The Great Old Ones (ciné concert) + Moonreich + Houle @Antony
Espace Vasarely - Antony
Ce vendredi 8 décembre, l’espace culturel Vasarely d’Antony (REP Patrick Devedjian) accueillait en ses murs une soirée suffisamment intéressante pour se faner le RER B. On m’avait dit en effet beaucoup de bien du ciné-concert proposé par The Great Old Ones et que nombre d’entre vous ont pu découvrir lors de l’anniversaire de Garmonbozia il y a un peu plus d’un mois de cela. Accompagnés des prometteurs Houle qui ont fait beaucoup parler d’eux courant 2023 ainsi que de Moonreich, il ne m’en fallait pas plus pour affronter froid et RATP. D’une capacité de 2-300 places à vue d’œil, affiché complet des jours avant la date, le choix de la salle demeure étrange de la part de la production. En effet, pour le moment, le ciné-concert n’est pas encore passé dans les « salles traditionnelles » de grandes villes. Cependant, passée la surprise initiale, l’espace Vasarely dispose d’une scène relativement haute, d’un bon son et d’un large écran, en bref, de capacités techniques optimales.
Houle
En live comme sur album, on m’avait très chaleureusement recommandé le quintet parisien. Signé chez LADLO pour leur premier EP, armé d’une direction artistique cohérente (l’immensité et les dangers inhérents aux océans), le groupe a très vite sorti son épingle du jeu et écume les évènements, avec, en guise de climax à venir, un passage sous la Temple pour le Hellfest 2024.
Arrivé en cours de set, il ne m’a pas été difficile de comprendre comment la réputation de Houle s’est construite. Alors que le groupe n’a qu’un EP, il est déjà équipé d’un décorum de scène (des cordages et des lampes), d’accessoires, de costumes (marinières souillées et bottes en caoutchouc), des samples entre les morceaux. La somme de ces éléments donne un résultat vraiment immersif, et à la vue du concert, on se laisse à penser que le groupe a vraiment réfléchi et investi avant de se présenter à son public. Le rendu est extrêmement pro, et malgré sa maigre discographie, difficile de ne pas se dire que le groupe est prêt pour tourner / investir n’importe quelle scène. Musicalement, on se retrouve face à un post black très LADLO compatible, plutôt mélodique avec des leads assez accrocheurs. L’originalité vient des passages sans distorsion avec beaucoup de reverbes et des soli qui rappellent d’emblée ce qui a distingué Chapel of Disease du metal game de 2018. En termes d’attitude, rien à redire non plus, la chanteuse, dans son jeu de scène, m’a rappelé la façon dont Julie Christmas tient son auditoire et ce n’est pas la comparaison la plus dégradante que l’on puisse faire, loin s’en faut.
Je sors du concert convaincu, à l’instar du public qui a réservé un accueil des plus chaleureux à Houle. Comme beaucoup de groupes découverts et soutenus par LADLO, Houle a de solides atouts pour se faire une place dans la scène française. Cependant, le groupe, comme beaucoup, va se retrouver à un moment où, la hype étant passée, la question de s’imposer dans le temps se posera. Il sera intéressant de voir si le groupe aura une trajectoire à la Regarde les Hommes Tomber et parviendra à perdurer ou tombera dans un oubli relatif à l’image d’un Au Dessus. On leur souhaite, bien évidemment, la première option. Bravo !
Moonreich
Je confesse assez mal connaître Moonreich. J’avais le vague souvenir d’un black metal bien exécuté et assez classique dans sa facture. Très riche en blast beat dans une veine qui rappelerait Marduk / Endstille. De manière assez surprenante, le propos est plus nuancé que ce à quoi je m’attendais. Après le concert, je me suis réécouté Amer, le dernier en date, qui contient de franches tranches de post, qui n’hésite pas à opérer des ralentissements assez bien amenés voire tenter des plans assez dansants qui peuvent rappeler (toutes proportions gardées) un Mysticum.
