Non.
Lorsqu'on suit l'évolution d'un groupe depuis 10 ans, il est toujours complexe d'écrire une chronique sur un nouvel album. La manière d'aborder l'opus peut prendre différentes formes, de l'adoration sans prise de recul à la déception nourrie d'attentes trop lourdes. Il est vrai que Les Chants de Nihil est clairement l'un des groupes qui m'a vue grandir, si ce n'est l'inverse, ayant toujours gardé un œil sur les aventures du projet au fil des années. Leur signature chez Les Acteurs de l'Ombre doit sans doute leur donner un petit coup de pouce pour gagner encore un peu plus en notoriété.
Quand on y réfléchit, tous les éléments qui ont été pour moi des points d'accroche lors de mes premières écoutes (La Liberté guidant le Fer et les démos) n'ont jamais cessé de porter les compositions au fil des albums. Un black presque typiquement français avec de nombreuses mélodies, des textes en français qui transpirent une poésie aussi noble que crasseuse et qui, surtout, sont facilement compréhensibles à l'oreille. Le tout inscrit dans un univers teinté de grandiloquence et de jeux de pouvoir fictifs
Quiconque a déjà écouté le projet ne saurait me contredire : les textes sont véritablement leur point fort. C'est l'élément qui m'a toujours plu, personnellement, et qui me plaît encore aujourd'hui. En lisant les paroles, on se croirait à chaque chapitre d'un livre, à chaque acte d'une tragédie : une impression qui se confirme lors de l'ouverture du digipak qui indique une division en quatre Actes. Une courte prose introductive ancre également l'album dans une histoire. Celle narrée ici est censée se situer trente ans après les événements qui font l'action de l'album Propagande Erogène, sorti il y a dix ans. Tant dans l'ambiance que dans les propos, les deux albums semblent se faire face et résonner l'un vers l'autre. Il est agréable de voir un groupe aborder un concept complet et travaillé qui s'inscrit dans une discographie et, à nouveau, dans cette esthétique qui questionne, entre fascination et dénonciation d'un pouvoir totalitaire fictif.
Musicalement, le coup de cœur est moins ancré de mon côté. Bien sûr, un groupe n'est jamais figé dans sa manière de composer mais on avait été plutôt habitués à un black mid-tempo, tranquillement évolutif, jouant sur la subtilité des pistes : basse ronronnante ou incisive, mélodies de guitare glorieuses, chant sous de nombreuses formes. Ainsi, l'ouverture sur « Entropie des conquêtes éphémères » n'est pas vraiment ma tasse de thé. Pas étonnant que « Ode aux résignés », « Danse des morts-nés » ou encore les évolutions de « L'adoration de la terre » me parlent bien plus. Le chant clair est, sur les albums du groupe, toujours utilisé de manière intelligente et c'est à travers le titre éponyme que cela se confirme ici, d'une manière très dramatique.
Bien sûr, on retient plus vite que le reste « Ma doctrine, ta vanité » car le morceau-tube, sorti en premier pour annoncer l'album, fonctionne très bien. Les chœurs y sont poignants, calqués sur le format des chorales de chansons de révolte ou des hymnes nationaux, accompagnés de rythmes qui rappellent des percussions militaires. On entendra même un écho de ce chant sur le morceau final « Sabordage du Songeur » qui crée une version alternative et étrange du premier jet. Cette dynamique d'échos entre différents morceaux du groupe est, par ailleurs, loin d'être inédite dans leur discographie.
Le clin-d’œil aux chœurs est une manière de présenter l'ambiance qui anime le pays que Les Chants de Nihil a inventé. Ils semblent ici porter des valeurs patriotiques et libertaires, en parallèle d'une mythologie propre, mais le flou est toujours entretenu sur la situation et la poésie nous laisse une part d'imagination. Cela dit, tous les titres ont leur manière d'apporter une pierre à l'édifice en créant un puzzle d'ambiances qu'on pourrait trouver dans ce fameux territoire qu'on croit apercevoir sur la pochette.
Si la production n'a jamais été si bonne pour un album des Bretons et si l'artwork intrigue immédiatement, c'est pour moi une écoute en demi-teinte. Il est appréciable que chaque titre de l'album ait son décor et ses mélodies, parfois entêtantes, mais je ne ressors pas de l'écoute avec un empressement grandiose qui me pousserait à l'écouter en boucle. L'ambiance globale y est un peu plus acérée que sur les albums précédents, une impression également rendue par un son qui permet de mieux capter la violence de la composition. Je regrette cependant une basse un peu en arrière, contrairement à certaines souvenirs que j'ai de titres presque portés entièrement par des mélodies de basse (« Fête de la Fédération »). L'album sera, pour moi, à réécouter dans le temps pour découvrir ce qui se cache à flanc de falaise.
1. Ouverture
2. Entropie des conquêtes éphémères
3. Ma doctrine, ta vanité
4. L'adoration de la Terre
5. Danse des morts-nés
6. Le tyran et l'esthète
7. Ode aux résignés
8. Lubie hystérie
9. Sabordage du songeur - Final