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Album

25 janvier 2025 - Circé

The Great Old Ones

Kadath

LabelSeason Of Mist
stylePost-Black Metal
formatAlbum
paysFrance
sortiejanvier 2025
La note de
Circé
9/10


Circé

hell god baby damn no!

D'auteur culte de niche à phénomène mondial de la pop culture, Lovecraft et son univers sont depuis longtemps sur-représentés dans nos musiques extrêmes, au point qu'on soupire en voyant un nouveau groupe nous clamer soudainement avoir trouvé une nouvelle manière de nous décrire musicalement l'horreur de l'indescriptible Lovecraftien. Un vibrant témoignage de la portée de son œuvre, certes, mais également un sentiment de lassitude, à force, tant on a vu de pochettes tentant de représenter Cthulhu.

Et puis, il y a The Great Old Ones. En quinze ans de carrière, quatorze depuis leur premier album, les bordelais nous ont offert cinq opus tout aussi différents qu'excellents. Le groupe est sûrement la formation la plus “littéraire”, et c'est sûrement cela qui fait son succès : loin de chercher à nous présenter les mêmes clichés, chaque album est une vraie recherche en finesse d'adaptation d'une œuvre littéraire en musique. Un vrai travail de transcription du texte à la musique, mais surtout, une tâche qui leur donne une véritable ligne directrice nouvelle pour composer chaque nouvelle sortie. C'est ainsi qu'on se retrouve avec un album monolithique comme Tekeli-Li ou un EOD beaucoup plus dense et chaotique.

Il y a quelques mois, Benjamin, tête pensante du groupe, était passé sur le plateau de l'émission Horns Up pile pendant l'enregistrement de Kadath (c'est l'instant auto-promo, cliquez sur le lien !) Et nous y voici, environ 10 mois plus tard, enfin capables d'écouter le résultat. En ce début d'année, c'est au Cycle des rêves que le groupe s'attaque, et plus précisément à son œuvre principale, La Quête onirique de Kadath l'inconnue (The dream-quest of unknown Kadath en V.O), dans laquelle Randolph Carter part dans son sommeil pour Kadath où demeurent les Dieux, à la recherche de la cité idyllique qui lui est apparue en songes. Un périple de rêves en cauchemars au cours duquel il rencontrera prêtres étranges, créatures bienveillantes et serviteurs des Grands Anciens, jusqu'à se retrouver face à Nyarlathotep, duquel il arrivera à s'échapper en s'extirpant de son rêve.

Tout ce périple nous est raconté dans les lyrics, narration fidèle retranscrite à la première personne. Le reste, c'est la musique qui s'en charge. On a encore plus qu'avant l'impression d'écouter une bande-son – sauf que celle-ci se suffit à elle-même. Riffs mélodiques et mélancoliques, passages haletants, instants cauchemardesques où les rythmiques se font plus chaotiques et les riffs plus denses, ou encore ces passages d'angoisse où seule la batterie demeure avec la basse – chaque morceau de Kadath cherche à guider une narration, et non simplement à établir une atmosphère, comme c'est souvent le cas avec le post-black. TGOO signe d'ailleurs quelques-unes de ses compositions les plus directes avec les premières moitiés de « Me, the dreamer » et « Under The Sign of Koth ». On se retrouve directement happé d'une manière simple et frontale, assez surprenante pour un groupe si mélodique et atmosphérique, mais plus que bienvenue dans un album de plus d'une heure.

Et d'ailleurs, cette durée est le seul vrai reproche qu'on puisse faire à l'album. Ou plutôt, la durée de « Leng », longue piste instrumentale décrivant la (toute aussi longue et mouvementée) traversée des plateaux de Leng. C'est un pari risqué que de mettre un morceau instrumental de quinze minutes en avant-dernière position – et s'il regorge de surprises, de moments de grâce comme ce merveilleux solo complètement inattendu, on commence malheureusement à décrocher en arrivant vers le passage narratif à mi-chemin. C'est d'autant plus dommage, car « Astral Voices (End of the Dream) », qui suit et qui conclut l'album fait un final parfait, tortueux, passant du calme oppressant au chaos en un instant avant de finir sur une cavalcade mélodique accompagnant la phrase finale : « My dream is over ».

Kadath est probablement l'album le plus abouti de The Great Old Ones, ses qualités narratives travaillées dans les moindres détails pour des compositions dont la longueur s'explique par leur constante évolution. Entre riffs cauchemardesques et respirations mélancoliques, le groupe dépeint parfaitement la balance entre la lumière qui se dégage de la cité rêvée, qui ne se révèle qu'être la beauté des souvenirs d'enfance, et le chemin tortueux que traverse le protagoniste. Loin des clichés, ceux du post-black comme ceux des références à Lovecraft dans les musiques extrêmes, The Great Old Ones met déjà la barre bien haut en ce début d'année.

Tracklist :

1. Me, The Dreamer
2. Those from Ulthar
3. In the Mouth of Madness
4. Under the Sign of Koth
5. The Gathering
6. Leng
7. Astral Void (End of the Dream)

 

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