De fait, le rendu est plutôt agréable, les différents plans s’enchaînent de manière assez naturelle et fluide. On en place une pour Will, soldat tombé au combat. Outre les quelques légers problèmes techniques, il y a vraiment une seule vraie ombre au tableau : les lumières. Petit aparté : vous voyez en boîte le type qui connaît 3 pas de danse et qui les enchaîne à la vitesse… de la lumière - retrouvez moi en stand up à Brive la Gaillarde le 31 janvier 2023 au café du Magret - pour séduire une demoiselle ? Eh bah l’ingé lumière c’était totalement ce type. Trois secondes de strombo, puis hop, on met toute la scène verte, puis rouge, puis on va faire passer les projecteurs sur le public, puis lumière blanche, puis le retour du strobo. Putain, du calme non ? Musicalement, c’était agréable, visuellement, c’était chaud, les Susan Boyle du Black Metal.
The Great Old Ones
Tekeli-Li fait probablement partie de mon top 5 des albums de metal français. Ce fut mon préféré de l’année 2014 et encore presque 10 ans après, je l’écoute encore régulièrement et avec émotion. Ceci étant dit, j’ai vraiment décroché depuis de The Great Old Ones et je n’ai qu’une connaissance un peu vague des deux suivants. A l’annonce de ce ciné concert, qu’on m’a fortement recommandé depuis la prestation de Rennes, je me suis dit que c’était une bonne occasion de retourner à mes amours passées.
Décrire l’expérience sans vous révéler des éléments clés qui participeraient à la surprise et au plaisir du moment n’est pas chose aisée. Ce qu’il faut savoir c’est que d’un point de vue formel, le groupe joue non-stop pendant une grosse quarantaine de minutes sur un film adapté de la nouvelle L’appel de Cthulhu réalisé en 2005 par une société d’amateurs d’HP Lovecraft (la Howard Philipp Lovecrat Historical Society). Le film est muet, en noir et blanc (avec dialogues sur des plans après la conversation comme dans les Chaplin) avec des effets spéciaux très amateur et le recours fréquent au stop motion. Comme souvent chez Lovecraft, l’intrigue est à tiroirs avec des changements de cadres spatio-temporels assez fréquents (beaucoup de flashbacks liés à la lecture de documents) qui n’entachent en aucun cas la lisibilité du propos.
La presta est totalement instrumentale (à l’exception d’un passage), plutôt mid tempo, de manière générale se dégage de l’ensemble un sentiment de puissance et de majesté qui dialogue parfaitement avec le thème de la nouvelle. Le fait notable de l’ensemble film / bande originale est le soin tout particulier qu’à mis le groupe de Bordeaux à calquer leur composition de manière extrêmement précise sur les images du film. Sans vous en dévoiler trop, certains passages sont extrêmement surprenants et il y a plusieurs fois des changements brutaux de plans / des passages courts et stridents lors de moments de tension qui impressionnent par leur pertinence. En cela, The Great Old Ones s’inscrit parfaitement dans la tradition de la BO de film muet où la musique n’est pas un complément du film mais en est une partie intégrante.
Enfin, j’ai particulièrement apprécié les choix cinématographiques opérés par la HP Lovecraft Historical Society. En effet, dans l’œuvre de l’auteur de Providence, l’irreprésentable et l’indescriptible sont les vecteurs de terreur principaux. De fait, lors d’adaptation, la question des moyens de matérialiser ce qui ne peut être ni représenté ni conçu est cruciale. Refuser le gigantisme et opter pour l’irréalisme est, à mon sens, un choix très pertinent dans ce cadre.
Au terme de cette soirée cohérente, il est difficile de ne pas repenser aux travails des trois groupes : celui de Houle pour proposer très vite un rendu très pro, celui de Moonreich pour agencer ses plans de manière aussi fluide et celui de The Great Old Ones qui a réellement pensé une bande originale de A à Z avec un travail d’orfèvre. Gageons que ce format va être en mesure d’être présenté sur l’ensemble du territoire pour l’année à venir. A noter que la HPLHS a également sorti une adaptation cinématographique de "Celui qui chuchotait dans les ténèbres"... pour un volume 2 ?
Un grand merci à Garmonbozia pour l'accréditation.