de Saor ; dans une moindre mesure à Roots également, et le dernier-né Forgotten Paths avait fini par trouver le chemin de mon coeur, mais le second opus d'Andy Marshall (qui s'est depuis entouré) reste particulier. Peu d'albums peuvent me faire voyager comme Aura, au détour d'une mélodie qui me renvoie à mes voyages dans les décors magiques de l'Irlande (n'ayant jamais eu la chance de traverser les highlands écossais, ce que je ferai un jour avec ce même album dans les oreilles).
Cela dit, l'annonce d'un remaster m'a franchement paru étrange. Démarche du nouveau label de Saor (Season Of Mist) pour raisons pécuniaires ? Ou vraie volonté de Marshall de corriger l'étrange fait que Roots dispose, en effet, d'une mise en son plus harmonieuse qu'Aura ? Tant que le résultat est là, ma foi. Et à l'écoute du morceau-titre publié, les amoureux du groupe reconnaîtront a priori qu'il n'y a rien de mal fait, bien au contraire : les subtilités des mélodies sont mieux perceptibles, le tout est plus clair sans perdre son authenticité et sans changer un iota au son de batterie incroyable d'Austin Lunn (Panopticon), dont le jeu porte le morceau. Ca n'enlèvera pas de la tête de certains que Saor surfe sur sa hype, mais qu'importe ...
Havukruunu
Matthias : Un temps encombrée de ses innombrables groupes folkisants plus ou moins sérieux, surtout depuis que ceux-ci soignent d'avantage leurs fourrures et leurs oreilles d'elfes que leur musique, la Finlande a quand même su se préserver une scène adepte d'une vision sérieuse du Pagan teinté de Black Metal. On peut citer Moonsorrow pour les formations les plus réputées, mais c'est l'arbre qui cache toute une forêt d'artistes, parfois discrets, mais toujours sincères face à leur musique. C'est certainement le cas de Havukruunu, qui nous a déjà offert deux splendides albums en 2015 et 2017, chacun à même de redéfinir les canons du genre.
Après une telle entrée en matière et son essai transformé, on n'en voudra pas trop au groupe de Hausjärvi d'avoir pris un peu plus de temps pour peaufiner le troisième opus. Celui-ci s'intitule donc Uinuos syömein sota, et sortira dès le 14 août prochain sur Nachturmacht Productions. On y sera donc vite, mais pour nous aider à patienter, Havukruunu vient de dévoiler "Ja Viimein On Yö". Une charge furieuse en guise de premier morceau dévoilé avec le retour confirmé de Stefan au chant pour la mener. Nos Finlandais se permettent un très beau solo à la moitié de la piste, bientôt soutenu d'un chœur qui monte du fond des congères. Ja Viimein On Yö ne révolutionne certes pas le style Havukruunu, mais s'en présente comme une très belle synthèse, morceau Pagan où la brutalité ne cède en rien à une certaine grandiloquence.
Kawir & Yoth Iria
Matthias : Maintenant direction plein sud vers l'antipode à l'échelle européenne, à savoir la Grèce, où Kawir a annoncé la fin du moins passé un futur split avec Yoth Iria. On connaît le projet très personnel de Therthonax, qui sacrifie au panthéon hellénique depuis 1993 et qui vient de sortir un nouvel album. Yoth Iria, formation fondée l'année passé, évoquera moins de souvenirs. Et pourtant, ce duo mérite amplement d'être découvert, car il rassemble pas moins que Jim Mutilator, troisième fondateur de Rotting Christ et vétéran de Varathron, ainsi que George Zacharopoulos , alias Magus Wampyr Daoloth, qui fut claviériste pour Rotting Christ jusqu'à Non Serviam, avant de collaborer avec une bonne part de la scène Death/Black de l'archipel. Bref, des musiciens qu'on est très content de retrouver !
Nous ne disposons pas encore de beaucoup plus d'informations sur ce split attendu pour début septembre. D'ici là, autant en profiter pour (re)découvrir Adrasteia, la dernière offrande de Kawir aux anciens esprits de la Grèce. Ou, pour les nostalgiques des prémices de cette scène parmi les plus fécondes, de jeter une oreille au premier EP de Yoth Iria, Under His Sway, sorti en janvier dernier. Passage obligé pour les zélotes du Black Metal hellène : sentiment de retour dans les 90's garanti, avec 30 ans d'expérience en guise de colonnes doriques pour soutenir un édifice qu'on espère bien voir s'élever !
Æpoch
Gazag : En 2018, leur album Awakening Inception est passé relativement inaperçu. Cette année, Æpoch propose un EP, Scryer, dans la catégorie Death Urbain. La piste A Brainwashed Civilisation dispose de bons arguments pour suivre à nouveau les Canadiens. Une écriture un chouïa à la marge, une prod un peu plastoc’ mais aérée, mais surtout un pont imparable. Devant un riff 100% haché, chaque instrument vient apporter sa petite mélopée avant de retourner bosser. Classique, mais inattendu dans l’élan du morceau. Le titre éponyme est également à l’écoute, avec une moitié à renvoyer à l’imprimeur, et une autre avec des idées plaisantes. Ce Scryer à un potentiel très intéressant, pour citer le sélectionneur. Les deux tiers sont toujours sous clé, réponse vendredi 31.